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Brèves / 27.04.2016

Billy Paul

Plus connu et respecté en Europe, et singulièrement en France, que dans son pays d’origine où il était largement considéré comme un “one hit wonder” résumé en Me & Mrs Jones, Billy Paul, décédé le 24 avril, était une grande voix des musiques afro-américaines, dont la riche carrière dépassait largement le cadre de ses disques les plus connus.

Né le 1er décembre 1934 à Philadelphie, le jeune Paul Williams fait ses débuts de chanteur à l’âge de 11 ans, sur une radio locale et suit un cursus sérieux d’études musicales. Influencé par des artistes comme Nancy Wilson ou Johnny Mathis, il commence à peine adolescent à se produire dans les clubs locaux, partageant même l’affiche pendant une semaine avec Charlie Parker au Club Harlem de sa ville natale. À l’occasion d’un passage à l’Apollo, il choisit son pseudonyme, Billy Paul, pour éviter toute confusion avec le saxophoniste Paul “Hucklebuck” Williams. C’est à New York qu’il grave ses premiers disques en 1952 pour Jubilee, sans succès notable. Le service militaire, qu’il passe en Allemagne, pas très loin d’Elvis Presley, interrompt son début de carrière, et ce n'est qu'en 1959 qu’il retrouve le chemin des studios, à nouveau sans réussite commerciale. Il faut attendre la rencontre à la fin des années 1960 avec Kenny Gamble pour que la carrière de Billy Paul décolle réellement. Après un premier album dans un registre jazz, “Feelin' Good at the Cadillac Club”, paru en 1968, puis une tentative un peu plus commerciale, “Ebony Woman” (1970), c’est avec “Going East”, publié en 1971 sur Philadelphia International Records, le nouveau label de Kenny Gamble et Leon Huff, que Billy Paul trouve vraiment sa direction musicale, même si la réussite commerciale reste mitigée.

 


Vers 1970 © DR / Collection Gilles Pétard

 

C’est le disque suivant, “360 Degrees of Billy Paul”, qui fera réellement connaître le chanteur. Paru en 1972, l’album, produit par Gamble & Huff, fait pour la première fois appel à l’aristocratie de ceux qui feront le son de la soul de Philadelphie, tant en ce qui concerne l’écriture et les arrangements (Bunny Sigler, Bobby Martin…) que pour l’accompagnement (Bobby Eli, Earl Young, Norman Harris, Vince Montana…). Propulsé par le succès immense – numéro un pop et soul – de la “cheating song” archétypale Me & Mrs Jones, l’album est une très grande réussite, avec des chansons irrésistibles comme le funk aussi politique que dansant de Am I black enough for you? ou la reprise, devenue un tube en France, de Your song, empruntée à Elton John.

 

 

Plus ambitieux – la chanson titre dépasse les dix minutes –, l’album suivant, “War of the Gods”, ne permet pas à Paul de retrouver le même niveau de succès, mais est une grande réussite de soul psychédélique, à la hauteur de ce que produit, à la même époque, Norman Whitfield pour les Temptations. Dans la foulée, Billy Paul part en tournée européenne, à la même affiche que les O’Jays et les Intruders. Un album en public, enregistré à cette occasion, témoigne de la ferveur que suscite ses prestations scéniques. Quatre autres albums et quelques petits tubes (le controversé Let’s make a baby, la reprise politisée du Let ’em in de Paul McCartney, Only the strong survive…) se succèdent avant que Billy Paul décide de quitter PIR à la fin des années 1970.

 

 

Deux albums dans le courant des années 1980 ne parviendront pas à renouer avec le succès, et Paul passera le reste de sa carrière sur le circuit “nostalgie”, interprétant soir après soir ses grands succès et publiant plusieurs albums enregistrés en public. Particulièrement populaire en France, il s’y produit régulièrement et joue même l’invité de luxe sur des disques de Chimène Badi et Chico & the Gypsies… En 2009, un documentaire, Am I Black Enough for You?, retrace son parcours, tandis que les compilations consacrées à ses grands enregistrements PIR semblent se multiplier naturellement, confirmant sa popularité durable même en l’absence de nouveau disque.

Frédéric Adrian