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Brèves / 13.10.2014

Sista Monica Parker rend les armes

« Dieu m'a donné la possibilité de rester sur cette planète, de planifier à nouveau la suite des événements… » Ainsi s'exprimait Sista Monica Parker en février 2012 en marge de la nuit du blues de Vaulx-en-Velin (Rhône), à propos d'un cancer contracté 10 ans plus tôt (article complet dans notre numéro 207). La chanteuse m'avait alors confié qu'elle se croyait tirée d'affaire.  Jusqu'à cet été 2014, durant lequel la rumeur d'un autre cancer a commencé à prendre corps. Cela ne l’empêchait pas de déclarer encore le mois dernier qu'elle avait de  nombreux projets… Mais cette fois, la maladie ne lui a pas donné de deuxième chance, et Sista Monica Parker s'est éteinte le 9 octobre 2014 à l'âge de 58 ans.


©: Brigitte Charvolin

Née Monica C. Parker le 27 avril 1956 à Gary dans l'Indiana, elle vient d’une famille modeste qui compte cinq enfants : « Ma mère a toujours chanté mais (…) elle n’a jamais cherché à mener une carrière musicale. Elle était femme de ménage et ouvrière, dans une aciérie car ces usines étaient nombreuses chez nous. » Monica débute au chant à l'église à l'âge de 7 ans, puis à seulement 12 ans elle tourne avec une chorale qui la conduit dans des grandes villes comme Chicago et Détroit. Son grand-père étant pasteur, elle écoute très jeune des artistes comme Shirley Caesar, Dorothy Love Coates, James Cleveland, Al Green et Aretha Franklin. Elle semble donc se destiner à la musique et plus particulièrement au gospel dès l'adolescence, mais elle poursuit également ses études. De 1977 à 1980, elle sert dans la marine où elle atteint le grade de sergent, puis elle se lance à Chicago dans le recrutement spécialisé en ingénierie, continuant d’exercer dans ce même secteur quand elle s’installe à Santa Cruz en Californie en 1987.

Néanmoins, toujours persuadée que le chant est sa vocation, elle commence à se produire localement. Mais il n’est pas facile de se faire une place dans le milieu et Sista Monica décide de prendre les choses en main en 1992 : « J’ai toujours pensé qu’il y aurait quelqu’un là-haut dans le ciel pour me donner de l’argent et me permettre de faire des CD, mais cela ne s’est jamais produit ! », me disait-elle avec malice. Elle fonde donc son propre label, Mo Muscle Records, et réalise son premier CD en 1995, « Get Out My Way », qui lui vaut d’emblée des engagements pour des festivals et des tournées internationales. Un an après la sortie de son deuxième album en 1997 (« Sista Monica »), elle est nominée aux W. C. Handy Awards et remporte un California Music Award. Vers cette époque, sans doute à la suite d’une tournée en Europe, on commence à la qualifier de « lionne du blues »… En 2001, elle revient aux sources avec un disque de gospel (« Gimme That Old Time Religion »), puis elle enregistre « Live In Europe ».

Elle subit donc un terrible coup d’arrêt en 2002 au retour d’une tournée achevée aux Pays-Bas : « De retour aux États-Unis, les premières douleurs sont apparues (…), on m’a diagnostiqué un cancer. Deux ans durant, j’ai tout connu, la chimiothérapie, la chirurgie, la perte des cheveux (…). » Mais son énergie lui permet de surmonter l’épreuve, et de 2004 à 2011 elle enregistre six CD supplémentaires, le dernier en date étant « Living In The Danger Zone ». Malgré la maladie, elle travaillait encore récemment sur un disque, un livre et même un spectacle au théâtre. Sa discographie met en avant l’étendue de son registre vocal, une belle souplesse grâce à laquelle elle passait avec aisance du gospel au blues en passant par la soul, et sur scène son sens de la communion faisait merveille. La reconnaissance internationale de Sista Monica Parker ne cessait de croître, et elle s’inscrivait parmi les chanteuses les plus captivantes de ces dernières années. Sa disparition est d’autant plus cruelle.
Daniel Léon