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Live reports / 05.08.2010

NUITS CAJUN & ZYDECO


Sarah Savoy © JP Porcherot

Une organisation sans faille et une programmation pertinente de Didier Lonjard (accordéoniste du groupe Blue Bayou) font de ce festival l’incontournable rendez-vous estival des amateurs de musique cajun en France.

Pour sa 17e édition, la petite ville de Saulieu (Côte d’Or) accueillait pas moins d’une dizaine de groupes pour animer ces 3 journées festives – le jeudi 5 août étant consacré, pour sa part, à la 10e édition de la Nuit du Film de Louisiane.

Le vendredi, dès le début de l’après-midi, la musique cajun envahit les terrasses des bars et les danseurs affluent progressivement sous l’ombre des tilleuls de la place Monge pour le premier bal en plein air du week-end. Sur la petite scène, les groupes se succéderont ainsi pendant 3 jours (dès les dernières heures de la matinée le samedi et le dimanche) pour animer les bals gratuits très fréquentés par un public averti.

Vendredi 6 Août

Ouverture de la première nuit à l’Espace Jean Bertin par le groupe français Bayou Chicot. Le leader du groupe, Eric Martin, officie de fort belle manière à la lap-steel guitare en soutien au violon d’Isabelle Martin, son épouse, et au mélodéon de Bruno Catheline. Leur répertoire traditionnel cajun enchante le public et les danseurs de two-step et de valse sont ravis. La rythmique assurée par les jeunes fils Martin, Guillaume (basse) et Gurvan (batterie) semble cependant encore un peu tendre.
 


Eric et Isabelle Martin (Bayou Chicot) © JP Porcherot
 

Changement radical de style avec Z-Funk, plutôt orienté zydeco sous la houlette de l’accordéoniste-chanteur britannique Gavin Lewery – un zydeco très funky (trop diront certains) comme le nom du groupe l’indique et ceci sous l’influence du guitariste Dave Luke. Ça tourne rondement, le tout propulsé par une section rythmique des plus efficace. Une touche de modernité qui a son public pour une musique qui s’avère néanmoins assez brouillonne.


Gavin Lewery (Z-Funk) © JP Porcherot
 


Dave Luke (Z-Funk) © JP Porcherot
 

Retour à un style plus conventionnel avec la tête d’affiche de cette soirée, le groupe américain Feufollet, en provenance directe de Lafayette (Louisiane). On ne peut qu’être surpris par la maturité de ces jeunes musiciens qui connaissent leur sujet sur le bout des doigts. La musique cajun, ils sont tombés dedans dès leur plus tendre enfance et leurs études et recherches en la matière n’ont fait que rendre leur formation plus performante au fil des ans pour aboutir aux récents enregistrements qui composent leur cinquième (déjà !) CD “En Couleurs”, base de leur prestation actuelle et savant mélange de morceaux traditionnels et de compositions à caractère résolument contemporain. La guitariste Anna Laura Edmiston, excellente chanteuse, se révèle par ailleurs une compositrice de talent. Chris Stafford la seconde au chant mais il est avant tout un très bon accordéoniste, s’essayant par ailleurs au violon ou à la guitare électrique comme sur leur titre très pop Toujours en mouvement. Le violon, c’est l’instrument de prédilection de Chris Segura (superbe sur Au fond du lac) qui montre par ailleurs sa parfaite complémentarité avec son accordéoniste leader sur les morceaux plus traditionnels. La rythmique assurée par Mike Stafford (le frère de Chris) à la batterie et Phillippe Billeaudeaux à la basse soutient parfaitement tout ce petit monde. Ils ont du talent à revendre ces jeunes et les danseurs adhèrent totalement que ce soit sur un two-step comme Des promesses tiré du dernier opus ou sur un blues (dansé en madison) comme Blues de 10 ans figurant sur leur précédent CD “Cow Island Hop”. Rappel mérité à plus d’un titre !


Anne Laura Edmiston (Feufollet) © JP Porcherot
 


Chris Stafford (Feufollet) © JP Porcherot
 

La soirée se terminait avec la prestation de qualité du groupe Bal de Maison, valeur sûre de la musique cajun dans l’hexagone, emmené par le duo Alain Gatay (mélodéon)-Fabrice Caillard (violon).


Alain Gatay (Bal de Maison) © JP Porcherot
 

Samedi 7 Août

Annoncée comme la Nuit de la Louisiane, point d’orgue du festival, cette dernière se devait de tenir toutes ses promesses. Et ça démarre en trombe façon hard-rock cajun à la stupeur générale. Il faut dire que les jeunes musiciens britanniques de Lil’ Jim’s Big Squeeze ne font pas dans la dentelle. Sur un fond sonore à la limite du heavy metal, seul le percussionniste Andy Watson au frottoir et Lil’ Jim au mélodéon apportent la touche louisianaise à cette musique qui fait la part belle au gros son. Ne nous y trompons pas, Lil’ Jim est un brillant accordéoniste et l’a prouvé l’an passé à ce même festival au sein de la formation La Petite ou la Grosse dans un style plus académique. Nul doute que sa façon de dépoussiérer les vieux airs cajuns a l’avantage d’attirer un public plus jeune vers ce genre musical et, une fois l’effet de surprise estompé, les danseurs finissent par s’en accommoder.
Quelques variations reggae par-ci et une touche funky par-là pour varier un peu, cette prestation eut le mérite de booster la soirée comme avec cette version survitaminée de Baby please don’t go. Le rappel est tout aussi surprenant avec la version hard-cajun du Beat it de Michael Jackson. Rien ne les arrête ! Seul point noir se résumant à cette simple question : Pourquoi Lil’ Jim s’encombre-t-il de la présence d’un guitariste aussi minable dont la “qualité” de jeu se révèle inversement proportionnelle à la quantité de Bourgogne aligoté ingurgitée sur scène. Pas un solo digne de ce nom pour ce roi du bruit de fond dont les pitreries (jeu de scène ?) ne semble amuser que son égo surdimensionné. Triste image à oublier rapidement tant elle pourrait avoir pour fâcheuse conséquence de discréditer le groupe et Lil’ Jim son leader.


