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Live reports / 23.09.2010

VOLCANIC BLUES FESTIVAL


Pascal Fouquet (The Boogiematics)

La charmante cité auvergnate du Mont Dore, au pied du Sancy, accueillait la 4e édition du Volcanic Blues Festival avec un programme musical riche concocté par Simon Boyer sous la houlette de Marie-Christine Dubourg, dynamique présidente de cet évènement.

Comme à l’accoutumé, la programmation fait la part belle aux groupes hexagonaux prouvant, si besoin était, la vitalité de la musique bleue dans notre pays. Impossible bien sûr d’assister à tous les concerts – ce qui engendre chez certains festivaliers un sentiment de frustration. Les groupes jouant souvent à deux reprises durant ces quatre jours de festivités, il est cependant possible de “jongler” avec les horaires pour espérer avoir un panorama complet de ce festival blues désormais reconnu à l’échelle nationale. La convivialité des lieux d’accueil (bars, restaurants…) de tous ces concerts gratuits apporte énormément à la renommée du festival.

Jeudi 23 Septembre

Julien Brunetaud & JB Boogie se produisaient en fin d’après-midi au bar-restaurant Le 1050. La première partie du set souffrit de l’absence de micro chant, mais la qualité du jeu virevoltant de Julien Brunetaud au piano n’en fut pas pour autant altérée. Dans un répertoire sachant judicieusement alterner blues à tempo moyen, blues lents, boogie-woogie (super solo de contrebasse de Thibaut Chopin), cette première partie se termina sur un instrumental jazz permettant d’apprécier toute la finesse du jeu de baguettes de Simon “Shuffle” Boyer. Micro voix installé, la seconde partie reprenait tambour battant sur un boogie échevelé, suivi d’un ballade d’Amos Milburn (Darling how long) à laquelle succéda Take a little walk with me de Robert Lockwood Jr, puis un nouveau boogie. Anthony Stelmaszack, toujours impeccable à la guitare assure une réplique parfaite au piano de son leader. Un shuffle suivi d’un boogie fut l’occasion pour Thibaut Chopin d’exprimer ses talents de chanteur-harmoniciste. Un mambo achevait ce set avant un rappel mérité dans une veine jazzy avec un final très ragtime.

Malheur aux retardataires pour la prestation en soirée de cette formation car il était quasiment impossible d’entrer dans le bar Le Petit Paris (chez Mimi) tant la foule s’était amassée dans cet établissement exigu, lieu incontournable de la scène musicale du Mont Dore.

Black & Blue Kings au Don Camillo, également en première partie de soirée, n’attira qu’une affluence modeste (concurrence entre les lieux ?), ce qui offrit aux danseurs la place nécessaire à leur évolution. Renaud Villet (guitare, chant) ne cache pas ses influences (Albert King en particulier) et assure sans faiblir son rôle de leader. Avec le soutien rythmique sans faille de Stéphane Mikaélian (batterie) et Olivier Pérez (basse), ce groupe local tourne rond et le public apprécie. L’harmoniciste Pascal Mikaélian rejoint le trio en cours de set, question de se faire plaisir… et de nous faire plaisir.


Renaud Villet (Black & Blue Kings)
 


Pascal Mikaélian et Olivier Pérez (Black & Blue Kings)

Juste le temps de rejoindre le Bar du Soleil pour la prestation des Nantais de Malted Milk qui débute par un instrumental. Dans un répertoire essentiellement tiré de leur dernier album “Sweet Soul Music” (2010) et de rares enregistrements antérieurs, mêlant compos à quelques reprises (de Johnny “Guitar” Watson notamment), le groupe confirme son statut de leader de la scène blues hexagonale actuelle avec un show très professionnel d’une grande efficacité. Ceux qui eurent l’occasion de voir la version “septet” pourront certes regretter l’absence des cuivres qui apportent sur scène un plus indéniable. Mais ne faisons pas la fine bouche et reconnaissons que la formule (même allégée) mise au point par Arnaud Fradin (guitare, chant) et ses compères est bien la formule gagnante, nous entraînant dans un soul blues funky de grande classe. Ovation méritée pour les cinq talentueux musiciens.

Le traditionnel bœuf final mit en valeur Thibault Ripault, jeune guitariste-chanteur du groupe bordelais Jumpin’ To The Westside et permit, aux côtés de Julien Brunetaud (piano), de s’assurer qu’Igor Pichon (bassiste de Malted Milk) n’avait rien perdu de son jeu de lead-guitar (avec Spoonful).


