C’est la newsletter du Figaro datée de ce matin qui le dit : « À l’instar du Premier ministre britannique David Cameron, le gouverneur du Mississippi s’est dit prêt mercredi à dérouler le tapis rouge aux gros contribuables français voulant éviter l’augmentation des impôts promise par le président François Hollande. » Comme il est toujours préférable de se fier aux versions originales, nous sommes allés sur le site de Foreign Policy, où le gouverneur Haley Barbour déclare effectivement : « Le nouveau président socialiste français veut surtaxer les riches ? Mon message aux créateurs d’emplois qui fuient le nouveau régime (ces deux derniers mots en français dans le texte, ce qui est pour le moins tendancieux) : le Mississippi vous accueille. Nous devons la fondation de la première colonie européenne au Mississippi, Fort Maurepas, à l’explorateur français Pierre Le Moyne d’Iberville en 1699. Avec l’annonce récente (…) d’un plan pour surtaxer les plus riches en France, les Américains et les autres ne devraient-ils pas se tenir prêts pour une nouvelle émigration française, non pas faite d’explorateurs mais d’investisseurs et de chefs d’entreprises ? » La suite de l’article vire au pamphlet anti-Obama, ce qui est normal car Barbour est Républicain. Bien, outre l’emploi de formules malvenues (nouveau régime, nouvelle émigration) qui ravivent de douloureux souvenirs, de la part du gouverneur d’un État qui demeure parmi les plus pauvres du pays et qui fut le dernier en 1995 à interdire l’esclavage, le propos démontre combien les politiques peuvent ne pas s’embarrasser de scrupule et/ou d’éthique. En outre, s’il veut faire du Mississippi un paradis fiscal, il ne l’imagine sans doute pas dépasser les limites de Jackson, la capitale de l’État où il siège, il est vrai classée au troisième rang national des villes offrant le meilleur « Bang for the buck » (soit à peu près les plus profitables aux investisseurs). Car il ne doit pas souvent en sortir, ses connaissances en histoire-géo étant pour le moins lacunaires. En effet, Pierre Le Moyne d’Iberville n’était pas Français mais Canadien : il est né de parents français en 1661 dans une ville qui deviendra Montréal, sur un large territoire alors appelé Nouvelle-France et qui s’étendait jusqu’au golfe du Mexique. En 1699, il fonde effectivement Fort Maurepas, mais il ne s’agit pas de la première colonie européenne au Mississippi, la zone faisant alors partie de la Louisiane française… Quant à l’État du Mississippi proprement dit, il verra le jour en 1800 et entrera officiellement dans l’Union en 1817.

Daniel Léon