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Live reports / 15.11.2023

Bay-Car Blues Festival 2023

Grande-Synthe (59), 3 et 4 novembre 2023.

Le Palais du Littoral se remplit instantanément dès l’ouverture des portes, une heure avant le début du spectacle. Et les serveuses bénévoles sont déjà prêtes à prendre les commandes servies aux tables, comme dans un club !

Après tant d’années passées avec Awek (et un dernier concert au Triton sous l’égide de Soul Bag), Bernard Sellam a entamé une nouvelle aventure à la tête des Boyz From The Hood. Avec l’apport de deux saxophonistes (Frank Mottin au ténor et Manu Lochin au baryton), l’accent est clairement mis sur le rhythm and blues et le jump blues des années 1950-60. Biberonnée aux sons de B.B., T-Bone, Clarence Brown ou Guitar Watson, la guitare du leader s’en nourrit pour restituer des solos “à la manière de” et pourtant frais et audacieux. Les saxes sont aussi là pour des solos toujours courts et enlevés, ainsi qu’il convient dans ce contexte. Au chant, Bernard Sellam fait toujours preuve de la même envie, du même engagement, une énergie que devra acquérir le bassiste, Eric “Church” Léglise, encore un peu statique lorsqu’il chante. Peu de compositions originales encore (ça viendra), mais un vaste répertoire puisé aux meilleures sources (les susnommés et Roy Milton, Guitar Slim, J.B. Lenoir et même Z.Z. Hill), débordant largement le contenu du premier CD et appelant donc une suite !

Bernard Sellam & The Boyz From The Hood

Venus du Royaume-Uni, les Cinelli Brothers captent immédiatement l’attention avec une introduction a cappella à quatre voix parfaitement harmonisées. Ferré, le public ne décrochera plus, aussi surpris par la qualité et la variété (blues, soul, gospel, funk, pop) du répertoire que par la polyvalence des quatre compères dans une ambiance de plaisir partagé. Les deux frères Cinelli – Marco à l’orgue, mais ensuite à la guitare, la basse ou l’harmo, et Alessandro à la batterie, mais aussi à la basse – ont trouvé deux complices à leur taille : Tom Julian Jones (à l’harmonica ou à la guitare) et le Frenchy Stephen Giry (à la basse et aussi à la guitare ou aux drums) qui avouera : « Il faut partir vivre ailleurs pour jouer plus souvent dans son pays ! » Les temps forts se succèdent au fil du boogie Choo ma gum ou de la soul galvanisante de So far so good, comme de l’intense No place for me ou la reprise de A million miles away de Rory Gallagher. Standing ovation et rappel mérité pour un groupe innovant promis à un bel avenir.

The Cinelli Brothers
Marco Cinelli
Tom Julian Jones, Alessandro Cinelli
Alessandro Cinelli

Auréolé de deux albums justement remarqués par la critique, j’attendais beaucoup d’Eddie 9V, d’autant que les échos, sur ce site, des premiers concerts de la tournée étaient laudatifs. Pour ma part, j’ai été beaucoup moins réceptif à un set mené nerveusement, pour ne pas dire brutalement, par un artiste peu soucieux de communication avec le public. Ouvert par Big leg woman en mode Freddie King et poursuivi avec Beg borrow & steal, The come up, Reach into your heart, Black little flies, etc., Eddie 9V trace sa route, semblant pressé d’en finir (1 heure de show) et communiquant surtout avec ses accompagnateurs : Lane Kelly, son frère, à la basse, Chad Mason aux claviers et l’excellent David Green à la batterie. Certes, le répertoire atteste de sa créativité et il est impressionnant de maîtrise à la guitare, mais je n’ai pas ressenti beaucoup de feeling ni dans son jeu ni dans son chant. Peut-être est-ce un mauvais jour ?

Le Bay-Car renouait cette année avec les interscènes assurées par le guitariste Jack Moore (fils de Gary) associé à un groupe polonais au chanteur théâtral (Piotr Wojciechowski) dans une veine blues rock.

