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Live reports / 12.10.2020

Rendez-Vous {In}Attendus, Agglomération de Nantes

24 au 30 août 2020.

Conditions sanitaires obligent en cette fin août 2020, il a fallu réinventer les Rendez-Vous de l’Erdre pour construire un événement permettant de recevoir du public du mieux possible. Le regroupement habituel des scènes au centre-ville de Nantes avec les points de restauration, fixes ou éphémères, n’était plus possible et les organisateurs ont dû inventer une formule adaptée. Le moins qu’on puisse dire est que le résultat était inattendu, d’où le nouveau nom de circonstance du festival, et que ça a été une grande réussite. Une seule scène principale, déportée sur les berges de l’Erdre au Parc des Expositions de la Beaujoire, des scènes plus petites au Parc Floral voisin, et des événements dispersés dans Nantes et les villes de l’agglomération, il y a finalement eu un nombre de concerts quasi équivalent à celui d’une année normale, sans compter le “off” dans les bars. Le blues et les musiques affiliées étaient présents partout, valorisant ainsi une scène locale à laquelle l’impossibilité de circuler pour les groupes étrangers avait de fait ouvert les portes de la programmation en grand.

Le lundi 24 août, nous sommes à 12 h 30 sur le parvis de la Cité des Congrès de Nantes pour écouter Stomp Stomp. Emmené par David Avrit, batterie et chant, le quintet comprend Thomas Croguennoc au saxophone, Arnaud Lécrivain à la trompette, Thomas Mayeras au piano, et Jeff Vincendeau à la contrebasse. S’appuyant sur le répertoire de son excellent disque “Handful Of Swing” chroniqué dans Soul Bag n° 239, l’ensemble reprend Joe Liggins, Lester Young, Jimmy Forrest, Fats Waller, Amos Milburn, Louis Jordan, et d’autres artistes classiques des années 1930 à 1950. C’est fait comme à leur habitude avec talent, fraîcheur, entrain et surtout beaucoup de swing, auquel ne résistent pas les danseurs qui les suivent de concert en concert.

À 19 h, nous sommes dans le quartier Maisonneuve pour le, déjà, quatrième concert de Max & the Freaky Buds dans le cadre de la Tournée des Batignolles, un programme destiné à apporter la musique directement chez les habitants du quartier Nantes-Erdre. Le rockin’ blues du quatuor, Max Genouel, guitare et chant, Thomas Troussier, harmonica, Lonj, guitare, et Hugo Deviers, batterie, pourrait paraître incongru dans un tel contexte, mais il n’en est rien. Le côté forcément exceptionnel de l’événement, la présence de spectateurs venus d’ailleurs et la qualité de la musique captivent l’assistance, en particulier les nombreux enfants qui n’auront de cesse qu’ils n’aient utilisé le micro et la batterie, tout en demandant des autographes aux musiciens.

Stomp Stomp
Max and the Freaky Buds

Nous retrouvons les Freaky Buds le mercredi 26 au Jardin des Quatre Jeudis, précédés du trio The Crispy Tenders, avec Mathieu Lagraula à la guitare et la trompette, Dimitri Halasz à l’orgue et Simon Riochet à la batterie, Mathieu et Simon étant connus par ailleurs comme membres des Sassy Swingers. Ce groupe fait partie de la tournée Kiosk qui « met la musique jazz improvisée à l’air libre dans la région nantaise ». C’était peut-être vu comme jazz par la programmation, mais ça aurait pu aussi bien être annoncé comme blues ou funk tant le répertoire mélange les trois genres. Les instrumentaux proposés portent de jolis noms comme My sofa is so funky, No kid in spa, ou leur composition phare 4 pm Crispy time. Il faut prendre marque avec ce groupe, bourré de talent et de potentiel, qui groove à tout-va. Mathieu n’hésite pas à durcir le ton à la guitare, les riffs d’ouverture donnant tout de suite le repère du thème, Dimitri apporte une preuve supplémentaire de la riche école nantaise à l’orgue, et Simon transforme encore une fois sa batterie en tambours de guerre.

