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Live reports / 05.01.2023

Amythyst Kiah, Le Point Éphémère, Paris

22 novembre 2022.

C’est devant une foule plutôt clairsemée qu’Amythyst Kiah fait son entrée ce mardi 22 novembre, mais c’est un public enthousiaste qui l’accueille : la chanteuse du Tennessee est clairement attendue puisque le concert devait initialement avoir lieu en janvier 2022.

On pense d’abord qu’Amythyst Kiah sera rejointe par d’autres musiciens, avant de réaliser qu’elle restera seule sur scène. Comme de nombreux musiciens ces derniers mois, l’Américaine tourne seule. Mais avec trois instruments : un banjo, une guitare électrique et une guitare sèche sont placés derrière elle, et elle alterne entre les trois selon les titres. Un peu compliqué en pratique : l’accordage à chaque changement demande concentration et silence, et cela participe à un démarrage assez lent du concert. Elle n’est d’ailleurs pas aidée par la salle, la configuration du Point Éphémère et ses places assises sur les côtés de la fosse n’aidant pas non plus le public à réchauffer l’ambiance.

C’est Hangover blues qui ouvre le set. Amythyst Kiah reprend ensuite Sugar de Tori Amos, qu’elle cite comme l’une de ses grandes influences. La chanson fait partie d’un EP sorti l’été dernier, “Pensive Pop” et dans lequel elle interprète quatre titres populaires qui l’ont inspirée. Reprise entraînante à la guitare, la chanson s’intègre parfaitement au reste du set, avant une seconde relecture : le classique Darling Corey, l’un des titres phares de son premier album, “Dig” (2013). La chanson permet à Kiah de démontrer toutes ses qualités de guitariste et, ici, de banjoïste.

Puis Amythyst Kiah enchaîne d’autres titres de son excellent album “Wary + Strange” (2021). Le single Wild turkey est suivi de The worst, jolie ballade aux paroles amères (« Until I’m in my grave / I always assume the worst ») qui provoque de nombreux sourires attendris – et quelques rires – dans la salle. Présenté comme un inédit mais déjà joué en live par la musicienne ces dernières années, on espère voir ce titre figurer sur un enregistrement futur.

Vient ensuite un morceau issu de la collaboration d’Amythyst Kiah avec Gregory Porter et Moby, leur réinterprétation du hit Natural blues. La version de l’Américaine, seule à la guitare et donc dénuée des arrangements électroniques présents dans la version de Moby (album “Reprise”, 2021), nous évoque évidemment Vera Hall. C’est, comme Amythyst Kiah le rappelle à la fin de la chanson et alors qu’elle accorde à nouveau sa guitare, le Trouble so hard de la chanteuse d’Alabama qu’a remixé Moby. Belle transition pour Kiah, qui en profite pour évoquer un peu plus longuement Vera Hall, sa « fellow Southerner » et grande inspiration pour elle. La musicienne, formée à l’East Tennessee State University en “Bluegrass, Old Time et Country Music Studies” explique que c’est à l’université qu’elle a découvert Vera Hall et l’ensemble de ses enregistrements (qui vont bien au-delà du seul Trouble so hard !). 

Et c’est cette petite leçon d’histoire musicale qui nous amène une réflexion qui couvait depuis le début du concert : et si tout le set, pour l’instant un sans-faute, ne décollait pas tant que ça parce qu’il gardait un côté trop scolaire, certes sans accroc, mais aussi sans grains de folie – quelque chose qu’on décelait pourtant dans les versions studio de certains titres de “Wary + Strange” ?

À peine s’est-on dit ça qu’on semble détrompée. Firewater reçoit les acclamations du public, au sein duquel plusieurs chantent le refrain de cette chanson qui ne figure pourtant pas dans les plus connues de l’album. Elle est suivie d’un autre titre inédit, qu’Amythyst Kiah introduit en racontant la jolie histoire qui l’a inspirée, la rencontre d’un groupe d’amies dans un train écossais et le partage d’une bouteille de champagne – les joies des tournées européennes !

Le set se poursuit avec d’autres chansons de “Wary + Strange”, mais aussi Polly Ann’s hammer, composée avec Allison Russell et qui figure sur “Songs Of Our Native Daughters” (2019), album collectif réalisé avec Russell, Rhiannon Giddens et Leyla McCalla. D’autres titres suivent, notamment l’excellente interprétation de Love will tear us apart, peut-être la plus audacieuse des quatre reprises de “Pensive Pop”, tout aussi splendide en live qu’enregistrée.

L’hymne Black myself, très attendu, vient clôturer une heure et quart d’un très beau set et fait – enfin ! – se lever ceux qui restaient encore assis. Les applaudissements nourris font revenir Amythyst Kiah pour un bis : ce sera le standard Will the circle be unbroken, dont les paroles qui évoquent le deuil d’une mère résonnent avec celles de Kiah. Une très belle conclusion, complètement logique, en somme.

Si on voulait être négative, on dirait regretter de n’avoir qu’une version acoustique des très beaux titres de “Wary + Strange”. Mais on choisira plutôt d’être positive, parce que cette femme et son talent le méritent bien, et d’encourager tout le monde à remplir un peu plus la prochaine salle parisienne dans laquelle Amythyst Kiah se produira. Surtout si, comme elle l’a elle-même promis à la fin de ce concert, elle vient accompagnée de son groupe.

Texte et photos : Kiessée Domart-N’Sondé

Amythyst KiahKiessée Domart-N'SondéLe Point Éphémère