Nice Jazz Fest 2024
05.09.2024
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Pourquoi postuler à un tremplin national de l’envergure de Blues sur Seine ? Pour obtenir l’un des trois prix convoités, ou pourquoi pas décrocher… les trois, comme Beauty and the Beast en 2012. Cette année, plus de 80 formations avaient tenté leur chance, et, comme d’habitude, six sont sorties du chapeau par les pré-sélectionneurs. Tâche ingrate que celle de dénicher les talents à la seule écoute de trois titres par artiste… Meilleurs sur scène qu’en studio ? Ils n’étaient hélas donc pas là aujourd’hui. Meilleurs en enregistrement que live ? C’est parfois encore le cas cette année, avec des “niveaux” assez différents selon les formations. Si chasser le trac et paraître sûr de soi n’est pas forcément un gage de qualité scénique, ne pas communiquer avec le public est une faute sanctionnée par le jury. Car la prestation scénique est aussi importante que la qualité musicale, à l’aune d’un barème “couperet”, dont certains jurés usent avec des appréciations tantôt délétères, tantôt dithyrambiques. Mais laissons là les arcanes des instances de décision, et intéressons-nous aux jeunes récipiendaires estampillés 2013, disparates mais intéressants sous bien des aspects…
Farlight
Leur musique au maillage serré laisse peu d’espace libre. Des musiciens surdoués mais surjouant leur musique, à l’image du clavier bavard et mixé haut, entourent une jolie chanteuse à la voix convaincante, aux intonations impliquées et au jeu de scène expérimenté. Le guitariste est brillant mais peu concis et manque de respirations. Du blues-rock, des notes dégoulinantes, du funk, des effluves jazzy : un répertoire brillant et clinquant, apprécié du public.
Wacky Jugs
Contractés et fébriles, ces trois Bretons n’ont pas convaincu. Contrebasse au son “tuba” du plus bel effet, mais harmonica bavard et guitare trop posée dénuée de passion, ce set acoustique manquait de liant. Roots-tinier… Quelques soudures seraient à revoir avant de revenir conquérir les cœurs et emporter les foules.
The Steady Rollin’ Men
Jeunes et sans complexes, look travaillé à la Yardbirds, belle cohésion d’ensemble : ce quartet est plus convainquant en situation que sur disque. La guitare solo est limpide et percutante, une agréable fraîcheur se dégage d’un set mi-blues-rock, mi-blues : un groupe qui cultive un bon esprit et sait le communiquer à un public qui en redemande. Le genre de formation qui justifie le mot “tremplin” par sa participation-même : ils promettent mais donnent déjà beaucoup. On en reparlera !…
Après une pause trop courte – on est aussi venu revoir des amis qu’on ne voit qu’ici ! –, c’est reparti pour trois sets inégaux.
The Swinging Dice
Jump-blues, guitare jazzy et juteuse, piano virevoltant, contrebasse ronronnante : exit les Little Big Band, Bluetones, Hoodoomen, New Line-Up et Lazy Buddies applaudis ici : c’est l’heure des Picards… qui ne laissent personne froid. Le toucher de guitare se fait tantôt jazz manouche, tantôt T-Bone, la voix claire du leader rappelle Ulf Sandstrom (Jump4Joy) : c’est du swing à toute épreuve, à l’ancienne mais au répertoire original. Le set est ramassé, le groupe est soudé, la chaleur de la scène se propage à la salle : bravo !
Red Beans & Pepper Sauce
Un set tonitruant ! Le gros du boulot est assuré par un excellent guitariste, qui insuffle à l’ensemble les ambiances variées du répertoire. La chanteuse à la voix haute et puissante n’a plus qu’à suivre… Un passage rappelait Ritchie Blackmore de Deep Purple. Shuffle, blues lent, funk : on sort le grand jeu sans temps mort. Un set très au point, ponctué d’un titre magistralement interprété au dobro. Retenus au tremplin de Cahors cet été, ils quitteront néanmoins Mantes bredouilles, surclassés par plus percutants qu’eux.
Cory Seznec
Sensibilité, délicatesse, métissage aux racines profondément ancrées dans la terre nourricière – l’Afrique : les musiciens livrent une musique simple dans le rendu mais sophistiquée dans l’interprétation. L’harmonica de David Chalumeau est au-dessus du lot, le contrebassiste est arachnéen, le percussionniste impassible paraît emprunté, mais le chanteur est habité et impliqué. Mention spéciale à la partie jouée au banjo. Les inspirations world surnagent au-dessus du blues ; seuls manquent la folie et le côté débridé d’une véritable musique de scène, par manque de corps et de chaleur.
Au final, une cuvée 2013 d’un assez bon niveau mais inégale, avec de bonnes surprises et cependant un constat en forme de questionnement qui s’amplifie chaque année : faut-il jouer du “blues” stricto sensu, ou métisser sa musique, pour s’attirer les faveurs du jury ? La réponse est entre les deux, et le répertoire importe au final assez peu. Il faut soigner son look, bouger, avoir le sens de la connexion au sein du groupe, maîtriser son instrument à la perfection et ainsi s’affranchir de la technique, communiquer avec le public (la salle était comble) mais surtout… être soi-même. Et c’est bien là l’essentiel : ne pas tricher est la seule manière de bien convaincre.
Marc Loison
Photos © Miss Béa
Palmarès 2013
Prix révélation Blues sur Seine 2013 : The Swinging Dice (région Picardie)
www.swingingdice.com
Prix “Club Mississippi” BSS : The Steady Rollin’ Men (région Rhône-Alpes)
www.facebook.com/TheSteadyRollinMen
Prix spécial OFQJ FestiBlues de Montréal: Cory Seznec (région Ile-de-France)
www.coryseznec.com
Les autres formations
Farlight (région Centre)
farlightfarlight.wix.com/farlight-official
Red Beans & Pepper Sauce (région Languedoc-Roussillon)
www.redbeansandpeppersauce.com
The Wacky Jugs (région Bretagne)
myspace.com/thewackyjugs