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Live reports / 19.08.2021

Summertime blues dans l’Ouest et le Sud-Ouest

Si certains événements ont dû être annulés cet été, d’autres ont pu avoir lieu. À côté des festivals proprement dits, on a ainsi pu assister à des petits concerts dans des endroits habituels ou inattendus. Autant de bons moments qui ont apporté un démenti à l’affirmation d’Eddie Cochran : on peut soigner le Summertime blues !

Tout commence le 25 juin à l’Hostellerie de Goujounac dans le Lot, avec Mr Tchang & Easy Money. Le village est très joli avec une petite église fortifiée, une belle halle, et la terrasse de l’Hostellerie est charmante. L’endroit est tenu par une cheffe d’origine sud-africaine, l’accueil est sympathique, avec une programmation d’une quinzaine de soirées musicales de fin juin à début septembre, sous le thème “Rock & Roll Burger Night” ! Sam Tchang est accompagné de Sylvain Tejerizo au saxophone, Guillaume Massy à la basse et Jo Pento à la batterie. Avec Sam, on est sûr d’avoir un panorama du blues sous toutes ses formes, débridé plutôt que scolaire. Reprises de Jimmy Reed, Big Joe Williams, Howlin’ Wolf, Willie Love, Bobby Rush, Muddy Waters, Junior Parker, Albert Collins, John Lee Hooker, Lowell Fulson, Robert Petway, JB Lenoir et d’autres encore. Il en tire des medleys savoureux, Chicken head avec I just want to make love to you, Pretty baby mélangé avec Hideaway, Catfish et Commit a crime, grâce à son talent – quel chanteur ! – et celui de ses acolytes. Sylvain Tejerizo est en forme et honke joliment. En fin de soirée, Olivier et Sophie Helin des Cheesemakers apparaissent à la guitare et à la basse. Guillaume Massy se met lui aussi à la guitare, à la merci des facéties de Sam qui garde le contrôle des pédales d’effet.

Deux jours après, le 27 juin, c’est le retour à Nantes et au Zygo Bar pour Victor Puertas & Max Genouel, accompagnés de Julien Dubois à la basse et Hugo Deviers à la batterie. Ça fait du bien de retrouver ce haut lieu du blues à Nantes avec un public conséquent. Le combo va nous régaler avec des titres présents sur leur excellent disque, originaux et reprises, et d’autres ajoutés pour le concert comme Sugar coated love au rythme efficacement alourdi. Victor est impressionnant au chant et à l’harmonica, avec un placement et un feeling comme il y en a peu. Max le suit avec le même niveau à la guitare, et la paire Dubois-Deviers confirme qu’elle figure parmi les meilleures en France. Nico Duportal se joint au groupe pour plusieurs titres, à la guitare et au chant. Le concert se termine avec un instrumental jump rempli de clins d’œil, Hucklebuck ou Flying home par exemple, et une reprise de Sadie avec Arnaud Fradin à la guitare et au chant.

Nico Duportal, Victor Puertas, Hugo Deviers, Max Genouel, Julien Dubois

Le dimanche 4 juillet, le quartier de Trentemoult organise ses Flâneries avec des expositions, des performances artistiques et des concerts. Pour ceux qui ne connaissent pas encore, ce quartier est au bord de la Loire, constitué de petites rues remplies de maisons anciennes, dont beaucoup sont peintes ou fleuries, avec plusieurs restaurants bien connus des Nantais. Dans le jardin d’une grande maison, le Little Tom Trio. On connaît Little Tom avec Jakez & the Jacks ou Skanky Combo, le voici en trio pour un projet autour du répertoire de Bob Dylan, mais aussi du blues, avec des reprises de Jimmy Reed, et des compositions dont un joli Ramblin’ time au rythme enlevé. La voix de Tom convient bien aux chansons de Bob Dylan, ainsi que son jeu à la guitare acoustique et à l’harmonica. Il est accompagné d’Arnaud Gobin à la basse et Cyril Durand à la batterie. Le temps est mitigé mais le talent des trois musiciens tient la pluie à distance.

Little Tom Trio

Le 22 juillet, c’est Belvès en Dordogne qui accueille les amateurs. Au centre de ce joli bourg, le Café de Paris propose des concerts tout au long de l’été et ce soir-là, c’est l’occasion surprenante d’y voir Greg Izor, accompagné de Thibault Ripault à la guitare, Mig Toquereau à la basse et Bastien Cabezon à la batterie. Greg n’est pas le plus connu des harmonicistes chanteurs américains, mais il mérite de l’être. Basé en Espagne, il peut se déplacer librement en Europe et il ne faut pas le rater s’il passe à portée. Personnage ouvert et sympathique, c’est un excellent chanteur, avec une voix qui rappelle celle de James Harman, et un très bon harmoniciste, terrien et sudiste au diatonique, plus sophistiqué et urbain au chromatique. Il joue aussi de la guitare et le fera sur plusieurs ballades. Reprises d’Otis Rush, Gary Primich, Sonny Boy Williamson n° 2, John Lee Hooker, Rockin’ Sidney, blues sudistes originaux, instrumentaux au chromatique, sa palette est large et très agréable. À la guitare, Thibault Ripault est impassible mais étincelant.

