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Live reports / 03.05.2018

Bain de Blues

Cette année, la programmation du festival s’agrandit. En plus des deux jours de concerts les 20 et 21 avril, on peut découvrir les “Happy Blues Days” qui commencent le 6 avril avec une conférence de votre serviteur, se poursuivent le 11 avec un atelier de fabrication de guitares “diddley bow” à destination des enfants, une exposition de guitares “cigar box” fabriquées par le luthier Jacques Corre du 11 au 23, une exposition photos de Yves Lafosse “Bain de Blues et Women in Blues” les 20 et 21 et l’animation “Bars’n’Blues” avec The Cathouse Boys et Spoon.

Oubliée la pluie de 2017, il fait très beau le vendredi 20 quand la foule se forme à l’entrée de la zone du festival. C’est l’Electric Blues Duo de Xavier Pillac (voix et guitares) et Antoine Escalier (basse et batterie aux pieds) qui est chargé de l’ouverture de la soirée et des interscènes. Ils seront la caution blues du festival dans le style “less is more” qu’ils affectionnent et maîtrisent. Ils tirent leur répertoire de leur excellent CD et y ajoutent des reprises d’Elmore James, Robert Johnson ou Johnny Otis. Xavier utilise plusieurs guitares dont une entièrement métallique et une autre avec résonateur. Sur Shake your moneymaker, il prend un beau solo joué pour partie en slide.

 


Xavier Pillac

 


Antoine Escalier

 

La grande scène ouvre avec la formation rennaise Cut The Alligator. Trois cuivres, un clavier, une guitare, une basse, une batterie et deux chanteuses, Louise Robard et Stellis Groseil, qui prennent tour à tour le devant de la scène, sollicitant à la fois le public et leurs compagnons musiciens pour des solos ou des chorégraphies qui impliquent jusqu’au groupe complet. Leur musique est à base de soul, funk et tout ce qui fait danser, avec des originaux et des reprises de Sharon Jones ou des Meters.

 


Cut The Alligator

 

The Big Sets, groupe anglais lauréat du prix Bain de Blues au Tremplin Blues des Rendez-Vous de l’Erdre 2017 à Nantes, continuent de faire monter la température. Le gang démarre à fond et ne lèvera pas le pied au cours d’un set incandescent, porté par Chris Hogg (guitare et chant), John Smith (harmonica et chant), Jake Landers (guitare), Jonny Rubin (basse), habités par une force venue d’ailleurs, magnifiée par un look de durs, des voix puissantes, des guitares clinquantes et une basse virevoltante. Leur blues est électrique, funky ou boogie parfois, efficace tout le temps, avec un moment fort sur leur reprise de Sean Costello, mélange de soul blues et de funk, avec des solos de guitare, d’harmonica et de basse.

 


The Big Sets

 

La vedette de la soirée est Thorbjørn Risager et son Black Tornado. Là encore, pas de round d’observation, le set est lancé avec If you wanna leave, morceau idéal pour ce faire puisqu’il permet à Thorbjørn de commencer seul sur un riff rageur, user de sa puissance vocale reconnaissable entre toutes, puis faire entrer la rythmique et les cuivres. Tout est en place et l’orchestre ne nous lâchera plus qu’essorés par un enchaînement torride de blues, rhythm & blues, boogie, et rock ‘n’ roll. Le guitariste Peter Skjerning est peut-être un peu trop rock mais les cuivres de Peter W Kehl (trompette) et Kasper Wagner (saxophone) et les claviers d’Emil Balsgaard gardent la machine sur les bons rails. Comme à l’accoutumée, Thorbjørn demande aux musiciens de dire chacun à leur tour quelques mots dans la langue locale, ce qui permet de constater que, vu d’ailleurs, la France fait du vin et pas grand-chose d’autre. Sur On my way les deux compères des cuivres entraînent le public dans une chorégraphie simple et sympathique. Le répertoire emprunte naturellement au dernier disque “Change My Game” mais n’oublie pas les piliers comme Baby please don’t go avec son fameux riff de guitare. Le rock ‘n’ roll de clôture est à la fois un climax et une délivrance.

