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Live reports / 14.12.2017

Festival Chorus

Jusqu’ici, l’ouverture avant l’été de la Seine Musicale du côté de Boulogne-Billancourt n’avait pas vraiment bousculé les habitudes des amateurs franciliens, malgré quelques concerts de jazz ponctuels, et l’organisation sur place du festival Chorus, qui se tenait jusqu’ici au printemps à la Défense, est le premier événement un peu original à s’y tenir.

Pour cette nouvelle édition, en effet, outre le changement de calendrier, le festival a adopté une formule peu courante par chez nous : un lieu unique, mais plusieurs scènes – cinq en l’occurrence – utilisées de façon plus ou moins simultanées. Pour cette première dans ce format, le festival proposait deux journées de concerts copieuses, avec une bonne vingtaine d’artistes au programme chaque jour. Après un samedi dédié à la variété – au bon sens du terme, de Catherine Ringer à Amadou & Mariam en passant par la première du programme Nat King Cole de Gregory Porter avec un orchestre symphonique –, le dimanche était plus proche des centres d’intérêt de Soul Bag, avec une programmation autour du funk et du hip-hop.

Le temps de faire connaissance avec les lieux et d’attraper quelques minutes du jazz électro un peu stérile des Belges de Stuff et du hip-hop du collectif parisien Panama Bende, visiblement venu avec ses supporters, et il est temps de rejoindre le très cosy auditorium – places assises confortables, vision parfaite et excellent son – pour entendre Cory Henry avec ses Funk Apostles. Peu convaincu par des prestations antérieures confuses et bruyantes, c’est cette fois-ci une grande claque que m’assène celui que l’on a découvert avec les Snarky Puppy.

 


Cory Henry

 

 

Histoire de se mettre le public dans sa poche, il attaque en force avec une reprise funk de Staying alive – mais oui, celui des Bee Gees –, avant de se plonger dans le son répertoire personnel, nous épargnant les reprises démagogiques jusqu’ici omniprésentes dans ses prestations. Le résultat est totalement convaincant. Chanteur limité, Henry s’appuie sur ses deux excellentes choristes, mais assure le show sans pour autant négliger de rappeler sa virtuosité et sa pertinence tant à l’orgue qu’au synthé – pour le coup, quelques solos plus longs n’auraient pas été de trop mais le temps était compté. En final, avant un vrai rappel très mérité, Love will find a way confirme sa qualité de tube potentiel…

 

 

 

 

 

 

 

 

À peine le temps de descendre les escaliers que Charles X a déjà commencé son set, sur une petite scène très mal placée en plein dans la principale circulation… Moins désordonné que dans d’autres occasions – mais cela fait aussi partie du charme de ses prestations –, Charles X, accompagné simplement d’un batteur et d’un clavier, accorde une large part de son court show (40 minutes à peine) au hip-hop, mais n’oublie pas non plus la soul, avec son tube Can you do it en particulier, mais aussi avec une courte version a cappella de Stand by me, reprise de bon chœur par le public. Quelques danseurs l’ont rejoint sur scène, mais leur présence était plutôt superflue tant l’artiste est charismatique.

 


Charles X

 

 

 

 

Retour à l’auditorium pour entendre le chanteur et rappeur londonien d’origine tanzanienne Tiggs Da Author, accompagné d’un batteur, d’un guitariste et d’un DJ. S’il arrive vêtu d’une sorte d’anorak, il ne lui faut pas longtemps pour chauffer la salle, quasi intégralement debout dès le troisième titre, grâce à l’efficacité de son hip-hop gorgé de soul et d’influences reggae. Malgré quelques effets un peu facile – du genre faire balancer par le DJ I feel good de James Brown en intro d’une chanson –, impossible de résister à sa présence et à sa musique, et c’est devant un public totalement conquis qu’il peut finir sur ses deux principaux tubes, Georgia et Work it out.

 


Tiggs Da Author

 

 

 

 

Difficile ensuite d’être totalement emporté par De La Soul. Les vétérans font le plein de la grande salle, mais leur show sonne assez cruellement “oldies” après l’énergie des concerts qui l’ont précédé, et les appels répétés à faire la fête ont quelque chose d’un peu triste. Cela n’enlève rien à la grandeur du répertoire du groupe, qui revisite sur scène près de trente ans de carrière, des classiques de l’insurpassé “3 Feet High And Rising” aux morceaux du récent “And The Anonymous Nobody”. L’accompagnement par un bel orchestre français de neuf musiciens est un vrai bonus – très agréable d’entendre jouer live le sample de Pass the peas sur lequel est basé Pass the plugs, par exemple –, mais les membres originaux s’offrent aussi une très agréable séquence en trio, occasion de reprendre “à l’ancienne”, avec son sample clintonien, le très attendu Me myself and I. L’ensemble se finit un peu en queue de poisson, sur la présentation des musiciens – peut-être en raison des impératifs horaires stricts du festival – et laisse un sentiment mitigé.

 


De La Soul

 

 

 

 

La soirée se poursuit, entre autres, avec Kery James et Action Bronson, mais les contraintes de la vie réelle m’interdisent d’y participer. Pour sa première édition dans ce format, le festival fait une bonne impression d’ensemble, même si quelques détails – et en particulier le peu d’animation en dehors des salles de concerts (même pas un marchand de disques !) et une sécurité un peu trop ostensible – pourraient être améliorés. Le lieu en tous cas, même s’il est un peu froid, est adapté à un événement de ce genre, qu’on aimerait voir décliner sur d’autres genres – et pourquoi pas un festival jazz-soul-blues ?

Frédéric Adrian
Photos © Frédéric Ragot