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Brèves / 04.11.2014

La Californie pleure Finis Tasby

Depuis décembre 2012 et notamment une sévère attaque qui l’a laissé paralysé du côté gauche, la santé de Finis Tasby ne cessait de décliner et d’inquiéter. Son décès le 2 novembre 2014 à l’âge de 74 ans n’est donc guère surprenant et signifie la perte d’un superbe chanteur de soul blues qui aurait mérité une meilleure notoriété. Il naît le 1er février 1940 à Dallas, même si certaines sources citent la date du 1er juin 1939 et la ville de Nevada, à environ soixante-dix kilomètres au nord-est de Dallas. Il grandit d’ailleurs non loin de Nevada, à Lavon. Sa mère l’a prénommé Finis car il est le dernier de ses dix enfants ! On sait relativement peu de choses sur sa jeunesse mais son premier instrument est la batterie dont il joue à Fort Worth au sein des Blues Blasters, probablement à partir de 1958, tout en étant lié à Frankie Lee Sims et Mercy Baby.


Avignon, 2005. © : Brigitte Charvolin.

Il se met toutefois assez vite à la basse (« J’en avais marre d’être assis derrière une batterie, je voulais être plus en avant pour faire mon truc… ») dont il joue depuis l’âge de 17 ou 18 ans. Et en 1962, c’est bien sur cet intrument mais également au chant qu’il s’exprime dans le groupe qu’il vient de former, les Thunderbirds. Ils inspirent d’ailleurs le jeune Jimmie Vaughan, qui leur rendra hommage quelques années plus tard en créant sa propre formation qu’il nommera The Fabulous Thunderbirds… Pour revenir aux  Thunderbirds, ils sont fréquemment sollicités pour accompagner les artistes en tournée, et Tasby côtoie ainsi Clarence Carter, Lowell Fulson, Freddie King, Solomon Burke et surtout Z. Z. Hill, un chanteur qui l’influence beaucoup car il passe avec aisance du blues à la soul, puis Joe Simon à la fin des années 1960. Leur réputation grandissante vaut aux Thunderbirds de se faire connaître dans tout le Texas mais également dans d’autres États dont l’Oklahoma et l’Arkansas.


Californie, 2002. © : André Hobus.

Tasby s’installe toutefois à Los Angeles en 1973 où on le retrouve auprès de Jimmy McCracklin et John Lee Hooker dont il devient un proche. Là encore, il a l’opportunité de collaborer avec des artistes très prestigieux dont B. B. King, Percy Mayfield et Big Mama Thornton. Mais Finis Tasby, qui va également travailler comme mécanicien durant huit ans, est essentiellement engagé comme bassiste alors qu’il aimerait donner la priorité au chant. Il est en partie exaucé en 1978 quand il enregistre son premier single (Get drunk and be somebody/Just a kiss) pour Big Town, mais doit attendre 1984 pour un album chez Ace (avec Deacon Jones au piano) baptisé non sans humour « Blues Mechanic »… Bien qu’il soit toujours très demandé (en 1981, il a même joué un petit rôle dans le film Sharky’s Machine de Burt Reynolds), cela ne se traduit pas en termes d’enregistrements.


Avec Zach Zunis et Richard Innes, Utrecht, 2000. © : André Hobus.

L’année 1995 sera plus favorable avec un CD pour Shanachie, « People Don’t Care », dont trois des chansons (Gonna miss your love, Drinkin’ bad whiskey et Just a kiss) figurent sur la bande originale du film The Babysitter de Guy Ferland. Tasby signera deux autres CD en 1998 et en 2002, « Jump Children! » et « Blues – A Tribute To John Lee Hooker »). Toujours à la fin des années 1990, il se rapproche de l’harmoniciste Randy Chortkoff, qui avait produit « Jump Children! », avec lequel il pense sérieusement à créer un nouveau groupe . Et c’est en lançant les Mannish Boys en 2004, alors qu’il a déjà 64 ans, que Finis Tasby va entrer dans une nouvelle dimension. Les Mannish Boys vont en effet rassembler la fine fleur des bluesmen de la côte ouest, et notamment à la guitare Kirk Fletcher, Kid Ramos et Franck Goldwasser (le Français apparaît dès leur premier CD, « That Represent Man »), au piano Leon Blue, à l’harmonica Johnny Dyer et donc Chortkoff.


Cognac, 2005. © : Brigitte Charvolin.

Personnage entier, Finis Tasby en est le véritable leader et père spirituel, sa voix particulièrement poignante se combine à merveille aux différents registres et styles des brillants musiciens qui composent le groupe, et les CD qui en résultent (une demi-douzaine) s’accompagnent systématiquement d’excellentes critiques. Reconnaissance tardive mais tellement justifiée pour ce grand chanteur qui durant les années 2000 signera deux autres CD (« What My Blues Are All About » et « Live – Money In My Pocket » avec The Royal Blues Band), tout en apportant son empreinte aux réalisations d’autres artistes dont Enrico Crivellaro, Alex Schultz, Rod Piazza, Walter Trout, Elvin Bishop, etc. Ne nous y trompons pas : un acteur essentiel du blues moderne californien n’est plus.
Daniel Léon