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Live reports / 20.04.2022

The Cookers, New Morning, Paris

5 avril 2022.

Le principe est simple : prendre sept pointures de l’histoire du jazz et les réunir autour d’un répertoire de leurs propres compositions. Si, au fil des années, la composition précise de l’ensemble a changé – Bennie Maupin et Craig Handy, par exemple, y ont fait un séjour –, cela fait maintenant une quinzaine d’années que les Cookers proposent sur scène et sur disque leur musique, et ce sont ce soir les musiciens du dernier album – Billy Hart à la batterie, George Cables au piano, Cecil McBee à la contrebasse, Eddie Henderson et David Weiss à la trompette, Billy Harper au saxophone ténor et Donald Harrison au saxophone alto – qui se présentent devant le copieux public d’un New Morning bien rempli.

Tous ont une carrière de soliste bien remplie – le groupe succède d’ailleurs directement à un autre all stars du même type baptisé The Leaders, né dans les années 1990 autour de Chico Freeman et Cecil Mc Bee –, et, en dehors du benjamin David Weiss, qui fait office de directeur musical de l’ensemble, ont contribué à écrire l’histoire du jazz sur les six dernières décennies, McBee et Hart, les deux octogénaires du groupe, ayant commencé à enregistrer au début des années 1960.

Si, au fil des années, tous se sont exprimés dans des registres très divers – du jazz funk d’Herbie Hancock pour Eddie Henderson et Billy Hart au jazz spirituel de Pharoah Sanders pour McBee, en passant par les excursions proches du hip-hop de Donald Harrison –, c’est autour d’un hard bop dans la lignée des Jazz Messengers d’Art Blakey – dont plusieurs Cookers ont fait partie – que se réunissent ici leurs différents talents. 

Si la foulée de George Cables – qui s’appuie sur une béquille – est hésitante quand il traverse la scène pour rejoindre le piano, ses doigts ne le sont pas, et lui comme ses collègues semblent défier le temps tant ils semblent malgré les années n’avoir rien perdu de leur inspiration et de leur dextérité. À la batterie, Billy Hart – 81 ans – reste la puissance propulsive qu’il était au sein du trio de Jimmy Smith du débat des années 1960, tandis que Cecil McBee – presque 87 ans – assure les fondations de l’ensemble avec une sûreté sans faille, tandis que Cables et les quatre soufflants enchaînent les solos.

Musicalement, la formule est simple : une composition d’un des membres du groupe, quelques parties d’ensemble et une succession plus ou moins longue – le groupe ne jouera que trois morceaux sur le premier set d’une heure – d’interventions solistes. Cela pourrait être prévisible, voire routinier, mais la qualité des compositions (The call of the wild and peaceful heart et Croquet ballet de Billy Harper et Peacemaker de CecilMcBee), qui évitent les classiques trop entendus, et l’implication de l’ensemble des participants – la qualité de l’écoute de Donald Harrison quand jouent ses partenaires est visible, alors que ses mains suivent les notes du solo de Cables… – permettent de dépasser ces risques.

Les contraintes de la vie réelle m’interdisent d’entendre le second set – a priori dédié au dernier disque fort recommandable du groupe –, mais le dynamisme et la vitalité de l’ensemble ont suffi à me convaincre qu’il était encore possible de saluer l’histoire du jazz et ses grandes heures passées sans sombrer dans la muséologie. 

Texte : Frédéric Adrian
Photo © Frédéric Ragot

George Cables