C’est aussi la capacité d’Hugo Deviers avec Max & the Freaky Buds, que la répétition des concerts ne semble pas fatiguer. Mud on my knee, So low down, Hush hush, You don’t love me, Fisherman call, reprises et originaux s’enchaînent, pour conclure sur la composition Guilty, très sexy. Le cadre est plus vert que le lundi précédent, le public plus nombreux, la météo plus clémente, tout ceci explique peut-être que certains s’attardent pour discuter et partager quelques verres quasi improvisés.

Crispy Tenders
Max and the Freaky Buds

Le jeudi 27, il faut choisir dans le “off” entre Bo Weavil au Zygo Bar et Jakez Rolland aux Barons Perchés. Nous faisons le deuxième choix et retrouvons Jakez Rolland, guitare et chant, avec Julien Dubois à la basse et Fabrice Bessouat à la batterie. Jakez est le leader des Jacks, un quartet dévolu au blues électrique de Chicago, plutôt West Side et plutôt fin des années 1950, et aussi des nouvellement formés Electric Dukes, avec lesquels il construit un répertoire plus soul blues des années 1960 et 1970. La différence peut apparaître subtile, mais la scène nantaise est ainsi, parfois très pointue. Avec ce trio d’un soir, il va mélanger tout ça et faire appel à Jimmy Rogers, Tommy Tucker, Sam Cooke, R.L. Burnside, J.B. Lenoir, Chris Kenner… Un éclectisme qui lui sied bien et qui ravit le public présent. L’horaire nous empêche d’aller écouter Ndey 4Tet à Nort-sur-Erdre.

Le vendredi 28 marque l’ouverture de la grande scène du Parc Expo de la Beaujoire, et c’est avec du blues que ça se passe, dès 11 h du matin. The Deluxe Presidents ont cet honneur, avec Fred Le Baron, guitare et chant, Sami Touré, guitare, Thomas Troussier, harmonica, Yann Renoul, basse, et Olivier Sueur, batterie. La scène est belle et le groupe est en forme. Ses reprises de Kim Wilson, James Harman, Jimmy McCracklin, Billy Boy Arnold, Paul DeLay et autres hérauts d’un certain blues électrique mettent en valeur les musiciens, Fred et Sami qui partagent la rythmique et les solos sur leurs guitares, Thomas qui étincelle à l’harmonica et la paire Yann et Olivier qui apporte la caution d’une rythmique efficace. Entre les morceaux, Fred Le Baron use de sa fameuse faconde pour mettre le public dans sa poche. Celui-ci le rend bien au groupe en ne quittant pas la place malgré une très forte averse. 

Nous ne pourrons pas voir le Blues Organ Combo de Julien Broissand, Bruno Denis et Deborah Tropez, qui joue à 12 h à Petit-Mars et à 20 h au Zygo Bar, ni revoir les Crispy Tenders qui jouent dans les Douves du château des Ducs de Bretagne à 17 h.

À 20 h, nous sommes au Château de Maubreuil à Carquefou pour le concert des Lazy Buddies. Gendarmes à l’entrée pour filtrer, gardiens de parking, contrôle des invitations, cerceaux au sol pour délimiter la distance sociale, masque obligatoire, scène à distance du public, l’ambiance est d’abord particulière, mais elle se détend vite grâce à la joie de jouer que dégage le groupe. Soizig Lebreton au chant, Dom Genouel à l’harmonica, Guillaume Rousseau et Nico Fleurance aux guitares, Jeff Vincendeau à la contrebasse et David Avrit à la batterie forment un des orchestres les plus sûrs de la scène de l’Ouest et leur dernier disque “All In” fournit une base de répertoire solide comme le terrible Time to party qui ouvre le concert. D’autres originaux côtoient des reprises de Lazy Lester, Lynwood Slim, ou JD McPherson. Soizig chante, danse, parle avec le public, qui finit par se mettre en mouvement allant jusqu’à danser le madison à la nuit tombée. En ce même soir, Denis Agenet & the Nolapsters se produisaient aux Touches.

