25 janvier 2017, North Sea Jazz Club, Amsterdam

Installée depuis plusieurs années à Austin, la capitale texane progressiste qui lui ressemble, où les courants musicaux se nourrissent mutuellement, la pianiste-chanteuse d’origine louisianaise et gantoise (!) faisait escale au North Sea Jazz Club d’Amsterdam lors de sa courte tournée européenne. Deux sets généreux menés tambour battant dès les premières notes : elle favorise le “bon temps roulé” hérité des bayous et de New Orleans, ces rythmes et thématiques de bons vivants ayant accompagné les cols bleus jusqu’à la Baie de San Francisco. Rien que de la “feel good music” puisée dans son large répertoire personnel, souvent inspiré par Allen Toussaint, les derniers CD Alligator ou aux classiques du Golfe du Mexique :  Crawfishin (Clarence “Bon Ton” Garlow) aux côtés de The tattooed lady, The squeeze is on, La ti da…

Marcia Ball, Corey Keller

Mike Schermer, Eric Bernhardt

Son groupe soudé n’est certes pas l’alpha et l’omega des accompagnateurs mais les gars sont rodés, s’amusent et déménagent sans ego. Quel entrain derrière son piano électrique boogiefiant et sa présence vocale ! Eric Bernhardt (sax ténor) connaît tous les riffs gras du R&B. Mike Schermer, déjà un vétéran de San Francisco qui s’est frotté à Jimmy McCracklin, Beverly Stovall, Johnny Heartsman et bien d’autres, tisse des solos riches, précis, sans grande action-détente mais bien construits, sans dramaturgie ni emphase ; un régal ! Entre deux shuffles ou second line, Marcia Ball glisse un titre plus sentimental ou social, rappel des aspirations et peines des samedis soirs au bal : Just kiss me, par exemple. Le club est conquis, se laisse aller et les convives de danser entre les tables. Rappel final : Same old blues (Freddie King) et, à ma demande, Sea cruise (Frankie Ford-Huey Smith) sur un rythme de hors-bord ! Standing ovation !

Marcia Ball, Dirk Jan Vennik

Comme elle l’avait promis en cours de set, elle invita Dirk Jan Vennik, un pianiste local de boogie woogie pour une jam instrumentale, jouée « …dans des tonalités que je ne connais pas. » Et elle devint l’accompagnatrice du jeune homme. Mais quel plaisir !

Texte et photos : André Hobus

27 janvier 2017, Duc des Lombards, Paris

Malgré une longue carrière commencée en 1974 et une quinzaine d'albums, Marcia Ball n'est pas une habituée des scènes françaises – je ne me souviens que d'un passage au Méridien il y a quelques années. Ce qui rendait ce passage à Paris précieux. Ignorant le piano quart de queue, la mince et grande dame à la mèche blanche, s'installe à son clavier électrique en centre de la petite scène, encadrée par son band ramassé. De gauche à droite : Mike Schermer à la guitare (avec elle depuis 2009), Eric Bernhardt au sax ténor, Corey Keller à la batterie et Don Bennett à la basse. Le set sera court, elle va donc droit au but avec, en introduction, un Natural ball bien enlevé. Mais, on le sait, c'est le R&B de La Nouvelle-Orléans qui imprègne indéfectiblement la musique de la Texane. Son jeu de piano, inspiré par Fats Domino, James Booker ou Professor Longhair, porte cette empreinte chaloupée, génératrice d'entrain et de plaisir. Elle en fera montre tant dans les introductions que les solos, relativement rares mais toujours opportuns. Son jeu robuste, sans fioriture inutile, donne du poids à son répertoire. Elle puise dans le dernier album, comme la chanson titre The tattooed lady and the alligator man ou The squeeze is on, sans l'accordéon du disque. Elle reprend aussi des classiques de son répertoire, les ballades Just kiss me et Louisiana – formidable. Elle rend aussi hommage à Bobby Charles avec une version particulièrement enjouée de Party town. Certes, sa voix n'a plus la souplesse d'antan, un peu éraillée, étranglée parfois. Cela lui donne un grain, une rugosité qui ne détonne pas avec le répertoire. Le saxophone et la guitare répondent aux sollicitations de leur leader, Mike Schermer se voit même offrir un titre solo, le très plaisant Barkin' up the wrong tree.

Jacques Périn