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Live reports / 07.11.2016

The 3 Bob’s Blues

Le Jazz Club Lionel Hampton eut la bonne idée d'accueillir pour deux soirées consécutives un beau plateau Chicago blues composé de Bob Stroger à la basse (Willie Kent, Otis Rush, Carey Bell…), Bob Margolin à la guitare (membre du Muddy Waters Band durant sept ans et à la tête d'une solide discographie solo) et Bob Corritore (l'un des harmonicistes les plus doués de la scène actuelle et infatigable défendeur de la note bleue), complétés du sympathique et compétent Simon “Shuffle” Boyer à la batterie, bien connu des amateurs puisqu'on le retrouve régulièrement – et c'est tant mieux ! – derrière les têtes d'affiche américaines de passage dans la capitale.

 



Simon Boyer

 


Bob Stroger, Bob Margolin

 


Bob Corritore

 

Porté par des conditions d'écoute excellente (une habitude au Méridien) et un public venu nombreux, le concert fut un régal, joué avec passion par des musiciens blanchis sous le harnais (Stroger affiche 85 ans au compteur, Margolin 67 et le plus jeune des trois, Corritore, a déjà rejoint la soixantaine, même s'il en fait facilement dix de moins) qui, s'ils n'ont plus rien à prouver, s'amusent toujours autant à jouer leur blues. Agissant en tant que maître de cérémonie, Bob Margolin, guitariste complet (chorus de slide brillants et rythmiques roboratives – je ne le savais pas autant adepte des syncopes) confirma son statut d'excellent chanteur à la voix grave et vibrante. Bob Stroger aligna avec swing d'efficaces lignes de basse mais c'est quand il s'empara du micro qu'il saisit la salle par son charisme, son accent à couper au couteau et sa joie d'être (encore) là. Quant à Bob Corritore, il fut ce soir-là, à mon sens, le plus remarquable des trois. Quel sound, quelle présence, quelle intensité ! Sa technique, constamment mise au service de la musique, lui fait raconter une histoire à chaque solo. Surtout, il a cette qualité rare – le sens du timing – qui lui permet de savoir quand ne pas jouer ; savoir sortir la bonne phrase au bon moment pour générer un impact maximal. Son éternel sourire vissé aux lèvres, tout entier plongé dans le morceau, il prit visiblement autant de plaisir à chorusser qu'à écouter ses camarades qu'il ne cessa d'encourager tout au long du show.

 



Bob Stroger, Bob Margolin

 


Bob Margolin, Bob Corritore

 

Au final, trois sets copieux dont les meilleurs moments furent les suivants :

– Judicieusement positionnée en ouverture, Goodnight (tirée de l'excellent dernier album de Bob Margolin, “My Road”) donne l'occasion au guitariste de se chauffer les doigts sur un entrelacs de rythmiques en finger picking (il joue avec un onglet de pouce) et de belles parties de slide.

You gotta move chanté a cappella par Bob Stroger et délicatement accompagné par Corritore qui en profita pour jouer non-amplifié.

– Un hommage bien venu à Junior Parker (Stranded).

St James Infirmary, un poil brinquebalant rythmiquement mais joué avec beaucoup d'émotion par Corritore.

– Un deuxième set qui débuta de manière inattendue lorsque Bob Margolin fit mine de recevoir un appel de Muddy Waters (« Muddy vous passe le bonjour – il a le dernier iPhone ! – et nous demande de vous interpréter deux de ses morceaux ! » Blow wind blow, Same thing). Le pseudo coup de fil sembla donner un coup de fouet à l'orchestre qui monta soudainement en intensité et en niveau sonore (le Deluxe Reverb de Margolin crépitait d'aise sous les coups de boutoir de sa Telecaster élimée). Où qu'il soit actuellement, le vieux patron n'a visiblement rien perdu de son autorité ni de son exigence car il rappela Margolin à la fin des deux titres pour lui dire que : « Bon, c'était pas mal mais enfin, ça geignait quand même un peu trop ! »

– Un blues lent plein de fierté signé Bob Stroger (« My name is Bob Stroger, they can call me anything they choose, well you can call me what you want, but my real name is the blues. »)

 



Bob Margolin

 


Bob Stroger

 

– Un bœuf assez délirant pendant lequel le groupe fut rejoint par Sherry Margolin (pianiste, sœur de Bob) et son mari Chief Udoh Essiet (percussionniste, beau-frère de Bob) pour un What I'd say bien funky.

– L'inénarrable Juke littlewalterien, proposé par Corritore et accepté à l'unanimité par les trois autres.

– Un double hommage au Wolf et à Hubert Sumlin via Shake for me, drivé par la rythmique rumba de Simon Boyer qui sut réagir au quart de tour lorsque le facétieux Margolin vint intercaler au milieu de la chanson une partie ternaire totalement inattendue.

 


Chief Udoh Essiet

 


Sherry Margolin

 

En bref, une excellente soirée, chaleureuse, conviviale, parsemée de plusieurs moments de grâce qui démontrèrent, si besoin était, que le blues de Chicago n'a rien perdu de son pouvoir de fascination.

Ulrick Parfum
Photos © J-M Rock'n'Blues
(Plus de photos ici)

 


Bob Stroger, Bob Margolin, Bob Corritore