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Live reports / 13.11.2023

The Headhunters, New Morning, Paris, 2023

2 novembre 2023.

Cinquante quasiment jour pour jour après la sortie – le 26 octobre 1973 ! – de l’album fondateur d’Herbie Hancock qui leur a donné leur nom, les Headhunters débutent leur tournée européenne anniversaire au New Morning. 

Sur scène, il n’y a qu’un seul participant à ce disque initial, le percussionniste Bill Summers, mais le batteur Mike Clark rejoint l’ensemble dès le disque suivant – toujours avec Hancock – et participe régulièrement aux aventures du groupe par la suite. Le reste de l’équipe est composé de pointures de la scène de La Nouvelle-Orléans (la ville d’origine de Summers, qui y est toujours très actif avec ses différents projets) : le saxophoniste Donald Harrison, habitué des scènes françaises et membre depuis une vingtaine d’années, et deux recrues plus récentes, le bassiste Chris Severin, entendu entre autres avec Dr. John, Dianne Reeves, Eddie Bo et Allen Toussaint, et le clavier Kyle Roussel, membre régulier de l’orchestre du Preservation Hall et du groupe de Delfayo Marsalis.

Si Bill Summers positionne dès le début le concert sous l’angle de l’anniversaire du premier album – sans prononcer à aucun moment le nom d’Herbie Hancock, cependant –, il ne s’agit pas pour autant uniquement d’un concert centré sur la nostalgie et c’est d’ailleurs par un titre issu d’un des disques personnels de Mike Clark (avec un autre ex-Headhunter, Paul Jackson), Four string drive, que commence le concert, suivi d’une composition extraite du dernier album du groupe, Rocking at the mole house

Il faut attendre le troisième titre pour voir le groupe se tourner vers son glorieux passé, avec Sly, l’hommage à Sly Stone extrait du disque de 1973. Sans chercher à reproduire exactement le son de l’époque, le résultat est à la hauteur des attentes, grâce à l’inventivité des principaux solistes et en particulier de Chris Severin, dont la basse à sept cordes n’a rien à envier à la guitare de Blackbyrd McKnight, qui jouait sur l’original. Si Bill Simmers semble avoir perdu avec les années un peu de son dynamisme et de son inventivité, Mike Clark à la batterie est impérial et propulse l’ensemble avec une autorité incontestable. C’est cependant Summers, qui assure l’essentiel de la communication avec le public, introduisant longuement le titre suivant, d’abord par un chant d’inspiration africaine sur lequel il fait participer la salle, puis en sortant une bouteille dans laquelle il souffle pour reproduire l’introduction bien connue du Watermelon man. Les spectateurs ne boudent pas leur plaisir et c’est à pleine voix qu’ils accompagnent la mélodie bien connue portée par le saxophone de Donald Harrison. Quelques notes de Chameleon accompagnent la présentation des musiciens avant qu’Harrison – qui porte un maillot des Saints – prenne le micro pour un Hey pocky way clin d’œil aux origines louisianaises de la majorité de la troupe.

La reprise après la pause est un peu confuse : visiblement, Bill Summers avait compris que le public serait renouvelé, et ne cache pas sa surprise à retrouver les mêmes têtes devant lui ! Le groupe ne manque cependant pas de ressources ni, avec ses cinquante ans de carrière, de répertoire à proposer, et c’est avec Loft funk, un titre extrait de l’album de 2003, qui offre à Clark l’opportunité d’un solo remarquable, que débute le second set, avant un retour en arrière jusqu’à l’album “Thrust”, paru sous le nom d’Herbie Hancock, pour Palm grease. Extrait du même disque, Butterfly fait l’objet d’une version toute en délicatesse, jouée à un volume sonore particulièrement bas qui met en valeur l’élégante mélodie signée par Bennie Maupin et Herbie Hancock. Les contraintes de la vie ordinaire m’imposent de quitter à regret les lieux alors que Bill Summers annonce un hommage à Wayne Shorter avec sa composition ESP, mais ce que j’ai entendu m’a confirmé que, malgré le passage des années, la musique des Headhunters, aussi évidemment marquée par son époque qu’elle soit, n’a pas vieilli et attire encore un large public, dont une bonne partie n’était pas née lors de sa sortie initiale ! 

Texte : Frédéric Adrian