;
Live reports / 12.02.2020

Dexter Wansel, New Morning, Paris

8 février 2020.

La soul de Philadelphie n’est que très rarement présente sur les scènes françaises, et c’est un New Morning plein à craquer qui attend, pour sa première date française, un de ses principaux architectes. S’il a publié une poignée de disques sous son nom, notamment pour Philadelphia International Records, c’est en effet à ses contributions, en tant qu’accompagnateur, auteur-compositeur et producteur, pour d’autres artistes que Dexter Wansel doit sa renommée. Au fil des années, Jerry Butler, Teddy Pendergrass, Lou Rawls, les Stylistics, Billy Paul, les Jacksons, les Jones Girls, Patti LaBelle, Jean Carne, MFSB et bien d’autres ont eu recours à ses services, souvent au sein des studios Sigma Sound de Gamble & Huff.

Sans surprise, c’est au son de T.S.O.P. (The Sound of Philadelphia), l’hymne de l’émission Soul Train, que Wansel rejoint la scène qui accueille déjà ses six musiciens – des vétérans anglais, dont je n’ai pu capter les noms – et ses trois chanteurs, parmi lesquels Damon Williams, un chanteur de Philadelphie responsable de quelques titres produits par Gamble & Huff à la fin des années 1990 et qu’il présente comme « le dernier artiste signé par Philadelphia International Records ». C’est avec Mysteries of the world, un instrumental écrit et produit pour MFSB, que commencent les choses sérieuses. Leader discret, Wansel est assis au milieu de la scène derrière son clavier, et partage volontiers les solos avec ses musiciens. Mais le concert est bien centré autour de sa musique, qu’il s’agisse de son répertoire personnel ou des morceaux qu’il a partagé avec d’autres, et c’est d’ailleurs avec un des plus grands tubes auquel il est associé qu’il enchaîne, le Nights over Egypt qu’il a écrit et produit pour les Jones Girls. Si Wansel s’octroie évidemment, comme sur l’original, l’introduction arabisante au synthé, c’est tout l’orchestre et l’ensemble des voix qui assurent une version du titre qui n’a rien à envier à la production originale et déclenche l’enthousiasme du public.

If only you knew, créé par Patti LaBelle, et Hurry up this way again, enregistré par les Stylistics, poursuivent dans le même registre, avant que Damon Williams ne prenne le micro en solo pour deux titres hommages à Teddy Pendergrass, Only you et Love TKO, dont les originaux ont été respectivement arrangé et produit par Wansel. Partenaire régulier de Dexter Wansel sur scène, Williams est une vraie révélation, doté d’une puissance vocale qui lui permet de saluer la mémoire d’interprètes aussi marquant que Pendergrass ou, plus tard, Lou Rawls sans sombrer dans l’imitation, et il constitue un atout majeur pour assurer la réussite du concert. Difficile de comprendre qu’il n’ait pas une plus grande notoriété et que sa discographie soit si limitée… En final du premier set de ce que Wansel présente comme une « soirée de souvenirs », c’est le Shame d’Evelyn “Champagne” King – qu’il surnommait en studio « Bubbles » – qui vient faire bouger des danseurs désormais déchaînés.

Pendant l’entracte, le DJ Étienne ATN Dupuy, un habitué des lieux et de l’exercice, se charge de maintenir la pression avec une sélection dans l’esprit, avant que le chanteur britannique Junior – de passage en région parisienne la veille et qui a enregistré dans les années 1980 avec Wansel – ne vienne assurer, hélas sans chanter, l’introduction du second set. Après un instrumental non identifié, Dexter Wansel dédie à sa femme, présente dans la salle, un de ses titres personnels les plus marquants, The sweetest pain. Interprété à l’origine par Terri Wells, c’est la chanteuse Gina Foster, choriste de luxe sur la scène britannique entendue notamment avec Eric Clapton et le groupe pop Swing Out Sister, qui s’y attaque avec une grande réussite, au point qu’elle-même semble surprise de l’intensité et de la durée de l’ovation qui la salue.

L’hommage à Lou Rawls qui suit, avec You’ll never find another love like mine, porté par le chant de Damon Williams, ne fait rien pour calmer l’ambiance, et il faut attendre le long instrumental jazz funk Stargazer, qui permet enfin à Wansel de s’exprimer longuement aux claviers et sur lequel chaque musicien est mis en valeur à son tour, pour faire un peu retomber la pression. Ain’t no stoppin’ us now, en hommage à ses collègues et amis McFadden & Whitehead, est censé servir de rappel, mais l’enthousiasme du public est tel que toute l’équipe revient pour un final débridé sur le Disco inferno des Trammps. Le public reprend à pleine voix le « burn, baby, burn » scandé par les trois chanteurs, tandis que Wansel s’offre un dernier solo de synthé. C’est sur cette note incandescente que se termine une soirée qui fera date dans la mémoire de ceux qui y ont assisté, en espérant que sa réussite donne des idées aux programmateurs…

Texte : Frédéric Adrian

Dexter WanseldiscoFrédéric AdrianfunkNew MorningPhilly soulsoul