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Live reports / 29.02.2024

Bobby Rush, Duc Des Lombards, Paris

23 février (second set) et 24 février (premier set) 2024.

Douze ans que Bobby Rush n’avait pas joué à Paris ! S’il s’est produit ailleurs en France entre temps, sa venue pour deux soirs au Duc des Lombards est un vrai évènement, et le club était complet pour chacun des quatre shows.

Cette fois-ci, c’est seul que Bobby Rush – qui rappelle volontiers que son nom se prononce d’une traite, sans séparer nom et prénom – se présente sur scène, armé de sa guitare et de son harmonica. Très à l’aise dans ce format, il en profite pour varier le répertoire à chaque occasion, même si le programme suit – en tous cas sur les deux sets auxquels j’ai assisté – un déroulement similaire, mêlant histoires et chansons. 

Bobby Rush commence chacun de ses shows en se présentant, expliquant qu’il est né en 1933 – une date qui n’apparaît à aucun moment parmi les différentes hypothèses qu’il mentionne dans son autobiographie – et qu’il a enregistré 429 disques – ce qui ne correspond pas vraiment à ce que disent les discographies, même les plus exhaustives ! – et en évoquant ses rencontres avec les figures du Chicago Blues, dont Muddy Waters qui, à 29 ans, lui paraissait déjà âgé !

Il enchaîne avec une série de blues mêlant originaux extraits de ses disques personnels tels que Down in Mississippi et Broken hearted man et emprunts, en particulier à Howlin’ Wolf, avant de se lancer dans un medley de ses “tubes”, en commençant par Chicken heads, suivi de Bowlegged woman, knock-kneed man. Le medley se poursuit ensuite au gré de l’inspiration de Bobby Rush, passant par exemple le premier soir – le seul où j’ai pris des notes ! – par Last night I lost the best friend I’ll ever have, Mystery train et Smokestack Lightnin’

Bobby Rush se débarrasse ensuite de sa guitare pour passer à l’harmonica et se lève pour chanter Garbage man puis un second titre en format harmonica-voix, Hoochie coochie man le premier soir, un I got a problem débridé le second. Il introduit ensuite son “surprise”, Mizz Lowe, qu’il présente comme « son bras droit et son bras gauche » depuis 22 ans. Celle-ci chante trois titres – dont Drink drink, extrait de son album – accompagnée par Bobby Rush à la guitare. Si ses qualités vocales restent fort limitées, les échanges avec celui qu’elle présente comme son mentor et les commentaires grommelés de celui-ci font que la séquence, qui reste brève, n’est pas trop embarrassante. Rush raconte ensuite une anecdote évoquant son père pasteur avant un medley de titres gospel un peu incongru puis repasse sur son répertoire blues pour quelques titres. 

Si le show du vendredi soir, conclu par un plaidoyer en faveur de l’entretien de la flamme du blues mentionnant Christone “Kingfish” Ingram comme grand espoir du genre, était déjà très réussi, celui du samedi le surpasse encore. Sans doute stimulé par un public plus réceptif (et sans doute plus anglophone) que la veille, Bobby Rush est bien plus impliqué, échangeant avec les fans des premiers rangs et sollicitant volontiers le public. Laissant son speech habituel de côté, il prolonge le final par une succession de classiques du blues, parmi lesquels un Forty days and forty nights totalement habité, au point que Mizz Lowe est obligée de venir sur scène lui glisser à l’oreille qu’il a un second show à assurer dans la foulée ! Ce qui ne l’empêchera pas, évidemment, d’accueillir ensuite longuement ses admirateurs, enchaînant selfies et autographes, sans oublier évidemment de vendre ses disques et ses livres… 

Que Bobby Rush ait effectivement 90 ans ou non – je penche pour la négative –, il est, avec Buddy Guy, un des derniers survivants encore actifs de cette génération de bluesmen, et il n’a que peu perdu de sa puissance et de la richesse de son inspiration. La possibilité de l’entendre “en vrai” dans un tel contexte intimiste était un réel cadeau. 

Texte : Frédéric Adrian
Photos © Frédéric Ragot

Bobby Rush, Mizz Lowe

Bobby Rushconcert