;
Hommages / 31.01.2022

Sam Lay (1935-2022)

Acteur majeur du Chicago blues électrique du début des années 1960, passeur bienveillant entre les générations de musiciens, complice de la transition électrique de Dylan : sans que son nom n’ait jamais dépassé le cercle des initiés, le batteur Sam Lay a contribué à quelques-unes des plus grandes pages des musiques populaires américaines du siècle dernier, aussi bien dans le blues que dans le rock et la pop. 

Né à Birmingham, dans l’Alabama, Lay s’installe au milieu des années 1950 à Atlanta, où il met sa batterie au service de différents groupes locaux – le Moon Dog Combo, les Thunderbirds… – avant de migrer à la fin de la décennie à Chicago. Découvert par Little Walter qui l’intègre dans son orchestre, il ne tarde pas à se faire remarquer sur la scène locale et rejoint le groupe de Howlin’ Wolf, qu’il accompagne sur scène et en studio. La liste des classiques du Wolf auquel il contribue est longue : I ain’t superstitious, Shake for me, Going down slow, New crawlin’ king snake, Down in the bottom, The red rooster, 300 pounds of joy, Killing floor…

Tout en jouant avec le Wolf, il sympathise avec deux jeunes admirateurs qui cherchent à monter leur groupe pour jouer au Big John’s, un club folk du North Side, l’harmoniciste Paul Butterfield et le guitariste Elvin Bishop. Séduit par leur enthousiasme, Lay et son collègue du groupe du Wolf Jerome Arnold rejoignent l’ensemble, qui devient le Butterfield Blues Band. Rejoint par Mike Bloomfield, le groupe connaît des débuts discographiques difficiles, mais se fait remarquer au Newport Folk Festival de juillet 1965, d’abord pour son propre set – malgré les commentaires désobligeants d’Alan Lomax –, puis quand il est recruté au débotté par Bob Dylan pour l’accompagner pour ce qui constitue le premier set “électrique” de sa carrière, qui marque sa rupture définitive avec le statut de chanteur folk qu’il cultivait jusqu’ici. Il accompagne également Dylan en studio sur la chanson titre de l’album “Highway 61 Revisited”. 

Si Sam Lay participe au premier album du groupe de Butterfield, des problèmes de santé lui imposent de céder sa place à Billy Davenport. Il rejoint alors l’ensemble de James Cotton, qu’il accompagne sur disque pour Verve, et publie en 1969 son premier disque personnel (après quelques faces pour Testament en 1966), “Sam Lay In Bluesland”, tout en participant aux séances all-stars de l’album “Father & Sons” de Muddy Waters, aux côtés d’Otis Spann, Michael Bloomfield, Paul Butterfield, Donald “Duck” Dunn…  Il est également cette même année aux côtés de Magic Sam au festival d’Ann Arbor, où il se produit également sous son nom. Toujours accueillant pour les jeunes musiciens, il héberge quelque temps à son domicile le jeune batteur de Détroit James Osterberg, qui deviendra quelques années plus tard Iggy Pop. 

Chicago, juillet 1990. © Jacques Périn

Plus discret dans les années 1970 et 1980, il participe néanmoins à des séances avec Bob Riedy, James Cotton, Erwin Helfer, Eddy Clearwater, John Littlejohn, Sunnyland Slim, Carey Bell, Wild Child Butler… À la fin des années 1980, il rejoint le Siegel-Schwall Band et participe à leurs deux albums pour Alligator. Il relance sa carrière personnelle avec une série d’albums à partir des années 1990, en particulier pour le label italien Appaloosa, et participe à différents projets revivalistes : “A Tribute To Howlin’ Wolf”, avec les vétérans Henry Gray, Calvin Jones, Eddie Shaw et  Hubert Sumlin et différents invités (qui lui vaut une nomination aux Grammys), une “Chicago Blues Reunion” avec Barry Goldberg, Harvey Mandel, Nick Gravenites et Tracy Nelson… 

Sam Lay continue par ailleurs à participer régulièrement à des séances, aussi bien pour d’autres vétérans comme Hubert Sumlin  ou Wild Child Butler que pour de plus jeunes musiciens : Mississippi Heat, Jimmy D. Lane, Rockin’ Johnny, Rob Stone, Barrelhouse Chuck… Ayant filmé en amateur ses collègues de la scène de Chicago des années 1960, il est associé à différents documentaires sur la scène blues de la ville, et un film lui est même consacré en 2014, Sam Lay in Bluesland. Bien qu’il n’ait pas publié de nouveau disque depuis 2002 et “I Get Evil”, il se produisait encore régulièrement il y a quelques mois, en particulier avec le Siegel-Schwall Band. 

Texte : Frédéric Adrian
Photo d’ouverture : Avec Corky Siegel, Chicago, juin 2018. © Brigitte Charvolin

Chicago, juin 2018. © Brigitte Charvolin
Frédéric AdrianSam Lay