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Brèves / 01.04.2012

Oraison comme Clarksdale

Le discours n’est pas nouveau : d’aucuns s’inquiètent non sans légitimité de la désaffection du public américain à l’égard du blues, qui trouve souvent un meilleur écho de notre côté de l’Atlantique. Dès lors, on doit de plus en plus aux Européens des initiatives en faveur du développement et de la reconnaissance de cette musique. Et la dernière opération en date, autour de laquelle le mystère demeurait en attendant la période favorable des festivals de printemps pour être officialisée, nous réjouit d’autant plus qu’elle concerne notre beau pays. On la doit à une association dont le siège se trouve à Oraison, dans les Alpes-de-Haute-Provence. Il s’agit de l’Eden District Blues, qui, depuis des années sous la houlette de son président Gilles Boncour, œuvre en faveur du blues en organisant des concerts de très belle facture. Mais désormais, s’appuyant sur son expérience et d’autres circonstances favorables, cet Eden-là a décidé de devenir un paradis du blues. Oraison, bourgade de quelque 5 000 âmes, se situe dans la vallée de la Durance, dans une configuration géographique singulière qui n’est pas sans rappeler la plaine alluviale du Mississippi qui forme la fameuse région du Delta, aujourd’hui considérée comme le berceau du blues. Et l’idée de faire son chemin, comme le souligne Gilles Boncour : « Oraison, c’est un peu notre Delta à nous. Tout est parti de là pour échafauder notre projet, le Blues Paradise, que certains trouveront sans doute un peu fou : pourquoi ne pas en faire une terre promise pour tous les bluesmen qui aiment tant venir se produire en Europe, et particulièrement en France ? Ainsi, réunion après réunion, nuit blanche après nuit blanche, il s’est bâti. Nous disposons déjà d’une salle idéalement adaptée au blues, l’Eden, ainsi que d’une expérience réelle car nous avons programmé de nombreux bluesmen notoires, notamment américains. Tout était donc réuni pour lancer le projet avec le slogan « Blues Paradise à Oraison, là où le blues ne sera jamais funèbre. » Mais de quoi s’agit-il ? « Nous ne voulons pas tout précipiter, ni avoir les yeux plus gros que le ventre, ce qui nous conduirait immanquablement à l’échec. La première étape sera donc marquée du double sceau de la raison et de l’humilité. Dans un premier temps, l’Eden sera donc légèrement réaménagée et agrandie pour accueillir 10 000 personnes, ce qui nous semble un minimum pour répondre aux attentes du public local. Et rien ne nous empêchera d’augmenter cette capacité si le succès est au rendez-vous, d’autant que nous bénéficions du soutien inconditionnel des élus. Après l’inauguration qui aura lieu le 20 juin prochain, premier jour de l’été, avec un festival exceptionnel en cours d’élaboration, nous proposerons à l’année sept soirs sur sept trois concerts de blues avec les meilleurs artistes venus de tous les horizons vers… Oraison évidemment ! Ensuite, dès 2013, la municipalité entamera la construction d’une dizaine de clubs dans le plus pur esprit des juke joints du Delta, et nous venons d’acquérir un terrain de 5 000 m2 sur lequel se dressera d’ici 2015 un Musée européen du Blues. Mais je vous en ai déjà trop dit, une fois encore sachons garder mesure… » En attendant, et pour réduire au silence les éventuels sceptiques, Soul Bag est en mesure de vous révéler en exclusivité que ce projet a été officiellement lancé ce week-end, parallèlement au festival de Salaise-sur-Sanne. Ainsi, comme le montre notre photo, une cérémonie s’est tenue dans le cadre quelque peu solennel du château de Fondru. On y voit notamment la chanteuse et guitariste Ana Popovic (deuxième à partir de la gauche), marraine du projet, à laquelle Gilles Boncour (à droite avec la casquette), se prépare à remettre les clés de la ville d’Oraison. Longue vie au Blues Paradise !

Daniel Léon