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Live reports / 10.10.2012

The Dynamites feat. Charles Walker, Electric Empire

Deux immenses plaisirs auditifs pour le prix d’un. D’un côté, l’incroyable (n’ayons pas peur des mots) petit groupe qui monte sans vraiment crier gare, Electric Empire. Et de l’autre, l’une des grandes figures de la soul, Sir Charles Walker, accompagné par son band complice, The Dynamites. C’est l’affiche plus que généreuse que proposait le Chabada d’Angers aux éternels amateurs d’une soul furieusement addictive.

 

C’est d’abord le quatuor australien, fort d’un premier album éponyme savoureux, qui emboîte le pas de Charles Walker & The Dynamites. Ils sont quatre sur scène, et parmi eux, trois possèdent des voix (toutes très proches de celle de Stevie Wonder) capables de tenir la dragée haute à n’importe quelle diva pop ou R&B moderne à la note approximative. Jason Herrah donne toute son énergie à frapper sa batterie, tandis qu’Aaron Mendoza bichonne son clavier pendant que Dennis Dowlut laisse glisser ses doigts agiles sur sa guitare… Micros aux bouts des lèvres et instruments aux bouts de doigts, ces trois là assurent un jeu de passe-passe vocal continuel et intense des plus étonnants, pour (re)donner vie, et cela nous avait bien manqué, à une soul quasi-stratosphérique.

 

 
Jason Herrah

 

Dès l’entame du premier titre, à savoir le mélodieux Everything I am, une question jaillit : qui est le leader ? Les titres s’enchaînent et la question demeure. On pense détenir la réponse lorsque Dennis Dowlut, entonne le jouissif Brother. Mais la justesse des chœurs de Jason Herrah et d’Aaron Mendoza laisse déjà place au doute. Un doute qui se confirme rapidement lorsqu’Aaron Mendoza prend le relais sur l’énergisant Have you around. Et que dire lorsque le funky drummer Jason Herrah se met lui aussi à donner de la voix, tout en dynamitant sa batterie notamment sur I just wanna give it, pour faire encore monter la température ? Une température qui ne redescend pas, surtout lorsque la douceur et la chaleur de titres tels que Love ou Baby your lovin ou Then it’s over viennent compléter l’éventail de cette musicalité déjà bien brûlante. Si la question du leadership restera sans réponse, une chose est sûre toutefois, la complémentarité est parfaite. Chacun y va de son solo, chacun poursuit la note de l’autre. Parfois, on ne sait même plus qui est en train de chanter. Une impression d’imprévisibilité tant sur l’aspect vocal qu’instrumental. C’est incontestable, ces types savent autant groover qu’émouvoir. Pour le plus grand plaisir d’un public aux anges.

 


Dennis Dowlut

 


Aaron Mendoza

 


Jason Herrah

 

Charles Walker, lui, ne se fait pas prier. Juste quelques minutes pour remplacer les instruments et le taulier est déjà à la manœuvre. Et avec toute l’élégance qui le caractérise, s’il vous plait. Certes le performer arrive d’un pas chancelant, lié aux nombreuses décennies (sa carrière ayant débuté à la fin des années 50) durant lesquelles il a, dans l’ombre de géants comme James Brown et Wilson Pickett, tout simplement donner vie à la mouvance soul. Mais chancelant ne veut pas dire chant lent pour autant. Entre sonorités funk ultra-rapides, mélodies soul étincelantes et échappées psychédéliques, Charles Walker le “magnifique” montre l’étendue de sa maîtrise des grooves véloces, soignés, langoureux et aériens. Durant toute sa prestation, le patriarche donnera tout : sa voix, son charisme, son amour du public… Comme si le son pétillait dans ses veines.

 


Charles Walker

 


Leo Black

 

Les interactions sont multiples. Entre les membres de The Dynamites, d’abord. Entre Charles Walker et The Dynamites, ensuite. Entre Charles Walker & The Dynamites et le public, enfin. Toutes fonctionnent à plein régime. Les Dynamites s’écoutent, se répondent et s’effacent tour à tour (quand il le faut), pour laisser place au maître de la cérémonie. Do the right thing ouvre le bal. Même chancelant, le vieux loup n’hésite pas à improviser quelques pas chaloupés, porté par une orchestration de cuivres qui étirent des tempos nerveux. On pense alors que la fatigue va vite prendre le dessus, mais il n’en est rien. Le patriarche continue son tour de piste, jusqu’à ce que sa belle chemise rouge écarlate soit imbibée de sueur. Il faut dire que la plupart des morceaux joués ce soir-là, comme Somebody stop me ou Killing it s’y prêtent plus qu’à merveille. Le public suit d’ailleurs l’exemple du chorégraphe. Mais, lorsque la danse laisse place à la tendresse sur Love is only everything  ou Still can’t get  you out of my heart,  les couples s’enlacent et les autres se regardent d’un œil complice. L’alchimie est… parfaitement acheminée.

 

 

 

 

Un concert puissant, en forme de confrontation des générations, des langages et des nuances, qui a tenu toutes ses promesses. D’un côté, un groupe surdoué et ambitieux (et qui a bien raison de l’être), et de l’autre, l’un des patrons de la soul, tout simplement. Sincèrement ? Objectivement ? Musicalement ? Juste délectable !

 

Texte et photos Augustin Legrand