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Brèves / 29.10.2013

Paramount au firmament

Quiconque s’intéresse de près ou de loin à la grande histoire de la musique afro-américaine devrait considérer avec le meilleur œil une réalisation qui va sans nul doute faire date. En préambule, remontons le temps. De 1917 à 1932, Paramount fait partie des labels les plus importants de son époque aux côtés de marques comme Columbia, OKeh, Victor et Vocalion pour ne citer que les plus notables et les plus connues. Ces labels vont jouer un rôle déterminant en effectuant les premiers enregistrements des fondateurs des principaux courants musicaux qui nous concernent (jazz, blues et gospel), mais aussi et peut-être surtout en ouvrant leurs catalogues à des artistes afro-américains qui s’adressent à un public également noir. Ce sont les fameuses séries dite des race records, des enregistrements certes « raciaux » mais dont les chanteurs et musiciens noirs tirent une vraie fierté, car c’est alors le seul moyen de se faire connaître en exprimant leur art. Alors que l’industrie discographique est en plein essor et malgré la pauvreté qui est le quotidien de bien des auditeurs potentiels, le succès des race records est considérable dans les années 1920 (au point de parfois surpasser les ventes « blanches »…), même s’il sera ensuite mis à mal comme tous les autres secteurs de l’économie par la Grande Dépression.

En tant qu’acteur essentiel du phénomène, Paramount lance dans son studio de Grafton au Wisconsin sa première série de race records en 1922,  et on ne vous fera pas l’injure ici de vous rappeler quels furent les principaux artistes conviés à des sessions par la marque… En outre, comme ses pairs, Paramount n’hésite pas à envoyer des agents de terrain (le plus célèbre étant peut-être H. C. Speir pour le blues) dans le sud pour dénicher et enregistrer les artistes sur place, puis de les mettre en relation avec les marques. La crise provoque finalement l’arrêt du studio et des enregistrements en 1932, l’entreprise fermant ses portes l’année suivante. Elle fera l’objet de programmes de rééditions au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, notamment via Riverside, les droits étant ensuite rachetés en 1969 par la compagnie cinématographique homonyme (qui n’a d’ailleurs rien à voir avec le label à l’origine…). Enfin, plus près de nous, la marque Document a réédité de très nombreux titres originaux de Paramount dans sa série « Complete Recordings in Chronological Order ».

Mais le parcours de Paramount se poursuit donc sous la forme d’un magnifique ensemble rassemblé sous le titre « The Rise and Fall of Paramount Records – Volume One – 1917-1927 » (le volume 2 est attendu pour novembre 2014), et qui comprend tenez-vous bien : six LP vinyle comprenant cent titres remastérisés, huits cents autres titres remastérisés et disponibles via un lecteur USB drive fourni, un livre grand format de 250 pages avec deux cents illustrations d’époque, enfin un autre ouvrage de 360 pages contenant les biographies des artistes et une discographie complète. Le tout est tiré à cinq mille exemplaires, sortira le 19 novembre 2013 et sera présenté dans une mallette en chêne rappelant celles qui contenaient les vieux phonographes… Et ce n’est pas si cher car affiché à quelque 400 dollars, mais attention aux frais de port ! Tout cela est le fruit du travail de John  Fahey pour Revenant Records et de Jack White pour Third Man Records (c’est édité sous cette seule marque), Alex van der Tuuk, que l’on connaît pour ses publications détaillées des discographies du catalogue Paramount, ayant pour sa part assuré la production.
Daniel Léon