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Live reports / 17.09.2015

The Bad Plus + Supersonic

Dans le cadre d’une programmation ouverte jusqu’aux périphéries soul et hip-hop, le festival de jazz de la Villette proposait un après-midi consacré à des hommages rendus par des groupes contemporains à deux figures historiques du genre, Ornette Coleman et Sun Ra. Très différents dans leur approche musicale et dans leur relation au genre, les deux artistes ont pour point commun d’avoir défié tout au long de leur carrière l’orthodoxie du jazz.

En ouverture, c’est Supersonic, le groupe emmené par le saxophoniste et chanteur tout terrain Thomas de Pourquery (avec Laurent Bardainne au saxophone, Fabrice Martinez à la trompette, Arnaud Roulin aux claviers, Bruno Chevillon à la basse et Edward Perraud à la batterie), qui salue, comme sur son récent album, la mémoire de Sun Ra. Si le répertoire comprend essentiellement des compositions de celui-ci, le groupe en joue l’esprit plus que la lettre avec une prestation spectaculaire et sans temps morts, marquée par l’implication physique des musiciens – le batteur Edward Perraud, qui finira debout sur son instrument, semble littéralement possédé. Ne craignant ni les embardées rock, ni les clins d’œil funk – les bidouillages électroniques d’Arnaud Roulin font plus qu’évoquer les expérimentations de Bernie Worrell –, le collectif prolonge les intuitions de Sun Ra pour le XXIe siècle. Dommage que le cadre plus que compassé de la Philharmonie ne permette pas une interaction plus grande avec un public très sage et que la prestation soit limitée à une petite heure.

C’est ensuite aux Bad Plus de rejoindre la scène pour un projet spécial : l’interprétation dans son intégralité de l’album “Science Fiction” d’Ornette Coleman, publié en 1971 sur Columbia. Pour l’occasion, le power-trio (Ethan Iverson au piano, Reid Anderson à la basse et au chant et Dave King à la batterie) est renforcé de trois souffleurs expérimentés : Tim Berne au saxophone alto, Sam Newsome au saxophone soprano et Ron Miles à la trompette. Si le projet, quelques mois après le décès de Coleman, ne manque pas d’intérêt a priori, le résultat est fort peu convaincant. Les morceaux traînent en longueur – le concert est près de deux fois plus long que l’album original – et la démarche muséale – malgré quelques boucles et l’utilisation d’une batterie électronique – gomme toute la puissance de l’écriture de Coleman, d’autant que les solistes, qui jouent sur partition, peinent à s’inscrire dans les pas de leurs prédécesseurs : aussi compétent qu’il soit, Ron Miles n’atteint jamais l’inspiration et le charisme de Don Cherry, présent sur l’original. Sans être déplaisant, le résultat finit par produire un certain effet sédatif, qui n’empêche pas le public de saluer avec enthousiasme la performance.

Frédéric Adrian