Lane Kelly, Eddie 9V
Eddie 9V
David Green
Chad Mason
Lane Kelly
Eddie 9V
Band Suwalki feat. Jack Moore

La soirée du samedi s’ouvre sur les Travellin’ Blue Kings, réunissant cinq musiciens passés par une flopée de groupes belges et néerlandais : Jimmy Hontelé à la guitare et à l’orgue, Winne Penninckx à la basse, Patrick Cuyers à l’orgue, Marc Gijbels à la batterie et Stephan Hermsen au chant, à l’harmonica et au sax. Néanmoins, le groupe a subi des changements de personnel récemment et a parfois du mal à trouver ses marques. D’où une impression de “work in progress” compensée par quelques belles échappées à la guitare ou d’intéressantes interventions au saxophone.

Travellin’ Blue Kings
Jimmy Hontelé, Patrick Cuyers
Stephan Hermsen

Décidément la Norvège se révèle comme une terre fertile pour le blues. On connaissait Knud Reiesrud, Björn Berge, et bien sûr Kid Andersen, mais le Bay-Car a ajouté à la liste J.T. Lauritsen & The Buckshot Hunters avec ce premier concert en France. Ce ne sont pourtant pas des débutants, le groupe réuni dans les années 1990 a six albums à son actif et cela s’entend. Chacun trouve sa place dans les arrangements précis, les deux guitaristes aussi remarquables que complémentaires (l’un bien tranchant, l’autre plus moelleux), le batteur rigolard mais attentif. Tous sont au service d’un leader particulièrement versatile, passant de l’accordéon à l’orgue ou à l’harmonica. Sa voix de ténor s’accorde à tous les genres abordés, blues, zydeco et soul. C’est dans ce dernier domaine qu’elle impressionne avec de remarquables versions de Nothing takes the place of you, What am I living for you, Everyday will be a holiday. En rappel, le Red hot de Billy Lee Riley fait danser le Palais ! Ces Vikings peuvent revenir, ils seront bienvenus !

J.T. Lauritsen & The Buckshot Hunters
J.T. Lauritsen
Arnfinn Tørrisen, Morten Nordskaug, J.T. Lauristen
Jon Grimsby 
J.T. Lauristen

Slam Allen fait dans l’efficacité : Just want to make love to you, That’s all right/What’d I say, Whole lotta lovin’, Sweet sixteen, Satisfaction… Les grosses ficelles du genre, interprétées avec une suprême aisance, tant au chant qu’à la guitare, et parfaitement soutenues par Victor Puertas à l’orgue, Antoine Escalier à la basse et Pascal Delmas à la batterie. De quoi satisfaire le public des bateaux de croisière qu’il a l’habitude d’animer. Mais pas vraiment de quoi contenter des amateurs de blues en quête d’un minimum d’authenticité. Heureusement, lorsqu’il évoquera son mentor, James Cotton, Victor Puertas abandonnera son clavier pour épauler Slam Allen à l’harmonica, avec un jeu prodigieux de feeling. Du coup, Baby what do you want me to do (plus à la Cotton qu’à la Jimmy Reed !), Long distance call ou That’s all right retrouvent leur capacité à émouvoir. Tant pis si Purple rain tire un peu à la ligne, on est dans le groove. Le final voit revenir J.T. Lauritsen qui propose un bienvenu Something you got suivi d’un Blues is alright qu’on ne boude pas dans une telle ambiance de fête.

Texte : Jacques Périn
Photos © Thierry Wakx

Slam Allen
Victor Puertas
Slam Allen
Pascal Delmas
Antoine Escalier
Slam Allen
Jon Grimsby, Victor Puertas, J.T. Lauristen
Victor Puertas, J.T. Lauristen, Pascal Delmas, Slam Allen, Antoine Escalier
Bay-Car Blues Festival 2023Jacques Périnlive reportThierry Wakx