;
Live reports / 31.03.2017

Tinariwen

Au premier soir de leurs trois concerts parisiens à guichets fermés, c'est à la Maroquinerie que Tinariwen, groupe malien estampillé “blues-rock touareg”, avait donné rendez-vous à son public toujours croissant. Un choix de salle en forme de caution rock supposée peut-être conforter ce nouvel auditoire qu'a su conquérir depuis quelques années ces musiciens enturbannés et leurs guitares saillantes, indissociables de la rébellion touarègue qui secoue leur région depuis la fin des années 80.

En plus de trente ans d’existence, cette formation à géométrie variable, initialement épaulée par les membres du groupe français Lo'Jo, est passée du cercle de quelques férus de musique assouf aux grosses affiches et festivals de rock internationaux. On pouvait donc s'attendre à retrouver un public plus habitué à parader à Rock en Seine qu'au festival de musique gnaoua d'Essaouira. Et pourtant, la réalité de ce samedi soir aura eu raison de ma mauvaise langue et de mes a priori. C'est une faune hétéroclite, intergénérationnelle, multiculturelle et gentiment dissipée qui accueille les six membres du groupe présents ce soir-là. Autant de nanas que de types, d'étudiants que de cinquantenaires, de blouson de cuir (type perfecto) que de drapeaux touaregs fièrement portés autour des épaules de quelques gars qu'on entendra chanter pendant tout le concert.

Élégamment revêtus de costumes traditionnels, turbans et chèches par-dessus lesquels ils arborent leurs instruments, les membres du groupe (percussionnistes, bassiste, guitaristes et chanteurs) nous saluent comme si nous étions leurs voisins de paliers ou de vieilles connaissances. C'est donc sans cérémonial particulier, le regard souriant devant la salle bondée, qu'ils entament leur premier titre, une ballade dépouillée, langoureuse, aux résonances acoustiques.

La musique que propose le groupe qui chante principalement en tamasheq possède, comme dans certaines formes de blues, cet envoûtant pouvoir de vous emmener très loin avec des artifices très simples. Au programme : grilles d'accords sommaires, jeu de call and response, percussions lancinantes, quasi hypnotiques, et ces fameux riffs et arpèges de guitares qui les singularisent. Des guitares qui, hormis la basse, ne s'électrifieront qu'après une quarantaine de minutes de prestation, annonçant du même coup une accélération des tempos. Avec cette soudaine poussée sonore, j’espérais secrètement un allongement des morceaux, tant cette musique se prête à l'extension. Le souvenir des concerts de Tinariwen auxquels j'avais déjà assisté était profondément synonyme d'improvisation et de longues envolées. Mais ce samedi, les titres joués furent plutôt courts et peu éloignés du format dans lesquels ils sont interprétés sur album. Le temps de se prendre au jeu des boucles, qu'elles soient vocales ou musicales, de ces rengaines saturées qui vous plongent en quelques mesures dans un état cotonneux, que les morceaux se fondaient dans les applaudissements, youyous et concert de bravo. Même Sastanàqqàm, titre à la saveur de single extrait de leur nouveau “Elwan”, n'aura pas passé la barre des quatre minutes. Une petite heure et demie rappel compris, c'est peut-être le revers de médaille des tournées mondiales et albums qui se succèdent année après année.

Mais en bon fan de la première heure, je persiste et signe : Tinariwen, même en petite forme, reste un groupe qu'il faut absolument voir sur scène ne serait-ce qu'une fois dans sa vie… Sirocco musical assuré.

Jules Do Mar 

 


© DR