Lil' Jim © JP Porcherot
 


Andy Watson (Lil' Jim's Big Squeeze) © JP Porcherot
 

L’élégante et souriante Sarah Savoy remet d’emblée de l’ordre dans la maison en compagnie de ses Francadians avec une musique cajun typée années 50, teintée parfois country (Cheatin’ heart) ou rockabilly (Flip, flop and fly). Un set de haute tenue pour cette remarquable chanteuse parfaitement soutenue par David Rolland au mélodéon, Vincent Blin au violon et Manolo Rodriguez à la contrebasse. Cette formation franco-américaine puise son répertoire au plus profond de la musique traditionnelle louisianaise (Blues de Bosco, Allons à Lafayette, Bosco stomp…) et Sarah Savoy, avec humour, propose même aux danseurs d’évoluer sur Lâche pas la patate avec une pomme de terre maintenue entre les fronts de chacun des protagonistes. Performance réussie sur ce two-step par un seul couple qui se vit offrir par Sarah Savoy une boîte de sauce épicée locale, rappelant par là-même que cette guitariste-chanteuse propose également des cours de cuisine louisianaise dans son pays. Le public, conquis par la classe de cette artiste, fit une ovation au quartet à la fin de sa prestation. A voir et à entendre live absolument si vous en avez l’occasion.


Sarah Savoy © JP Porcherot


Manolo Rodriguez (Sarah Savoy & the Francadians) © JP Porcherot


David Rolland (Sarah Savoy & the Francadians) © JP Porcherot


Vincent Blin (Sarah Savoy & the Francadians) © JP Porcherot

La tâche s’annonçait donc difficile pour les musiciennes de Bonsoir Catin en troisième partie de soirée. Originaires des environs de Lafayette (Louisiane), par leur charme, leur humour et la qualité de leur jeu, elles réussissent à séduire ce public exigeant. Sur la frappe précise de leur batteur occasionnel, Sam Murray (Cajun Roosters), elles nous distillent le meilleur de leur musique concentré actuellement dans leur récent CD “Bonsoir Catin” (2009). Intervenant à tour de rôle au chant, chacune dans des registres différents, Kristi Guillory (mélodéon) et Anya Schoenegge Burgess (violon) montrent une impressionnante virtuosité, soutenues rythmiquement sans faillir par Christine Balfa Powell (guitare) et Yvette Landry (basse). Ces deux dernières jouent également respectivement avec Balfa Toujours et Lafayette Rhythm Devils (vu l’an passé à ce même festival). Toutes les quatre issues de grandes familles de musiciens louisianais, elles offrent un set de toute beauté ponctué de grands éclats de rire (L’amour dans le poulailler …) témoignant de la joie et du plaisir qu’elles éprouvent à partager cette musique entre elles d’une part, mais également avec leur public. Bravo mesdames pour cette leçon de professionnalisme.
 


Kristi Guillory (Bonsoir Catin) © JP Porcherot
 


Christine Balfa Powell (Bonsoir Catin) © JP Porcherot
 


Yvette Landry (Bonsoir Catin) © JP Porcherot
 


Anya Schoenegge Burgess (Bonsoir Catin) © JP Porcherot
 

Cette seconde nuit s’achève avec les hollandais de Cajun Company dont Bas van der Poll (mélodéon) et Pauline Groenendijk (violon) semblent se partager le leadership. A signaler que cette dernière joua brillement l’an passé à Saulieu dans la formation La Petite ou la Grosse en compagnie de l’accordéoniste… Lil’ Jim.  La voie forte de Herman van Rijn convient parfaitement à leur répertoire, issu d’une veine traditionnelle qui enchante les puristes, comblant les derniers danseurs à une heure matinale déjà fort avancée.

Dimanche 6 Août

Exceptées les deux formations américaines remplacées par les groupes français Cajun Express & Cie et Blue Bayou, on prend les mêmes et on recommence pour quatorze heures de bal cajun non-stop gratuit. De quoi enthousiasmer les adeptes les plus exigeants !


Bas van der Poll (Cajun Company) © JP Porcherot


Pauline Groenendijk (Cajun Company) © JP Porcherot
 


Herman van Rijn (Cajun Company) © JP Porcherot
 

Mais les Nuits cajun & zydeco de Saulieu ne serait pas ce qu’elles sont sans la convivialité des bénévoles qui soutiennent ce festival, ni sans la gastronomie louisianaise (jambalaya, bananes louisianaises,…) préparée chaque année dans la bonne humeur par le chef Michael Richard (de Lafayette). Un festival à déguster sans modération !
Jean-Philippe Porcherot