Greg Izor

C’est encore à Belvès que les choses se passent le 5 août avec Lucky Pepper & the Santa Fellas. Geoffrey “Lucky Pepper” est désormais accompagné de Julien Lacombe à la basse et Rémi Plug à la batterie, et c’est bon de retrouver son rockin’ blues, malgré les contraintes sur la puissance de la sonorisation qui le brident un peu. Le répertoire s’enrichit de nouvelles compositions mais les classiques sont là, Jukebox disease, What a crazy look, Let me touch your smile, Poor little bird. Un seul set suffit pour être en forme prendre la route du retour, avec en plus l’information que Little Limmie and the Blue Beat jouent le lendemain à Goujounac.

Geoffrey Lucky Pepper & the Santa Fellas

Et donc le 6 août, c’est la découverte de Little Limmie and the Blue Beat, Guillaume Massy à la basse et Jo Pento à la batterie, déjà vus avec Sam Tchang. Le lien est naturel puisque Little Limmie est le bassiste régulier de Easy Money. Ce soir, il est à la guitare et au chant et ça va être une claque. Comment un tel artiste n’est-il pas plus connu ? Histoire personnelle, talent musical, sens du blues, il a la stature pour être sur le devant de la scène. Il est le fils de Limmie Snell, chanteur et compositeur, qui a eu quelques tubes disco funk dans les années 1970 avec Limmie & Family Cookin’ et Limmie Funk Limited (merci Frédéric Adrian pour ces informations ! ). Un accident de voiture lui a laissé des séquelles graves aux yeux et à un bras. Mais il ne s’est pas laissé abattre et, avec ses deux compères, il livre un excellent concert de blues funky, des compositions originales qui font mouche, des riffs qui chatouillent aux bons endroits, du swing qui fait onduler et de généreux rappels. Il sait aussi parler au public comme lorsqu’il explique pourquoi il a intitulé une de ses compositions I don’t like it : « J’avais écrit une chanson pour une fille mais elle a dit : je ne l’aime pas ! » Son jeu de guitare est très rythmé, avec un son brut, son chant est soulful, dans une tonalité légèrement voilée. Little Limmie n’a pas de disque publié mais on peut retrouver ses compositions rassemblées en deux volumes sur les plateformes de streaming.

Little Limmie and the Blue Beat

À l’occasion du concert de Greg Izor, j’avais confirmé à Mig Toquereau que je serais présent au même endroit le 10 août pour le concert de Tiger Rose. Il m’a dit que Tiger Rose jouerait aussi le lendemain à l’Auberge des Tilleuls de Marnac en Dordogne et que l’endroit valait le déplacement. Suivant son conseil, nous voici le 11 août à l’écoute de Tiger Rose, dans un cadre effectivement très agréable, sous d’impressionnants tilleuls et attablés devant une non moins impressionnante côte de bœuf. Mig est à la guitare et chant, Loretta à la contrebasse et au chant, et leur blues acoustique est idéal pour passer un bon moment. Voix et instruments impeccables, le hit Brown eyed man, les costauds Jailhouse blues et Trinidad blues, Jump around à la guitare à douze cordes, le gospel I know I’ve been changed, la reprise de Scratch my back avec Loretta au chant et à l’harmonica, le répertoire est fort et varié et le public finit par réagir comme le duo le mérite.

La saison dans le Sud-Ouest se termine pour moi avec la soirée-concert de l’Abbaye-Nouvelle, dans la commune de Léobard. Le principe : deux lieux, aimablement mis à disposition dans deux jardins privés, deux formations, deux groupes de spectateurs qui se déplacent. Avec Rag Mama Rag pour du blues ancien vitaminé, et le trio Guillaume Roussilhe-Rémi Geffroy-Rémi Vidal pour de la musique traditionnelle du Quercy non moins vitaminée. Ashley et Deborah Dow, les deux membres du duo Rag Mama Rag interprètent des reprises de Robert Johnson et Blind Boy Fuller mais aussi de bien belles compositions comme Good time ou They fooled me, très ironique et amer à propos du Brexit. Une belle soirée organisée par l’Association des Amis de l’Abbaye-Nouvelle.

Rag Mama Rag

Enfin, le 17 août, retour à Nantes avec The Crispy Tenders pour un concert co-organisé par les bars Rouge Mécanique et Track N Art. Tout juste un an après les avoir découverts, c’est un clin d’œil sympathique que de retrouver leur groove jazzy et funky, avec Mathieu Lagraula à la guitare et à la trompette, Dimitri Halasz à l’orgue et Simon Riochet à la batterie.

C’était le dernier concert de l’été avant le début de l’animation des Rendez-Vous de l’Erdre.

Texte et photos : Christophe Mourot

The Crispy Tenders
Christophe Mourot