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Live reports / 20.08.2019

Cahors Blues Festival 2019

12 au 16 juillet 2019.

Suite à un projet de réaménagement urbain, le site du Cahors Blues Festival a été déplacé sur l’espace de parking voisin de l’ancien emplacement, mais agencé de façon à ce que les habitués retrouvent tout de suite leurs repères. Le groupe belge The Bluesbones ouvre la petite scène avec un blues rock fort sympathique, joué avec talent et assurance. Leur succèdent Nico Duportal & the Sparks, un nouveau nom pour une formation qui rassemble une majorité de membres des ex-Rhythm Dudes, ce qui garantit un haut niveau musical. Le groupe sera malheureusement desservi par la mauvaise qualité technique du son, problème qui s’avèrera récurrent sur cette scène. Cela n’empêche pas Nico et son gang de se livrer généreusement, avec des titres repris au répertoire des Dudes, comme Lost in the game, et de nouvelles compositions comme Sweet brown eyed woman au rythme chaloupé, à la guitare twangy pour un très joli solo, ou My promised land à paraître sur un nouveau disque annoncé pour octobre. Et ce Keep on keeping on dédiée à Mavis Staples est très goûteux. Le final se fait avec Time is the money of love.

Nous ne restons pas pour la soirée sur la grande scène avec le Will Barber Trio, Jessie Lee & the Alchemists et Axel Bauer.

Le samedi 12 après-midi est consacré à la première manche du Mississippi Blues Trail Challenge. Le plateau de huit finalistes est de haut niveau en commençant par le duo Ronan One Man Band et Marko Balland. On connaît leur blues rugueux, appuyé sur le répertoire de Ronan auquel l’harmonica de Marko apporte des couleurs supplémentaires. Les deux compères sont eux aussi pénalisés par la technique son qui prive Ronan de voix, avant de subir une panne de courant générale du quartier ! Avec talent et classe, ils se postent alors au bord de la scène et continuent à jouer en acoustique, recevant une ovation méritée.

L’électricité revenue, la scène peut être investie par Lucky Gas & Little Peter. La formation est solide, bien blues, avec l’expérience de Gaspard Ossikian et la fougue de Peter Cayla. Le répertoire vient du dernier disque “West To West” avec un sommet sur le blues lent Six strings tuned to the blues. Le duo Yoann Minkoff & Kris Nolly leur succède. Le beatboxing de Kris est régulièrement impressionnant tandis que Yoann assure le chant et la guitare, changeant de modèle pour arborer celle qu’il présente comme sa « pinard box » guitare. Il leur faut un peu de temps pour monter en régime avant un final très emballant.

Big Dez apparaît et c’est une excellente surprise de voir Vincent Bucher à l’harmonica. Là encore, le disque récemment sorti sert de base au répertoire avec le morceau-titre Last train en ouverture. La voix instantanément reconnaissable de Philippe Fernandez et ses traits de guitare cinglants sont toujours aussi bons à entendre. Vincent Bucher chante sur un titre et parsème le reste du set de solos personnels. Un autre duo prend la suite, One Rusty Band, avec Rusty Greg, chant, guitares, harmonica, percussions, et Léa Jumping, claquettes. Eh oui, pendant que Greg riffe, rythme, chante, rugit, Léa danse et tape des pieds avec de superbes chaussures noires et blanches sur une planche sonorisée à cet effet. Elle frotte aussi un washboard qu’elle ne lâche que pour exécuter des numéros d’équilibriste. Même si le mauvais génie du son frappe encore et rend inaudible l’harmonica de Greg, le couple fait très forte impression. Difficile pour Sweet Scarlett de passer après, mais ce serait dommage de rater leur blues rock bien construit.

