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Live reports / 01.12.2014

The Lost Tribe of Country Music

Après six éditions, le festival Aulnay All Blues qui fit tant parler de lui pour sa participation à deux disques nominés aux Grammy Awards (“Chicago Blues, A Living History” et “Still I Rise” par l'Heritage Blues Orchestra) n'est plus, victime de dissensions entre un de ses fondateurs, Mohamed Beldjoudi et la municipalité. La “Semaine du blues” qui le remplace a sensiblement réduit la voilure ne proposant que trois concerts. Le dernier, organisé le 22 novembre dans un théâtre Jacques Prévert archi-comble avait pour intitulé “The Lost Tribe of Country Music”. Produite par Larry Skoller, cette création originale, précédée de deux jours de répétition sur place, regroupait dix musiciens et danseurs. Le propos : rappeler que les origines de la musique country ne sont pas uniquement issues de traditions irlandaises et écossaises mais doivent également beaucoup aux populations noires et que le banjo – instrument considéré comme typiquement américain – vient en fait d'Afrique de l'Ouest. Ce que démontrait d'emblée Daniel Jetta, originaire de Gambie, appartenant à l'ethnie dioula, qui joue de l'akonting (ou écontine en français), ancêtre du banjo dont l'origine est clairement du côté de Banjul et de Zinguichor.

 

S'exprimant en français, le multi-instrumentiste James Leva, originaire des Appalaches, faisait office de maître de cérémonie. Outre Daniel Jetta, il était accompagné de sa fille Vivian, 16 ans, au chant, de Matt OlwellMatty Gordon et l'exceptionnelle Emily Oleson, trois danseurs/chorégraphes spécialistes du clogging et du buck dancing, indissociables des musiques que l'on entend du côté des Blue Ridge Mountains. Quatre musiciens complétaient le tableau : le mandoliniste bluegrass Danny Knicely, le bassiste Al Tharp (ex-Beausoleil), le jeune bluesman Jerron “Blind Boy” Paxton, et le zydecoman Cedric Watson (qui remplaçait au pied levé Rhiannon Giddens, la fondatrice des Carolina Chocolate Drops).

 

Ce qui n'aurait pu être qu'une soirée gentiment pédagogique et didactique fut littéralement transcendée par le talent exceptionnel de Paxton et Watson, deux jeunes pousses afro-américaines qui, dans la lignée des Choc Drops, s'intéressent aux racines noires des musiques populaires. Le premier qui n'a que 25 ans vient d'être couronné “meilleur bluesman de 2014” par le Village Voice de New York, ville où il réside actuellement. Né à Los Angeles dans une famille venue de Louisiane durant les années 50, il marche sur les traces d'un Taj Mahal et d'un Corey Harris et a fait la une de Living Blues pour un numéro spécial consacré à “The Next Generation of the Acoustic Blues”. Le second, né au Texas il y a 30 ans, est venu adolescent s'abreuver aux sources des musiques cajun et zydeco de Louisiane et développe un style très personnel, parfois à coloration antillaise. Par son charisme, son savoureux langage créole louisianais, sa maîtrise du violon, de l'accordéon diatonique et du banjo, il a mis le public dans sa poche, terminant le spectacle par une ronde endiablée de spectateurs venus danser sur scène sur l'air de “Tournent, tournent les Mardi Gras”.

 

Jean-Pierre Bruneau