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Live reports / 09.09.2013

15e FESTIVAL INTERNATIONAL DE BOOGIE WOOGIE

L’affiche annuelle, délicieusement rétro, en est le symbole : une demeure seigneuriale émergeant d’un piano à queue tandis que le clavier en forme de voie ferrée y conduit ; à l’avant-plan, un couple de jivers, au volant d’une voiture vintage, en indique la direction. Administration locale, commerçants et direction artistique (Jean-Paul Amouroux) réalisent cet exploit de réunir aux confins du Cantal et de l’Auvergne, environ 1 200 spectateurs par soirée ainsi que des amateurs de gospel et de danse. Ajoutez deux écrans géants et une troupe de jeunes danseurs énergiques et vous obtiendrez une vision globale d’un événement international.

 

Jeudi 08 août

Ou la programmation parfaite.

Jean-Pierre Bertrand : dynamique magistrale et fluidité naturelle en font un des favoris de la scène française. Avec lui, la section dite “rythmique” prend tout son sens. Oubliez les avatars big band où il se perd parfois : ici, le soliste est en pleine lumière (comme sa prestation dans un hôtel).

Martijn Schok : le Hollandais aussi brille grâce à sa technique Albert Ammons et un hommage bien frappé à son ami Little Willie Littlefield. Sa compagne Greta Holtrop, toujours élégante style “Madame Second Empire”, chante à la Julia Lee.

 


Greta Holtrop

 


Jean-Paul Amouroux

 

Kenny “Blues Boss” Wayne : voix douce et mélodieuse, ses doigts semblent survoler le clavier, tant sa fluidité paraît naturelle. Plus tard, dans un café, il en étonnera plus d’un par sa technique plus décalée, réellement funky.

Mike Sanchez ou Amos Milburn réincarné. Avec le combo de Drew Davies (sax ténor) qui lui colle au piano, il déménage le R&B 50’s, sa marque de fabrique. Et il sait le chanter avec panache aussi. Que du plaisir !

Les duos raviront les amateurs : Rob Agerbeek et J-P. Bertrand ; Kenny Wayne et Renaud Patigny ; J-.P. Amouroux et à nouveau J-P. Bertrand.

 


Mike Sanchez

 


Jean-Pierre Bertrand et Renaud Patigny

 


Kenny “Blues Boss” Wayne et Jean-Pierre Bertrand

 

Vendredi 9 août

Martin Seck : cet Allemand se distingue de ses compatriotes par un manque d’accentuation de la main gauche. Cependant, malgré quelques fioritures de la droite, il sonne “académique” et sa présentation personnelle est assez scolaire.

Back to Africa : Jean-Paul Amouroux marie boogie et trois musiciens burkinabés (percussions, kora, balafon…). Belle hypothèse conceptuelle (trois jours de répétitions tout de même) d’un retour aux sources africaines, présentée et interrompue de manière a-rythmique, façon démonstration magistrale, par un ethno-musicologue spécialisé. Avis public partagé. D’après mon goût (et références pédagogiques), cette démonstration vulgarisatrice relevait davantage du Musée de l’Homme.

Nico Duportal & his Rhythm Dudes : le chanteur-guitariste pioche lui aussi dans la stylistique R&B 50’s chère à Mike Sanchez (au point d’interpréter un titre commun : Women and Cadillacs). Mais il n’y a pas photo.

Michel Pastre Big Band : dirigés par un vrai leader au sax ténor, ces 18 musiciens swinguent de chaleureux arrangements puisés surtout chez Duke Ellington. Ils enchanteront les festivaliers. Et la soirée se terminera à nouveau par de riches duos de piano.

 


Martin Seck

 

Samedi 10 août

Rob Agerbeek est sans doute le pianiste hollandais jazzy qui, au milieu des années 1950, aura remis le boogie à l’honneur dans son pays. Et il est resté d’une vitalité étonnante. Belle prestation.

Junior Mance : un infarctus et un AVC récents ont rendu son jeu, autrefois aérien, incohérent et maladroit. Il n’aurait pas dû se déplacer depuis New York.

Zanzibar Trio : soit Renaud Patigny (p) servit dans son projet africain par un remarquable percussionniste togolais et une chanteuse congolaise inspirée par Bessie Smith, robe comprise. Voilà l’alliance réussie boogie-retour aux sources qu’on attendait des Burkinabés.

Papa Finest Boogie Band : “Ach, z’ai touzours un problème” avec des Allemands à l’épais accent Arnold Schwarzenegger qui plus est, présentent des gags lourdingues (au secours, Spike Jones !) dans une succession de classiques les uns plus usés que les autres. Mais, j’ai dû rater un épisode : le public, bon enfant, frappe dans les mains et en redemande. Mânes de Louis Jordan, sauvez-moi ! Ils animeront le bal final.

 


Rob Agerbeek et Kenny “Blues Boss” Wayne

 

Enfin, les amateurs de gospel avaient rendez-vous dans l’église pour les traditionnels Oh happy days et autres Amen. Je n’en suis pas sorti converti, loin de là.

À nouveau, saluons la détermination des organisateurs, des villageois et des nombreux volontaires à faire de ce petit village la capitale mondiale du boogie woogie. Quand donc les émissions régionales de France 3 s’y intéresseront-elles ?

André Hobus
Photos © Liliane Hobus