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Live reports / 06.07.2016

Selwyn Birchwood + Shemekia Copeland

Nous l’appellerons “Smilin’” Selwyn. Ou Selwyn tout sourire. Un bonheur, une invitation à s’attarder. Et un détail qui, forcément, attire l’attention : il marche à côté de ses pompes. Comprenez : sur scène, il a ôté ses magnifiques godillots rouges et se balade pieds nus. Selwyn Birchwood est cool, mélange visuel de Bob Marley et de Ben Harper. Il vient du pays du jus d’orange, de Tampa, en Floride. Ce garçon est un bluesman : la proto-disco de Miami, via Henry Stone avec Betty Wright, Gwen et George McCrae dans les années soixante-dix, connaît pas (je lui ai demandé). Il faut dire qu’il est tout jeune : il est né en 1985, soit dix ans après la fin du Miami Sound. Son mentor, c’est Sonny Rhodes, vétéran texan émigré un temps en Californie. Et Dieu sait que cela s’entend. Sur scène, il cite Elmore James (et joue de la slide sur ses genoux), Muddy Waters et Howlin’ Wolf (imitation de la voix parlée du “loup” audacieuse). Mais on pense surtout à John Lee Hooker, le père bien sûr mais aussi le fils, Jr. Pas de reprises, mais une longue (un peu longue) série de boogie blues où le rythme et la guitare l’emportent sur le texte et la narration. C’est assez linéaire, lancinant, voire ronronnant. Pas tellement ma tasse de thé de toute façon. Heureusement, le jeune homme n’a pas l’intention de se reposer sur des lauriers qui ne sont pas vraiment les siens. Il cherche, annonce que son album “Don’t Call No Ambulance” (Alligator) aura bientôt une suite et en livre déjà quelques extraits. Guilty pleasures, par exemple. Bien ! Ah, oui : Selwyn Birchwood n’a pas vraiment la voix de son physique et c’est étonnant. Il est dans les graves, dans le rocailleux, dans l’épaisseur. Voix sombre dans une bouche tout sourire.

 


Selwynn Birchwood © Daniel Balmat

 


Shemekia Copeland (et Arthur Neilson) © Daniel Balmat

 

Shemekia, nous la connaissons depuis plus longtemps. Elle est encore loin d’avoir quarante ans pourtant. À travers ses albums (sur Alligator elle aussi), elle chronique sa vie de femme et de blues singer. Sur scène, elle est de plus en plus à l’aise et ça fait plaisir. Elle entrecoupe ses morceaux, électriques et classiques, de petites histoires du quotidien, d’hier et d’aujourd’hui. « J’étais à une soirée, juste avant de monter sur scène. Et deux petites filles m’ont demandé si j’étais vraiment une blues singer. J’ai dit oui. L’une d’entre elles m’a dit que ce n’était pas possible, et elle a tourné les talons » (rires). Mais c’est souvent plus grave, pour tout le monde (The battle is over (But the war goes on)) ou pour elle en particulier (Never going back to Memphis). Depuis le temps, Shemekia Copeland a bien grandi, et elle grandit bien. On devine un fort, très fort caractère (Ain’t gonna be your tattoo) qui, loin de l’empêcher de dire d’où elle vient, semble l’obliger. Souvenirs de ses virées dans l’église foutraque de sa grand-mère Jessie autrefois en Caroline du Nord (« Un autre monde, pour moi qui vivais à New York. »). Hommage à son père, Johnny, dont elle reprend ce soir-là Devil’s hand, pour changer de Ghetto child et pour faire bonne mesure avec la religiosité de sa grand-mère. Un très beau numéro de sensibilité et d’équilibre, dans les environs de l’amour (“Outskirts Of Love”, Alligator, son dernier album en date).

Julien Crué

 


Shemekia Copeland (et Arthur Neilson) © Daniel Balmat

 


Selwyn Birchwood © Julien Crué

 

À suivre à Montreux :

Jeudi 7 : Van Morrison et Charles Bradley.

Samedi 9 : Lisa Simone, Vintage Trouble et Jamie Cullum.