Jazz Celebration 2024, Théâtre du Châtelet, Paris
09.10.2024
;
24 janvier 2024
Faire le “plein” en milieu de semaine, même sur Paris, est une gageure. Pari réussi pour le septet de Boney Fields dont c’était la “release party” de “Just Give Me Some Mo’”, avec un concert absolument incendiaire dans un New Morning des grands soirs.
Il fallait venir tôt pour espérer se placer de façon idéale, afin de profiter de toute cette soirée à danser et résonner frénétiquement devant la scène. Depuis quelques semaines déjà, on savait que l’artiste luxembourgeois d’origine colombienne Kid Colling Cartel allait assurer une brève première partie. Ce fut un set rapidement expédié, mais au cours duquel il a été possible d’admirer à la fois la cohésion parfaite d’un beau power trio, le jeu de guitare flamboyant du leader ainsi que son talent de compositeur. Chanteur convaincant, il possède la fougue et le cœur nécessaires pour animer un trio, formule réservée aux guitaristes-chanteurs les plus solides. Diplômé de l’American School de Paris, sans cesse tourné vers de nouveaux projets et de belles collaborations, Kid Colling est un artiste à suivre. Il faudra l’applaudir à nouveau sur une durée plus longue.
Boney Fields, auréolé de 65 printemps – dont presque autant au service de la musique – sort chez Dixiefrog un album magnifique, point d’orgue de sa carrière solo : “Just Give Me Some Mo’”. L’ancien accompagnateur d’Albert Collins, James Cotton, Luther Allison et de dizaines d’autres grands noms défie le temps. Insatiable, toujours blindé d’une énergie communicative, c’est durant deux heures qu’il nous servira de larges rasades de sa dernière réalisation. Le disque entier est interprété avec une ardeur incroyable ; n’en manque que Control of you. Se rajoutent à la setlist Ain’t giving up on you de l’album “Bump City”, Here we stand et Times are changing ainsi que le prenant hommage à Luther Allison Freedom, tous trois extraits de “Changing For The Future”. Autant de prétextes pour faire la fête, danser, transpirer, mais aussi communier avec un public qui le lui rend bien, d’autant plus qu’une partie de sa famille de Chicago avait fait tout spécialement le déplacement. Une raison de plus pour émouvoir, mais aussi émoustiller le leader charismatique du septet, dont chaque membre aura brillé de mille feux.
Nadège Dumas (saxophone, chœurs), qui assure le liant et initie tous les breaks et Pierre Chabrele (trombone), qui dynamise chaque titre et semble viser ostensiblement – avec humour – le premier rang de l’extrémité de sa coulisse, constituent magnifiquement avec Boney Fields une section de cuivres très cohésive. Antoine Monfleur (batterie) et Ichème “Zou” Zouggart (basse), dans une belle osmose, assurent une rythmique extrêmement groovy, propre à des funks ébouriffants et des titres en tempo medium parfaitement enveloppants. Le guitariste Joseph Champagnon, impérial en rythmique, est plus parcimonieux en solos, mais à chaque fois redoutablement efficace. Le pianiste Pity Cabrera assure un train d’ivoires des plus swingants, et – en natif de Cuba – emporte tout le monde sur des sonorités cubaines, salsa et jazzy.
Avec sa trompette puissante et son chant étoffé, Boney Fields propulse un répertoire survitaminé, tombant la veste, haranguant le public, ne lui laissant qu’un seul répit : l’issue du concert. Côté salle, on mesure souvent mal le travail colossal, la somme d’énergie, l’opiniâtreté nécessaires pour monter un spectacle pareil. C’est d’autant mieux rendu que transparaît une impression de facilité mêlée d’élégance, et que pour toute “savante” qu’elle soit – de par ses arrangements et sa subtilité –, la musique de Boney Fields est conçue pour faire la fête. Impossible de ne pas danser, à minima osciller en rythme, comme l’ont fait également les bœuffeurs du soir : Rachid Guissous au piano (clavier de Boney durant 5 ans et dernier accompagnateur de Lucky Peterson) et Hervé Samb à la guitare (guitariste de Boney durant 18 ans jusqu’en 2017 et directeur musical du nouvel album).
Richesse et simplicité, deux mots qu’il faut lier à générosité et talent pour résumer une soirée parfaite, à la fin de laquelle Boney Fields s’est prêté de bonne grâce aux dédicaces et aux photos avec ses admirateurs. On espère bien les retrouver sur de grands festivals prochainement ! En attendant, l’étincelant album “Just Give Me Some Mo’” vous en offrira davantage…
Texte : Marc Loison
Photos © J-M Rock’n’Blues
Plus de photos ici.