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Live reports / 14.03.2018

Bilal

Talent majeur de la scène soul depuis le début des années 2000 et sans aucun doute l’un des meilleurs chanteurs du moment, Bilal n’a jusqu’ici pas obtenu la reconnaissance publique qu’il mérite et, s'il a des admirateurs fidèles, c’est plus pour ses collaborations – de Common à Kendrick Lamar en passant par Robert Glasper, Jay-Z et Erykah Badu, pour résumer – que pour son œuvre propre qu’il est réputé, la faute à pas de chance (sa maison de disque a refusé de sortir son deuxième album, “Love For Sale” qui a ensuite fuité sur internet), à un niveau d’exigence artistique élevé et, aussi, à des prestations scénique erratiques, passant du sublime (je doute qu’une seule personne présente à la Bellevilloise un soir de juin 2013 oublie un jour la version de Slipping away jouée ce soir-là, miraculeusement disponible sur YouTube) au routinier. Pour sa résidence de trois jours – avec deux sets à chaque soir –, c’est en format restreint, avec un simple trio (Conley Whitfield à la basse, Randall Runyon à la guitare, Joseph Grisette à la batterie), qu’il se présente devant un public nombreux – c’était complet le soir où j’y suis allé, un dimanche ! – et très attentif. 

 

 

 

 


Conley Whitfield

 


Joseph Grisette

 

Sans disque récent à défendre – son dernier date déjà de 2015 et dans mon souvenir aucun extrait n’en a été interprété –, il se balade dans l’ensemble de sa discographie,  de “1st Born Second” représenté notamment par l’excellent Sometimes, parfaitement interprété, et l’indispensable Soul sista, à “A Love Surreal” dans lequel il pioche largement avec des titres comme Winning hand et Back to love, mais aussi dans ses collaborations avec d’autres, comme le relativement obscur All matter, enregistré avec Robert Glasper avant que celui-ci ne devienne à la mode. Un peu timide vocalement au début du concert, Bilal prend son envol progressivement.

 

 

 

 

La dimension jazz du club l’inspire même à se lancer dans quelques passages scat inattendus mais bienvenus en introduction de West side girl et de Back to love. Mais c’est sur les ballades qu’il donne son meilleur, avec notamment un Lost for now frissonnant.

 


Randall Runyon, Conley Whitfield

 

 

Si le format en trio, sans claviers, surprend, les musiciens – qui jouent régulièrement avec lui – le suivent parfaitement, et Randall Runyon, en particulier, fait des merveilles le long d’un très riche solo sur All matter. En rappel, Reminisce renvoie à nouveau à “1st Born Second” et oblige à s’interroger sur le statut de celui que Télérama, pourtant généralement à la ramasse dans le domaine, qualifiait quelques jours plus tôt de « génie incompris de la soul ». Joli coup en tout cas pour le Duc des Lombards, qui, au vu du remplissage, n’a pas dû se plaindre d’avoir fait le pari de l’inviter, en espérant que ce ne soit qu’une première.

Frédéric Adrian
Photos © Frédéric Ragot