 


Thorbjørn Risager

 

Le trio strasbourgeois Dirty Deep conclut la soirée avec une musique downhome post-moderne, jouée très fort, il faut s’éloigner de la scène pour commencer à en percevoir les nuances.

 

 

Le samedi 21 est ouvert par le trio rouennais Loscar Combo. Charles Ducroux (voix et guitare), Pascal Lob Hernandez (contrebasse) et Fred Foucard (batterie) vont orner ce début de soirée et chaque changement sur la grande scène d’un joli répertoire où les originaux se mêlent aux reprises pour un gumbo bien dosé de blues, country et rock ‘n’ roll, évoquant Chuck Berry, Johnny Cash ou Warren Smith, avec un beau son et le soin d’être en contact avec le public. La joie de jouer de Pascal Hernandez fait plaisir à voir, tout comme sa belle contrebasse stylisée.

 


Loscar Combo

 

La grande scène s’anime avec la chanteuse Anne Sorgues et le guitariste Yvan Guillevic, au sein d’une formation comprenant aussi des cuivres, un clavier et une section rythmique. La voix d’Anne est soulful, avec de belles inflexions jazzy ou des envolées dans les notes hautes. Le répertoire comprend des titres de l’album “Do It Your Way”, ListenDark empty streets et des reprises comme Thrill is gone en ouverture ou Summertime et son rythme travaillé. Les guitares d’Yvan sont modernes, techniques, parfois au détriment de l’émotion.

 


Anne Sorgues

 

La principale découverte de la programmation de Patrick Lecacheur va être le chanteur anglais Randolph Matthews, accompagné par Alessandro Diaferio à la guitare, Pablo Leoni à la batterie et Andrea Vismara à la basse. Son set commence normalement pourrait-on dire, belle voix qui rappelle celle de J.C. Brooks, belle prestance, air avenant, Breathe est le titre du premier morceau, puis il prend la parole pour présenter le titre suivant et là, ça bascule : beatboxing pour évoquer divers bruits, voiture, sirène de police, aboiements de chien, anecdote savoureuse, fantasme à base de policière en uniforme et il envoie Police dog blues de Blind Blake, continuant le beatboxing et introduisant une machine à boucles pour enrichir l’orchestration, pendant que Pablo Leoni s’empare d’une planche à laver et que tout le groupe se retrouve à danser au premier plan de la scène. Le reste du show sera à l’avenant : saynètes, chant, boucles, guitares en contrepoint, dont une superbe Weissenborn, des originaux, des reprises, en anglais, en créole de Grenade, terre d’origine de Randolph, une reprise de Hey Joe, dramatisée par un départ dans les aigus, un superbe rappel a cappella tout en boucles sonores, et un final en groupe complet. Superbe !

 


Randolph Matthews

 

Pas simple pour Aymeric Maini et son quintet de passer après ça. Il s’en sort très bien, accompagné de David Le Deunff aux chœurs et à la deuxième guitare, Julia Charler (alias Isla) aux chœurs et percussions, Hervé Goddard à la basse et Simon Riochet à la batterie. Les voix sont belles, ça groove, ça bouge, dans cette forme d’intimisme qui leur est si particulière et qui laisse penser qu’il y a beaucoup de puissance en réserve. Le répertoire est tiré du disque “Sun Is Back On The Way” avec notamment le hit Have I grown?

 


Aymeric Maini

 

C’est la pianiste chanteuse Doña Oxford qui clôt la soirée, entourée de Jim Williams et James Beck (guitares), Ben Graham (basse) et Mikey Cianco (batterie) et elle le fait bien, c’est-à-dire à fond ! Son clavier tremble tant elle le martèle, allant jusqu’à le piétiner de temps à autre, dans des mouvements d’une belle souplesse, son micro tremble tout autant sous l’effet de son chant puissant et le public reçoit toute cette énergie avec plaisir. Aretha Franklin et Wilson Pickett sont parmi les grands artistes auxquels elle emprunte ses reprises, qu’elle couple avec ses compositions dont l’entraînant Doe’s gumbo. Elle ne nous laisse aucun répit, ça fonctionne et c’est tout heureux qu’on prend la route du retour. Rendez-vous en 2019.

 


Ben Graham, Doña Oxford

 

Texte et photos : Christophe Mourot