Same Player Shoot Again est au niveau qu’on attendait, c’est-à-dire très élevé. Ça débat beaucoup dans le public sur le fait que leur répertoire n’est fait que de reprises, mais il faut reconnaître, un, que le groupe l’annonce clairement, deux, que les interprétations sont excellentes, à la fois respectueuses et fraîches, avec en particulier la guitare de Romain Roussoulière et le chant de Vincent Vella, ainsi que sa présence scénique. Introduction dantesque de Going down, entrain de Pack it up, blues lent délicieux de Only getting second best et Have you ever loved a woman, tout y est.

Autre valeur sûre, Elise and the Sugarsweets, au répertoire toujours plus soul, au son soigné et à l’élégance qui ne l’est pas moins et une présence inattendue, celle de Bala Pradal aux claviers. Il ne manque qu’un peu plus de folie dans le jeu de scène et ça sera top. Nous apprendrons plus tard que le jury du challenge, composé de programmateurs de festivals français et européens, aura retenu One Rusty Band, Elise and the Sugarsweets, Big Dez et Same Player Shoot Again pour la finale du lendemain soir sur la grande scène. En attendant, on peut en retrouver certains dans les rues de Cahors le soir à travers l’animation “Le Blues dans la Ville”.

Le dimanche 14 juillet, c’est la Toulouse Blues Society qui anime la petite scène autour du Juke Joints Band et du Fred Cruveiller Blues Band. Le blues rock est au menu, rugueux pour les premiers, plus fin pour les seconds. Chaque groupe a ses invités, et on remarque avec intérêt Evan Johnson dont le jeu de guitare est bien blues, le jeune prodige Enzo Cappadona, et l’expérimenté Fabrice Joussot. À 20 heures, la grande scène accueille la finale du Mississippi Blues Trail Challenge avec Elise & the Sugarsweets, One Rusty Band, Big Dez et Same Player Shoot Again. Tous confirment les qualités affichées la veille, avec quelques variations dans les répertoires, investissant sans peine l’espace scénique plus important. Ils repartiront tous bardés de prix, signe de leur talent, et surtout de la possibilité que nous aurons de les revoir dans les mois qui viennent.

Il est l’heure d’assister à un concert phare de cette édition 2019 : place au Malted Milk Soul Orchestra, soit le fameux groupe nantais augmenté d’une section de cordes, d’un percussionniste, de choristes et du chanteur britannique Hugh Coltman. L’affiche va tenir toutes ses promesses. Le nouveau disque “Love, Tears & Guns” fournit la colonne vertébrale du show, porté par le leader Arnaud Fradin, étincelant à la guitare et au chant. Max Genouel est bien présent à la deuxième guitare et fournit une riche voie d’évolution. Aux cuivres, Pierre-Marie Humeau, Vincent Aubert et Eddy Deloménie relancent sans cesse la machine, avec notamment la fameuse bataille des cuivres. Damien Cornélis est groovy à souhait aux claviers, bien aidé par la basse funky d’Igor Pichon et les percussions. Hugh Coltman apparaît sur Voodoo working et se conduit autant en vedette qu’en accompagnateur, positionné entre Laurence Le Baccon et Julie Dumoulin aux chœurs. Il dégaine aussi un harmonica pour un solo endiablé sur Money. Beaucoup de moyens et d’énergie donc, pour un show certes éblouissant mais qui manqua peut-être d’un peu de respiration. 

Malted Milk Soul Orchestra

Le lundi 15 juillet est lancé par Mr. Bo Weavil, dont on ne dira jamais assez qu’il est un des meilleurs en format “one man band”, guitare, harmonica, percussions, avec son répertoire blues métissé, et son très grand talent au chant. Celui de Véronique Gayot nous séduit moins, mais il faut saluer son engagement et sa générosité, soutenue par la guitare véloce de Timo Gross.

Chris Bergson ne s’économise pas non plus sur la grande scène avec un premier titre solide pour chauffer le public et ouvrir la voie à Ellis Hooks dont le talent vocal et la présence scénique apportent un joli complément à ceux de Chris pourtant déjà une vedette à lui tout seul. Les deux chantent en duo sur le soul blues lent Bitter midnight. Ils sont rejoints par Fred Chapellier sur Lonesome for a dime. Les amateurs de duels de guitare sont aux anges car Fred reste pour quelques titres et revient pour les rappels.