Jakez Rolland & Friends
Deluxe Presidents
Lazy Buddies

Retour au Parc Expo le samedi matin à 11h pour les String Breakers au grand complet avec section de cuivres. Laurence Le Baccon, voix, Sami Touré, guitare, Patrick Billion, claviers, Vincent Blivet, basse, Olivier Sueur, batterie, Yves Brouillet, trompette, Nicolas Le Potier, trombone et Alexandre Nouhaud, saxophone, vont envoyer une heure de soul bluesy comme on n’entend que trop rarement en France. Instrumental en ouverture pour annoncer la puissance de ce qui va suivre, reprise de Take me to the river dès l’apparition de Laurence, entrées et sorties des cuivres pour changer les climats, le show est réglé pour le plus grand plaisir du public, encore une fois stoïque sous l’averse passagère. On apprécie les compositions Always find a friend, Break up, le solo de guitare funky sur Don’t be afraid to try, la joie de jouer des cuivres, leurs solos et le scat de Laurence sur What men have done, le groove de l’orgue, la simplicité de la rythmique. Avec ce format étendu, le groupe pourrait faire le bonheur de bien des festivals.

À 14 h, nous passons dans le parc floral juste à côté pour le concert de Max & the Freaky Buds sponsorisé par la régie de transport de l’agglomération nantaise (SemiTAN). Troisième concert du groupe en une semaine sans aucune lassitude. Le temps est couvert, mais le groupe réchauffe l’atmosphère avec son blues rugueux et ses compositions, dont une co-écrite avec John Németh. Max Genouel est au taquet, Thomas Troussier aussi avec un superbe solo sur la reprise du Stranger blues d’Elmore James, le temps passe très vite.

À 20 h, Stomp Stomp joue sur la terrasse du Zygo Bar. L’endroit est bien rempli, le groupe est plus swinguant que jamais, augmenté en milieu de concert par le deuxième trompettiste Franck Beele, ce qui vaut de superbes duels avec Arnaud Lécrivain. La soirée s’écoule très agréablement.

Le dimanche matin à 11 h, c’est déjà la clôture de la scène blues au Parc Expo avec les Royal Premiers. Le temps semble plus clément que les matins précédents, et le groupe veut en profiter. Ivy Thessalonia au chant, Yann Jaffiol à la guitare, Stéphane Vinet au saxophone, Jeff Gaboriau au trombone, Guillaume Zeller aux claviers, Franck Daniel à la basse, Olivier Caille à la batterie, la formation est au complet et commence par un de ces instrumentaux dont elle a le secret. Viennent ensuite les reprises que le groupe va chercher au cœur des années 1960, voire plus tôt, dans un savoureux mélange de classiques et de raretés, Bobby Bland, Irma Thomas, Big Maybelle, Mike Pedicin, Muddy Waters et consorts. Le tout est porté par le gros son des cuivres, la malice des claviers, la nervosité de la basse, la parcimonie de la guitare, la batterie solide, et la voix et l’aura d’Ivy. À noter que cela s’étoffe petit à petit de passementeries blues dont une version énervée de I just want to make love to you et le final menaçant so sad about it.

À d’autres moments du week-end, Thomas Doucet and the G-Lights se produisaient à la Chapelle-sur-Erdre et les Three Generations Blues Band faisaient de même à Sucé-sur-Erdre. Comme à chaque fois, le sentiment est celui de la joie d’avoir vu et écouté de la musique de qualité, contribué à la mise en place de ces concerts, teintée de la mélancolie de voir que c’est fini pour cette année mais aussi de l’espoir de recommencer en 2021. Remercions l’organisation du festival pour avoir tenu bon malgré les difficultés et continuer de proposer un événement cher au cœur de Nantes et son agglomération.

Texte et photos : Christophe Mourot
Photo d’ouverture : Max & the Freaky Buds

Stomp Stomp
The String Breakers
The Royal Premiers
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