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Brèves / 19.06.2015

Mighty Sam McClain 1943-2015

Ni superstar comme Otis Redding ou Solomon Burke, ni figure culte comme O.V. Wright et James Carr, Mighty Sam McClain, décédé le 16 juin 2015, n’en appartenait pas moins à l’aristocratie des grandes voix de la soul sudiste. Plus que la voix ou le charisme, c’est la chance qui lui a manqué pour mener une carrière à la hauteur de sa réputation.

Né le 15 avril 1943 à Monroe, en Louisiane, c’est à Winnsboro, toujours en Louisiane, que Samuel McClain passe une bonne partie de son enfance, élevé par sa grand-mère. La musique est un élément fondamental dans sa vie dès son enfance, d’abord par le gospel, qu’il chante dès l’âge de 5 ans dans un groupe mené par sa mère, puis le blues, qu’il découvre à l’école malgré l’hostilité maternelle. En raison des relations difficiles avec son beau-père, il quitte le domicile familial dès l’âge de 13 ans, et travaille dans les champs de coton.

Entre-temps, son ami d’enfance Robert Green est devenu, sous le nom de Sonny Green, chanteur du groupe du bluesman Little Melvin Underwood, un musicien originaire du Mississippi installé à Monroe. Très vite, Sam rejoint le groupe, d’abord comme roadie, puis comme choriste et, au départ de Sonny Green, comme chanteur principal, alors qu’il n’est âgé que de 15 ans. Il utilise alors le pseudonyme de Good Rockin’ Sam.

De passage à Pensacola, en Floride, à l’occasion d’une tournée avec le groupe en 1963, Sam décide de s’y installer et rejoint un orchestre local, le Dothan Sextet, qu’il quitte trois ans plus tard pour rejoindre un autre orchestre, les Rounders. C’est à l’occasion d’un concert du groupe qu’il hérite, suite à l’erreur d’un promoteur, du pseudonyme de Mighty Sam.

 


© DR

 

C’est au 506 Club de Pensacola, l’escale locale du chitlin’ circuit, que l’entend un soir Gerald “Papa” Don Schroeder. Disc-jockey, chanteur, producteur, organisateur de concerts, auteur de chansons, Schroeder est une personnalité de la scène musicale de Pensacola. Séduit par ce qu’il entend, il convainc Sam de l’accompagner aux studios Fame pour enregistrer une démo. Sur la suggestion de Dan Penn, Sam interprète une chanson country de Don Gibson, Sweet dreams (Of you). Grâce à ses connections, Schroeder parvient à faire publier la chanson en 45-tours sur Amy, une sous-marque de Bell. Par une invraisemblable coïncidence, cependant, la même chanson est publiée simultanément par le quasi-homonyme Tommy McClain, et c’est cette version qui devient un tube. Malgré un début de notoriété qui lui permet de faire ses débuts à l’Apollo, aucun des sept autres 45-tours de Sam pour Amy n’accède aux hit-parades, pas plus que les deux autres parus en 1970 sur Atlantic ou son unique single, l’année suivante, pour Malaco.

 


26 mai 1994, Passage du Nord-Ouest, Paris © Jean-Pierre Arniac

 

Faute de réussite, Sam quitte le monde de la musique et vit pendant plusieurs années de petits boulots. Suite à un divorce douloureux, il se retrouve même sans domicile, vivant dans la rue à La Nouvelle-Orléans. Miraculeusement découvert par le producteur local Carlo Ditta, patron du label Orleans, il publie en 1984 un nouveau 45-tours puis un mini-album de cinq titres, parmi lesquels figure une des plus belles versions de A change is gonna come jamais enregistrées. Dans la foulée, Sam se produit au Japon accompagné de l’ancien guitariste de Bobby Bland, Wayne Bennett. Un album en public est enregistré à cette occasion. À peu près introuvable aujourd’hui, ce “Live In Japan” fait partie des trésors cachés de la soul. En 1987, Sam participe à un album organisé par Rounder autour d’Hubert Sumlin, “Blues Party”, sur lequel il interprète une sublime composition de Ronnie Earl, A soul that’s been abused.

 


Salaise, octobre 1999 © Brigitte Charvolin

 


Salaise, octobre 1999 © Brigitte Charvolin

 

Cela ne suffit pas à relancer la carrière de Sam, qui doit attendre 1993 pour qu’un album complet à son nom paraisse sur le label AudioQuest. Ce disque, et les trois autres qui suivront jusqu’à la fin des années 1990, marque le début d’une certaine reconnaissance internationale pour Sam dont la soul se teinte de plus en plus de blues, dans la lignée de son idole Bobby Bland. Il fait alors plusieurs tournées en Europe, se produisant notamment au New Morning et au festival Cognac Blues Passions. De façon incongrue, une de ses chansons est utilisée dans plusieurs épisodes de la série télévisée Ally McBeal en 1999. Deux albums paraissent au début des années 2000 sur Telarc, suivis d’une série d'excellents disques sur son propre label Mighty Music (dont “One More Bridge To Cross” et “Betcha Didn't Know”) et de plusieurs collaborations (avec la chanteuse iranienne Mahsa Vahdat et le guitariste norvégien Knut Reiersrud). Mal distribués en Europe, ces disques passent à peu près inaperçus et les venues de Sam sur le continent s’espacent. Malgré une activité ralentie par des problèmes de santé, Sam continuait à se produire régulièrement jusqu’à 2014. L’intégrale de ses débuts a été rééditée en 2000 sous le titre “Papa True Love: The Amy Sessions”. Parmi ses albums des années 1990, “Give It Up To Love” et “Sledgehammer Soul & Downhome Blues” sont particulièrement réussis, tandis que le live européen “Joy & Pain” peut faire fonction de “best of”.

Frédéric Adrian

 


Banana Peel, Ruiselede, 5 mai 1999 © Dominique Papin

 


Cognac Blues Passions, 2000 © Jacques Périn