La Grâce est ensuite descendue sur le Cahors Blues Festival avec Michelle David & the Gospel Sessions. Quelle chanteuse, quel orchestre ! Voix envoûtante, talent musical, élégance, entrain, on est pris et on en redemande. Avec une section de cuivres et un Paul Willemsen une fois de plus énorme, Michelle peut se donner à fond et enchaîner les titres de son dernier disque. Taking it back est un sommet, suivi sans coupure de Nobody but the Lord, Be still est intime, Soldier in the army of love et Up above my head sont, si on peut le dire ainsi, endiablés, ainsi que le rappel Get on board, prolongé après la sortie de scène de Michelle par une séquence instrumentale du groupe rassemblé autour de la batterie de Toon Omen. We’ve been gospelized!

Mr. Bo Weavil
Chris Bergson et Ellis Hooks
Ellis Hooks et Fred Chapellier
Michelle David & Gospel Sessions

Le festival se clôt en apothéose le mardi 16 juillet avec les concerts du soir de Curtis Salgado et Don Bryant, pour lesquels nous arrivons directement. Avec Anthony Stelmaszack à la guitare, Damien Cornélis aux claviers, Kris Jefferson à la basse, Laurence Le Baccon et Julie Dumoulin aux chœurs, la section de cuivres du saxophoniste Tommy Schneller, avec Gary Winters à la trompette et Dieter Kulhman au trombone, le batteur-producteur Fabrice Bessouat a assemblé un formidable plateau dont Curtis Salgado va profiter pour donner ce qui sera pour nous le meilleur concert du festival.

L’homme est en voix et son charisme fait le reste, aussi bien auprès de l’orchestre que du public. Low down dirty shame en ouverture, reprise de Bobby Parker et Elmore James à suivre, puis retours aux originaux, il a le don pour agencer un répertoire, entre soul, blues, rock ‘n’ roll, qui le met forcément en valeur lui-même mais aussi les musiciens, Damien Cornélis sur Drivin’ in the drivin’ rain ou sur l’introduction churchy de The longer that I live the older I wanna get, Tommy Schneller sur I’m gonna forget about you, Anthony Stelmaszack sur Walk a mile in my blues, titre aussi magnifié par un arrêt brusque suivi d’une séquence en claquements de mains, la reprise par les cuivres et un autre solo de guitare. Curtis n’oubliera pas de sortir son harmonica, avant de partir dans un titre soul sudiste lent, Born all over, moment très fort d’un spectacle qui l’était déjà. 

Don Bryant & the Bo-Keys ont le métier et l’expérience pour passer après ça. Scott Bomar est à la basse, Joe Restivo à la guitare, Archie Turner aux claviers, Marc Franklin à la trompette, et Kirk Smothers au saxophone, avec un batteur inconnu de nous. Instrumental en ouverture puis Nickel and a nail envoyé par un Don toujours aussi dynamique et souriant, avec ses classiques baisers envoyés à pleines mains vers le public. Le show enchaîne les propres titres de Don, anciens et nouveaux, ceux qu’il a écrits pour les autres, instrumentaux pour lui permettre de faire une pause et bien sûr hommage à son épouse Ann Peebles dont il reprend 99 Lbs. Marc Franklin livre un beau solo de trompette sur There is something on your mind, Archie Turner propose de belles séquences aux claviers et Joe Restivo prend quelques solos, mais l’ensemble manque un peu de folie, se reposant entièrement sur la fougue du leader. Le rappel commence avec Don’t turn your back on me et se finit comme attendu avec I can’t stand the rain.

De pluie, il n’y aura pas eu pendant ce festival, souvent écrasé par la chaleur, mais il y avait tout ce qu’il fallait pour s’hydrater et profiter sereinement d’une très belle édition.

Curtis Salgado
Anthony Stelmaszack
Don Bryant

Texte et photos : Christophe Mourot

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