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Live reports / 24.07.2017

Jazz à Sète (Part. 2 : Trombone Shorty)

Il fallait le voir, l'entendre répéter ses gammes dans sa loge quelques minutes avant de monter sur scène. Lunettes noires devant les yeux et trompette au bec pour revisiter quelques standards de jazz avec une facilité déconcertante. De celle qui a fait dire un soir à l'immense saxophoniste Kenny Garrett, qui observait en 2013 le phénomène se produire au Théâtre de la Mer, que « peu de musiciens sonnaient comme lui ». Citation recueillie de la bouche-même de Louis Martinez, le président de Jazz à Sète, tout heureux de faire à nouveau de Trombone Shorty l'une des têtes d'affiche de son festival.

La dernière – et première – fois que l'enfant terrible de La Nouvelle-Orléans s'était produit sur les rives de la méditerranée (en 2013, vous suivez ?), il était venu défendre “Say That To Say This”, un troisième album avec pas mal de pop en stock. Énorme succès. Depuis, il y a eu du changement. Troy Andrews – le vrai nom au civil de Trombone Shorty – a rejoint l'écurie Blue Note, label prestigieux sur lequel il vient de sortir “Parking Lot Symphony” avec l'ambition de convaincre (et faire taire) une bonne fois pour toutes les critiques. Car oui, aussi fantastique sur scène soit-il, le trentenaire peine encore à convaincre avec sa production discographique.

Pas de quoi lui faire perdre son souffle. 2 minutes 49. Le temps, montre en main, qu'il lui faut pour tenir une seule et même note à la trompette, et emporter avec, l'adhésion d'un public qui n'attendait que lui après une première partie inspirée mais déconcertante assurée par les remuants Toulousains de The Roach. Rendons d'ailleurs grâce à l'organisation de Jazz à Sète, qui sait mettre comme personne la musique – toutes les musiques – au premier rang, en laissant les artistes libres de leurs mouvements, sans barrière à enjamber, ni fosse à escalader. Proximité totale facilitée également par une scène disposée à ras du sol, qui autorise toutes les audaces, comme celle de Trombone Shorty glissant autour du cou (et de l'afro) d'une spectatrice ce que l'on devine être un laisser-passer en backstage

 

 

Car le protégé de Lenny Kravitz pouvait tout se permettre ce soir-là, tant il a ébloui, étonné, par sa prestation résolument funky. Entre hommage à James Brown (petits pas et riffs de cuivres façon Sex machine) et gimmick chipé à Kool & the Gang. L’ouverture très rock (et très téléguidée) sur Backatown n'était donc qu'un leurre, laissant vite place à la démesure : dans le jeu, brillant et sans filet (Shorty alternera avec aisance entre trombone, trompette et batterie), dans le style, indéfinissable car nourri de tellement d'influences, et dans l'intention, totale et tournée uniquement vers les spectateurs qui n'ont même pas attendu la fin du premier morceau pour envahir l'avant-scène.

 

 

Impressionnant : c'est le mot, celui qui définit le mieux Trombone Shorty et son groupe des Orleans Avenue. Aussi à l'aise dans les sacro-saintes chorales religieuses (When the Saints go marching in en rappel) que dans les classiques énervés de la génération 90 (la reprise appuyée de Give it away des Red Hot Chili Peppers, tout bonnement fantastique). Soliste hors-pair, Trombone Shorty sait à l'évidence s'entourer : du bassiste Mike Ballard et son b(r)as résille tenant à la taille sa basse headless, au batteur tout en sueur et en cheveux Joey Peebles, en passant par une section de cuivres au diapason, sax baryton intenable (Dan Oestreicher) et nouveau ténor de choix (Bernard Kenneth “B.K.” Jackson, aperçu chez Prince). Un sacré souffleur au son limpide et éblouissant que Shorty emmènera d'ailleurs avec lui dans la foule, micro à la main, tout en haut des marches du Théâtre de la Mer. Une vue imprenable pour qui a pu se faire prendre en photo avec ce duo très doué. Ils étaient 1 500 ce soir-là. Fait rarissime : police et organisation confirmeront d'une même voix ce chiffre le lendemain matin.

Mathieu Bellisario
Photos © Éric Morère

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