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Live reports / 04.09.2018

Bilal

À peine plus d’une semaine après avoir retourné vingt mille personnes le temps d’une seule chanson en tant qu’invité des Roots au North Sea Jazz Festival – et après une étape à Nice que raconte par ailleurs mon camarade Matthieu Bellisario –, Bilal était de passage à Paris pour la soirée de clôture du versant parisien du Paris New York Heritage Festival – responsable entre autres de la venue de Brian Jackson, le complice de Gil Scott Heron, début juin – qui se tenait dans le cadre un peu hors du temps du jardin du Mona Bismarck, un élégant hôtel particulier à deux pas de la Tour Eiffel reconverti en centre culturel. Mis dans l’ambiance par un excellent set assuré par DJ Suspect, les quelques centaines de spectateurs réunis sous le doux soleil du début de soirée réservent un accueil triomphal au chanteur qui, malgré le caractère erratique de sa carrière, a toujours gardé un noyau vivace de supporters. 

Accompagné comme lors de son passage du début d’année au Duc des Lombards d’un simple trio (Randall Runyon à la guitare, Conley Whitfield à la basse et Joseph Grisette à la batterie), Bilal ne semble pas tout à fait savoir où il veut en venir au début de sa prestation et sa musique se perd dans une certaine confusion, avant qu’il ne trouve son groove, avec l’appui d’un public en communion, et commence à enchaîner, à partir de West side girl, les perles de son répertoire, issues de ses différents albums. Le format trio, en l’empêchant de se reposer sur ses accompagnateurs (en dehors de quelques solos bien sentis de Randall Runyon), lui impose d’être constamment aux avant-postes, mais lui offre également des possibilités d’exploration particulièrement riches, que Bilal ne se prive pas d’utiliser. Il introduit le très beau Sometimes d’une longue improvisation à base d’onomatopées – frissons de ma voisine de concert en reconnaissant la chanson après plusieurs minutes à tourner autour du thème – ou prolongeant Back to love d’acrobaties spectaculaires qui ne perdent jamais le fil de la musique. D’autres titres, comme Butterfly, bénéficient du contexte pour sortir du cadre contraint de la version enregistrée, Bilal jouant avec le texte au gré d’une inspiration visiblement très présente ce soir. 

Même si le répertoire est proche de celui des concerts de janvier (dommage qu’il n’ait pas inclus le récent It ain’t fair, gravé avec les Roots), chaque titre semble réinventé au gré de l’humeur de l’interprète, parfaitement suivi par ses partenaires de jeu. Là où le cadre du Duc des Lombards avait semblé le contraindre à une certaine réserve, il laisse ici libre court à son tempérament, interpellant le public – qui ne demande que ça – pour l’amener à s’impliquer dans la musique. Après un final en beauté qui enchaîne le tube Soul sista et l’irrésistible Reminisce, deux des plus beaux trésors issus de ses albums, il revient pour un unique rappel sur All matter, une vieille collaboration avec Robert Glasper dont il est un partenaire régulier. L’ensemble mets un point final à une prestation qui vient confirmer le statut particulier de Bilal au sein de la génération de chanteurs apparus dans le courant des années 2000. Reste à espérer que des prestations régulières sur les scènes françaises et un nouvel album lui permette d’aller séduire au-delà du groupuscule de ses admirateurs fidèles…

Frédéric Adrian