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Brèves / 11.04.2013

Jimmy Dawkins, 1936-2013

D’abord révélée par la chanteuse Deitra Farr et très vite relayée en France par le Collectif des radios blues, la nouvelle est tombée dans la nuit : le chanteur et guitariste Jimmy Dawkins est mort hier 10 avril 2013 à l’âge de 76 ans. Les causes du décès n’ont pas été communiquées mais on sait que sa santé déclinait sérieusement depuis déjà plusieurs mois. Né James Henry « Jimmy » Dawkins à Tchula au Mississippi, il passe sa jeunesse dans le Delta puis à Pascagoula à partir de la fin des années 1940 (à l’extrême sud-est de l’État), aux côtés d’un père employé dans la marine et d’une mère qui lui achète sa première guitare en 1952, Jimmy ayant semble-t-il appris à jouer seul (parmi ses premières influences, on peut citer Guitar Slim et Earl King). En 1955, alors âgé de dix-neuf ans, flanqué des ses tantes et de ses oncles, il prend le bus pour Chicago où il travaille comme ouvrier dans une usine de boîtes de conserve. Vers 1957, il commence à se produire dans les rues avec l’harmoniciste Lester Hinton, côtoyant en parallèle des bluesmen de sa génération comme Billy Boy Arnold, Luther Allison, Left Hand Craig, Eddie King, Magic Sam… Sans doute l’ignore-t-il alors, mais c’est bien le contact et l’influence de ces musiciens qui vont contribuer à faire de lui un des « maîtres » du West Side Sound des années 1960.


Anvers, 1993 © André Hobus

En 1966 et 1967, l’inévitable Willie Dixon lui permet de participer à des sessions comme guitariste pour Chess et Arhoolie avec Big Walter Horton, Johnny Young, Wild Child Butler, Lafayette Leake ou encore Jack Meyers, ce qui convainc Dawkins de se consacrer exclusivement à la musique. Également très actif dans les clubs de la Windy City, il sort finalement en 1969 son premier album pour le label Delmark de Bob Koester, « Fast Fingers ». Un titre (et bientôt un surnom !) assez incompréhensible, Dawkins ne se distinguant pas spécialement par sa vélocité. En revanche, sa belle voix parée d’un voile sombre et son jeu de guitare très expressif, tantôt enfiévré tantôt d’une étonnante concision (comme s’il « suspendait » les notes), sont les marques d’un style hautement personnel et quasi unique. Car oui, ne nous y trompons pas, Jimmy Dawkins fait bien partie du club restreint des artistes identifiables dès la première note… Et sur scène, il est souvent très impressionnant, carrément magnétique. En 1971, alors que « Fast Fingers » reçoit le grand prix du disque Hot Club de France, il grave son deuxième disque, « All For Business », qui confirme les qualités de son devancier. Ces réusssites en font un bluesman très demandé sur les plus grands festivals américains, mais également pour prendre part à des tournées à l’étranger, notamment en Europe et au Japon.


Le Mans, 1981 © Armand Meignan

Plutôt prolifique (surtout pour l’époque), Dawkins réalise une dizaine de disques en douze ans, dont deux sur des labels français, « Come Back Baby » en 1977 (MCM) et « Hot Wire ‘81 » enregistré en public à Paris en 1981 pour Isabel et récipiendaire de deux prix. Mais il s’investit aussi dans d’autres secteurs de sa musique, dont il devient un acteur important à Chicago. Ainsi, dès les années 1970, il est à l’origine de sa propre chronique dans le magazine Living Blues, puis gère un club et lance la décennie suivante son propre label, Leric Story. Sortie en 2010 par Delmark, la compilation « The Leric Story » retrace l’histoire de cette petite marque qui a permis à certains de graver leurs premières faces (la sélection compte des plages de Little Johnny Christian, Tail Dragger, Queen Sylvia Embry, Vance Kelly, Nora Jean Wallace, Big Mojo Elem et Sister Margo and Healing Center Choir). Ses albums se font ensuite plus rares (il arrivera toutefois au total respectable de vingt et un), et s’il poursuit les tournées, il réalise le dernier en 2004, « Tell Me Baby ». Peu prompt à se livrer mais sans doute lassé par le business, Jimmy Dawkins était pratiquement retiré depuis cinq ans, sa santé n’ayant ensuite cessé de décliner. Il laisse le blues de Chicago orphelin de l’un ses représentants parmi les plus brillants et les plus originaux.
Daniel Léon