Arnaud Fradin et Yann Cuyeu (Malted Milk)


Igor Pichon (Malted Milk)


Thibault Ripault

Vendredi 24 Septembre

Dans le pittoresque restaurant La Grignote (un lieu à découvrir absolument) tenu par les non moins pittoresques et sympathiques Ange et La Môme, The Boogiematics se présentaient dans leur nouvelle configuration. Exit l’excellente chanteuse Agathe Sahraoui au profit de Tia Gouttebel (Tia & The Patient Wolves) dans cette formule trio délivrant un set plaisant au cours duquel se succédèrent des standards du blues, de Big boss man à Let’s rock'n'roll en passant par Oh, baby. Thomas Troussier à l’harmo joue tout en nuances tandis que Pascal Fouquet à la guitare nous offre quelques interventions dont il a le secret. Mais le groupe n’a désormais plus rien de comparable avec sa précédente version tant la voix chaude de Tia (et le répertoire qui lui est adapté) façonne cette formation à son image.

 
Thomas Troussier (The Boogiematics)


Tia (The Boogiematics)


Pascal Fouquet (The Boogiematics)

Impossible d’entrer dans le Café du Sancy tant la foule est dense pour assister au concert de  Stan Noubard-Pacha et son blues band. Ce ne sera que partie remise.

Direction le restaurant Le Puy Ferrand pour apprécier la prestation de Patrick et Steve Verbeke. L’occasion de découvrir quelques titres du CD “La P’tite Ceinture” (2010) réalisé par le duo père-fils – le 14e CD pour Patrick, excusez du peu ! Mêlés à des reprises (Louise, Catfish blues…) et à quelques titres plus anciens (dont l’incontournable De quoi j’vais m’plaindre aujourd’hui – 1992), ces nouvelles réalisations s’intègrent parfaitement dans ce set mettant en valeur le jeu d’harmo de Steve Verbeke et son talent de compositeur. Sa voix (à mon avis ici trop amplifiée) souffre malheureusement de la comparaison avec celle de son père, rocailleuse à souhait. Patrick Verbeke prenant son dobro pour quelques parties de slide et la prestation se terminait sur un Sweet home Chicago endiablé soutenu par un public enthousiaste. Un set un peu convenu dont le mérite fut de nous révéler quelques nouvelles perles de “french blues” dans cette étroite collaboration entre un père et son fils. Quelle émotion !


Steve & Patrick Verbeke

Fin de soirée au Bar du Soleil où Stan Noubard-Pacha présentait son tout récent CD, “Ready To Go” (2010), époustouflant sur la douzaine d’instrumentaux gorgés de feeling composant cet opus dont de superbes reprises de Freddie King (The stumble) et d’Albert Collins (Frosty). On connaissait Stan en sideman de luxe, mais son rôle de leader lui conférait ici une autre dimension. Avec Simon et Thibaut, ses amis indéfectibles à la rythmique, ainsi que François Fournet dont le jeu élégant et plus jazzy s’accorde fort bien avec celui de Stan, le quartet emballa la soirée sous les encouragements ininterrompus d’un public conquis.

 
Stan Noubard-Pacha


Simon Boyer, François Fournet, Thibaut Chopin

Le bœuf de fin de soirée débutait dans un style juke-joint aux influences Kimbrough-Burnside sous houlette de Lonj (guitare, chant) accompagné par le martèlement hypnotique de la batterie de Simon Boyer et l’harmonica très roots de Steve Verbeke. Un régal ! Puis se succédèrent, dans des styles différents, les guitaristes Anthony Stelmaszack, Thibaut Chopin, Yann Cuyeu (Malted Milk), Arnaud Fradin (Malted Milk), Tia (The Boogiematics), Thibaut Ripault et l’harmoniciste Thomas Troussier (The Boogiematics), tous accompagnés par la section rythmique de Malted Milk (Gilles Delagrange, batterie ; Igor Pichon, basse). Du beau monde pour ce final très enlevé !

