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Brèves / 23.12.2014

Joe Cocker n’est pas inoxydable

Jack Bruce, Bobby Keys, Ian McLagan ont quitté notre Terre ces dernières semaines. Mais comme le sort aime s’acharner, il a fait hier une nouvelle victime dans les rangs des artistes britanniques. Car il faudrait vivre sur une autre planète pour ignorer que Joe Cocker s’en est allé le 22 décembre 2014, à soixante-dix ans, emporté par un cancer du poumon. Sa voix avait le grain d’un scotch tourbé hors d’âge, mais c’est bien au nord de l’Angleterre, à Sheffield, la ville « natale » de l’acier inoxydable, qu’elle s’était forgée. Né dans la cité industrielle le 20 mai 1944, John Robert « Joe » Cocker débute précocement au chant en 1956 avec son frère aîné Victor et forme son premier groupe quatre ans plus tard (les Cavaliers). Mais, tout en apprenant le métier de plombier, c’est en 1961 qu’il lance réellement sa carrière musicale en créant Vance Arnold (c’est lui !) and the Avengers. Déjà fortement influencé par Ray Charles dont il reprend des classiques comme What’d I say et Georgia on my mind, il se produit dans les pubs et ouvre en 1963 pour les Rolling Stones… Dès l’année suivante, il lâche la plomberie et enregistre ses premiers titres pour Decca, avec notamment Jimmy Page. Bien que Decca soit alors une marque phare outre-Manche, cette expérience inaugurale (I’ll cry instead, une reprise des Beatles, déjà…) reste anecdotique. Le chanteur ne renonce pas, fonde Joe Cocker Big Blues et vient même en France, où il joue sur les bases de l’armée américaine et signe un unique EP de cinq titres pour Action, « Rag Goes Mad At The Mojo ». Toujours sans succès, au point que Cocker semble cette fois jeter l’éponge.

 


À Cognac en 2005. © : Brigitte Charvolin

 

Mais tout change en 1966 quand il rencontre Chris Stainton, un autre natif de Sheffield, avec lequel il met sur pied le Grease Band. Deux ans plus tard, Cocker s’approprie littéralement With a little help from my friends des Beatles, qui atteint la première place des charts britanniques. Et bien entendu, il triomphe en 1969 lors de grands festivals, à Newport et surtout à Woodstock, où l’on découvre un chanteur habité à la gestuelle convulsive, des caractéristiques qui demeureront jusqu’à la fin. Ses premiers albums « With A Little Help From My Friends » et « Joe Cocker! » en 1969, puis le live « Mad Dogs & Englishmen » en 1970, l’installent parmi les grands chanteurs de son époque, dans un registre où blues et soul sont encore très présents (il s’en éloignera ensuite). Plus tard, star planétaire du rock, Joe Cocker recevra des récompenses dont un Grammy Award en 1983 (mais curieusement, il n’a pas pour l’heure été introduit au Rock & Roll of Fame), et transformera en hymnes des chansons popularisées par Ray Charles (Unchain my heart) ou écrites par Randy Newman (You can leave your hat on). Mais le show-biz n’altérera jamais vraiment sa voix et sa sincérité qui inspireront le respect jusqu’au bout.
Daniel Léon

 


À Cognac en 2005. © : Brigitte Charvolin