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Live reports / 21.12.2023

TSF You & the Night & the Music 2023, Salle Pleyel, Paris

11 décembre 2023.

Vingtième édition pour le rendez-vous annuel par la radio TSF Jazz autour d’une sélection du meilleur du jazz de l’année écoulée.

À nouveau, le programme est chargé, avec 18 groupes et musiciens qui se succèdent sur le plateau de la salle Pleyel pour trois bonnes heures de musique présentées par deux voix familières aux auditeurs, celles de Sébastien Vidal et de Laure Albernhe, entrecoupées de quelques pauses pour regarder diverses vidéos – et notamment une superbe interview d’Ahmad Jamal, un des disparus de l’année honorés à cette occasion.

La diversité des formats – du solo joué par le saxophoniste Baptiste Herbin depuis le balcon au grand orchestre, avec la participation comme chaque année ou presque de l’Amazing Keystone Big Band – et des esthétiques, à l’image de la programmation de la radio, garantit l’absence de monotonie tout au long d’une soirée riche en découvertes. 

Comme d’habitude les stars sont là, et en particulier Ibrahim Maalouf – avec une avant-première d’un nouveau projet peu convaincant de prime abord – et Kyle Eastwood, qui offre une belle version du thème d’Ennio Morricone pour Le Bon, la Brute et le Truand avec son groupe et l’Amazing Keystone Big Band, mais ce sont les découvertes et artistes émergents qui cette année offrent quelques-uns des meilleurs moments. Entendu avec Hugh Coltman mais surtout habitué des studios de la variété française, le pianiste Gaël Rakotondrabe, dont le premier album personnel est attendu pour janvier, éblouit avec une version stupéfiante du pourtant souvent repris And I love her des Beatles, tandis que la chanteuse Gabi Hartman donne envie, avec son seul titre, d’en entendre bien plus. Dans des registres différents – latin jazz d’un côté, électro jazz de l’autre –, les saxophonistes Jeanne Michard et Leon Phal confirment la bonne impression laissée par leurs disques, tandis que le trompettiste et chanteur Benny Benack III rappelle que l’inscription dans la tradition n’interdit pas de faire une musique vivante. 

Parmi les talents plus confirmés, la réunion au sommet Les Egarés, avec Vincent Segal, Ballaké Sissoko, Vincent Peirani et Emile Parisien, se montre à la hauteur des CV des participants, tandis que Bireli Lagrène réaffirme sa position majeure dans l’aristocratie des guitaristes de jazz. Après avoir joué un titre de son dernier album dédié aux compositions de Loulou Gasté, il participe à l’hommage très réussi rendu à Django Reinhardt à l’occasion des 70 ans de sa disparition par le projet Génération Django piloté par le contrebassiste Edouard Pennes avec un quatuor à cordes, et c’est une version très fraîche du pourtant très joué Minor swing qui clôt la première partie du concert avant l’entracte. 

Si quelques prestations, comme celles de Kareen Guiock Thuram, qui ne me semble pas avoir tout à fait l’ampleur pour convoquer l’esprit de Nina Simone, ou de Jesse Harris, sont moins convaincantes – et je n’ai pas compris la présence à l’affiche du chanteur Arthur Teboul associé au pianiste Baptiste Trotignon –, l’ensemble est uniformément de haut niveau et témoigne justement de la richesse et de la vitalité de la scène jazz contemporaine, notamment en France.

Comme l’année dernière, c’est à un artiste cubain qu’a été confié la clôture de la soirée, le pianiste Alfredo Rodriguez, ancien protégé de Quincy Jones. Sans doute conscient de la nécessité de taper fort pour capter l’attention du public après plus de trois heures de musique, il ne joue pas la carte de la sobriété ni de la nuance, mais son Thriller final – clin d’œil à Quincy Jones, évidemment – avec le renfort de l’Amazing Keystone Big Band, offre un final en point d’orgue à un rendez-vous qui confirme sa place majeure dans le calendrier jazz de l’année ! 

Texte : Frédéric Adrian
Photos © Maxim François

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