 Samedi 25 Septembre

Multi-instrumentiste talentueux, Thibaut “El Pincho” Chopin (guitare, harmonica, chant) investissait en fin de matinée le bar Le Petit Paris (chez Mimi) avec sa formation Tee Bo and his Blues Rockers pour près de deux heures d’un apéritif-concert décoiffant devant un public dans la petite salle du bar… ou massé contre les vitres extérieures pour les moins chanceux. Avec les Blues Rockers, pas de surprise. On prend les mêmes (Simon Boyer, batterie ; Anthony Stelmaszack, basse ; Stan Noubard-Pacha, seconde guitare) et on recommence… dans un style adapté au leader du jour. Et c’est diablement efficace ! Dans un répertoire très classique empruntant beaucoup à Lazy Lester mais également à Slim Harpo et Billy Boy Arnold. Une prestation dynamique qui enchanta le public et se termina sur une reprise de Rockin’ Sidney. Rappel mérité avec un dernier morceau de Lazy Lester et ovation des aficionados d’El Pincho. A noter que Thibaut Chopin invita quelques guitaristes présents dans l’assistance à s’exprimer à ses côtés en seconde moitié de set, ainsi que l’excellent harmoniciste David Paquet sur un Long distance call (Muddy Waters) de haute volée.


Thibaut Chopin


Thibault Ripault, Simon Boyer, Thibaut Chopin, Anthony Stelmaszack

La brasserie Le Paris étant bondée, seules quelques bribes du concert associant Julien Brunetaud (piano, chant) à François Fournet (guitare) parvinrent à mes oreilles en fin d’après-midi. Mais de l’avis général, leur récital fut un succès.

Mon choix se porta donc sur le duo Lonj-Stelmaszack au restaurant Le Grand Nord pour un concert puisant essentiellement dans le répertoire Chicago blues des années 50-60. Les deux compères se connaissent bien pour avoir écumé ensemble les scènes bordelaises à leurs débuts. See see rider en guise d’intro avant d’enchaîner sur des reprises de Jimmy Reed, John Lee Hooker, Robert Nighthawk, Muddy Waters, Howlin’ Wolf, Little Walter et Snooky Pryor. Chantant et jouant de l’harmonica à tour de rôle, nos deux guitaristes nous offrent une prestation enthousiasmante de spontanéité, invitant le jeune guitariste Thibaut Ripault sur trois titres.


 Lonj et Anthony Stelmaszack

La Soirée de Gala dans la grande salle du Casino, après le traditionnel discours d’accueil de la présidente Marie-Christine Dubourg, proposait un programme alléchant avec le monument du blues français, à savoir Monsieur Benoit Blue Boy en personne accompagné de ses Tortilleurs dont le batteur Fabrice Millerioux omniprésent. Un style de blues aux influences néo-orléanaises et louisianaises, du swamp blues chanté dans la langue de Molière et soutenu par un harmonica très expressif et coloré, tel est le registre dans lequel Benoit Blue Boy, très en verve, donne le meilleur de lui-même au fil des titres égrenés, issus de ses différentes réalisations discographiques dont son dernier CD “Funky Aloo” (2010). Avec plaisir, nous laissons le bon temps rouler comme sur ce morceau de Zachary Richard… et ce jusqu’au rappel (Parlez-vous français ?). Du bon, du très bon Benoit Blue Boy ! Et d’excellentes interventions des guitaristes Stan Noubard-Pacha et Anthony Stelmaszack.

 
Benoit Blue Boy


Fabrice Millerioux


Thibaut Chopin

Petite pause avant de découvrir pour certains le facétieux pianiste britannique Mike Sanchez dans un show à la mesure du bonhomme… colossal ! Naviguant entre le jump blues de Louis Jordan avec Drew Davies au sax ténor et Jean-Marc Labbé au sax baryton, les influences néo-orléanaises de Fats Domino et le rock’n roll de Little Richard, Mike Sanchez se révèle une “bête de scène”, sachant se faire enjôleur ou haranguant le public sur des rythmes endiablés. On atteint des sommets avec une puissante interprétation d’un titre de Nappy Brown avant d’écouter un meddley plus ludique composé de clins d’œil à John Lee Hooker (Boom, boom, Boogie chillun), Slim Harpo (I’m a king bee), voire Led Zeppelin (Whole lotta love). Comment résister à cette invitation à la danse d’autant que la paire Thibaut Chopin-Simon Boyer n’était pas en reste, Pascal Fouquet intervenant pour sa part avec bonheur à la guitare. Standing ovation d’une salle comble… et comblée.

 
Mike Sanchez


Drew Davies et Jean-Marc Labbé

Pendant ce temps, Nina Van Horn (chant) et sa formation électrique, au sein de laquelle sévit le guitariste japonais Mar Todani, délivraient un blues très rock sur la scène voisine du Bar du Soleil, acclamées par les amateurs du genre. Le bassiste compositeur américain Marten Ingle se montra à son avantage dans ce quintet dont les claviers étaient tenus par Fabien Saussaye. A signaler que Nina Van Horn avait offert un premier concert acoustique très intimiste quelques heures auparavant à l’hôtel Le Panorama.

