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Live reports / 08.07.2022

Anne Paceo, La Cigale, Paris

23 juin 2022.

En une bonne dizaine d’années, la batteuse et chanteuse Anne Paceo s’est imposée comme une des vedettes de la scène jazz française, et sa programmation en vedette à la Cigale, si elle semble la stupéfier elle-même, est une conséquence logique du succès rencontré par son dernier album, “S.H.A.M.A.N.E.S”, sorti en mars dernier sur son propre label, Jusqu’à La Nuit. 

Après une première partie en mode pop électro assurée par Billie Bird, Anne Paceo rejoint la scène accompagnée par les musiciens de l’album, à savoir Isabel Sörling au chant et aux machines, Marion Rampal au chant et aux percussions, Benjamin Flament à la batterie et aux percussions, Christophe Panzani aux saxophones et à la clarinette basse et Tony Paeleman aux claviers. Ils s’installent en arc de cercle, avec Paceo au centre, ce qui a l’avantage de leur permettre de communiquer en permanence, mais l’inconvénient de dissimuler une partie des participants aux spectateurs installés au balcon (comme moi !). 

Sans surprise, c’est le répertoire de “S.H.A.M.A.N.E.S” qui est joué ce soir, ouvert par Piel, suivi de L’aube et de Healing, que Paceo présente comme un morceau issu du confinement et qui s’enchaîne avec une composition inédite, Apache. Si une impression de froideur dans le son de l’ensemble m’avait empêché d’entrer totalement dans le disque, son incarnation sur scène balaie tous mes a priori et je suis emporté aussi bien par les compositions – le très beau Mirages, avec ses clochettes – que par l’interprétation, qu’il s’agisse du jeu très physique de la batteuse, de l’élégance des parties chantées dans différentes configurations – Paceo elle-même donnant régulièrement de la voix avec ses deux accompagnatrices, créant des harmonies originales reposant sur leurs approches vocales très différentes – ou de la relation télépathique entre l’ensemble des participants, qui se mettent au service de la musique comme l’illustre la partie improvisée qui vient clore Dive into the unknown.

Si elle peine à cacher son émotion lors de ses différentes prises de paroles, Paceo garde la maîtrise de sa musique, tout en faisant une place à ses complices, et en particulier aux différents saxophones de Christophe Panzani, un vrai musicien tout terrain entendu avec Electro Deluxe et Guts, mais aussi avec PJ Morton, LaBelle et même Carla Bley ! 

Changement de registre pour le premier rappel, avec un titre interprété à la kora par Anne Paceo puis un morceau quasi a cappella, chanté par l’ensemble des musiciens avec l’accompagnement d’un simple tambour. 

Le couvre-feu de la salle le permettant et l’enthousiasme du public l’exigeant, le groupe revient pour un dernier titre, Marcher dans la nuit, également extrait “S.H.A.M.A.N.E.S”, qui vient couronner une soirée particulièrement réussie, qui met en valeur un des talents singuliers de la scène jazz française.

Texte : Frédéric Adrian