 
Nina Van Horn et Mar Todani


Marten Ingle et Fabien Saussaye

Le bœuf de fin de soirée mené par Julien Brunetaud au piano voyait le saxophoniste ténor Drew Davies tenir successivement la basse, puis la batterie tandis qu’Anthony Stelmaszack (guitare) alternait au chant avec Thibaut Chopin (quelque peu fatigué par ses trois prestations du jour) – Simon Boyer (batterie) et Marten Ingle (basse) donnant le coup de pouce nécessaire au bon déroulement de ce dernier concert nocturne des plus informel.

 

Dimanche 26 Septembre

S’il y avait bien un concert sur lequel il ne fallait pas faire l’impasse, c’était celui du groupe niçois Original Cosoleto Brothers en fin de matinée au Bar du Soleil. On ne les voit malheureusement que trop rarement hors de leurs bases et en particulier du Sésamo, club niçois où ils se produisent chaque mercredi. O.C.Brothers, c’est avant tout une voix (et quelle voix !), celle de son leader José Cosoleto qui partage la guitare avec Richard Peyrichon (également guitariste des Hoochie Coochie Men), tandis que Tony Cosoleto (batterie) et Dominique Cosoleto (basse) assurent une rythmique efficace, Tony nous délivrant un solo phénoménal sur ses fûts. L’influence de T-Bone Walker et d’Elmore James chez José est des plus évidentes, non seulement dans le choix des titres mais également dans l’approche de l’instrument. Si le répertoire proposé ici (en l’absence de leur habituelle section de cuivres) se révèle sans grande originalité (T-Bone shuffle, Shake your money maker, What did I say, Mannish boy…), il n’en demeure pas moins que l’interprétation généreuse de ces titres emporte d’emblée l’adhésion du public, prêt à s’enflammer sur Little Queenie (Chuck Berry) et les pas de canard esquissés par José Cosoleto. L’excellente compo Brother’s song, l’instrumental Pipeline (Dick Dale) et une belle version survitaminée de Slow down (Larry Williams) donnèrent un court aperçu de la qualité de leur CD live de 2009, “Boogie Ann Mary” (enregistré avec cuivres), que je ne saurais trop vous conseiller d’acquérir tant cette galette est un régal pour les oreilles. Le show se termine en apothéose sur Got my mojo workin’ en rappel. Fantastiques O.C.Brothers qu’il serait bon de voir et d’entendre en formation complète – tout comme Malted Milk – tant les cuivres prennent désormais de l’importance dans leurs orientations musicales respectives.

 
Original Cosoleto Brothers


Tony et Dominique Cosoleto


José Cosoleto


Richard Peyrichon (OCB)

Des cuivres, il y en avait justement en soirée pour le bouquet final sur cette même scène avec Drew Davies Rhythm Combo, normal me direz-vous puisque Drew Davies œuvre lui-même au sein de cette formation en sa qualité de saxophoniste ténor. Il était accompagné de Jean-Marc Labbé au sax baryton, de Fabien Saussaye aux claviers, de Pascal Fouquet à la guitare et de l’inamovible duo rythmique Thibaut ChopinSimon Boyer. Ça tourne fort bien dans un style jump blues dynamique typé années 50-60, musique festive à souhait pour un public enthousiaste toujours prêt à danser. Succès assuré auprès des festivaliers qui vivaient ainsi leur dernier temps fort d’un évènement musical riche et intense.

Se sont également succédés dans cette même soirée le duo LonjStelmaszack, O.C.Brothers et le traditionnel Volcanic Blues Band pour le bœuf de clôture. L’occasion d’entendre le saxophone soprano et la washboard de Christian Vaudecranne (musicien de nombreuses formations jazz et programmateur du Sancy Snow Jazz Festival).


Jean-Marc Labbé et Drew Davies


Christian Vaudecranne et Anthony Stelmaszack

Une 4e édition couronnée de succès qui fait le bonheur de sa présidente et de l’équipe organisatrice. Nul doute que le Volcanic Blues Festival 2011 saura encore nous surprendre et nous dévoiler quelques perles de la planète bleue.

Jean-Philippe Porcherot
Photos © Jean-Philippe Porcherot