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Live reports / 04.10.2022

Son Little, La Maroquinerie, Paris

16 septembre 2022.

Et dire qu’on avait espéré que ça se tasse rapidement. Suffisamment pour qu’on puisse aller applaudir Son Little à Paris le… 30 mars 2020. Deux ans et demi après, cette date a bien eu lieu. Émotion particulière, donc, quand à 21 h pile le voilà qui foule les planches d’une Maroquinerie affichant complet et bien mise en condition par le set folk soul blues du talentueux Christopher Paul Stelling. 

Muni d’abord d’une guitare sèche et paré d’un improbable combo bob-kimono, Son Little s’avance seul sous les projecteurs. À contre-pied des entrées fracassantes, il prend tout son temps pour délivrer Gloria puis Bend yr ear, deux pièces soul intensément recueillies, nichées dans son tout nouveau “Like Neptune”. Chant cabossé, toucher économe qui vise juste : Son le taiseux nous tire par le bras en allant à l’essentiel. 

Bien sûr, il n’avait pas oublié d’apporter aussi dans ses valises “Aloha”, l’album précédent, celui pour lequel cette tournée avait été montée à l’origine. Ainsi suit Suffer, entamé en solo et rejoint à mi-chemin par la grande surprise de la soirée, un nouveau groupe, ou plutôt un tandem qui d’emblée révèle une redoutable efficacité. À droite Steve McKie, batteur attentif et tranchant qui n’hésite pas à recourir à quelques pads pour élargir sa palette sonore. À gauche DeShawn “D’Vibes” Alexander, tout sourire dans son t-shirt Yoda et incroyablement à l’aise pour manipuler la force, celle de ses trois claviers qui lui permettent tant. Épais tapis de basse, rythmiques et gimmicks en tout genre, courts solos enflammés, le tout nourri par une culture funk (et p-funk) bien palpable. 

On l’entend par exemple glisser un bout du Cosmic slop de Funkadelic à la fin d’une mesure, mais surtout on ressent bien comment lui et son complice aux baguettes peuvent offrir un nouveau visage à certaines compos de leur patron. Notamment ce Mahalia qui bascule sans prévenir dans un groove hip-hop méchamment exaltant. La chanson est bien là, mais différemment mise en lumière. L’un des grands atouts de Son Little qu’on a pu largement constater à nouveau ce soir. Pas de redite appliquée, mais une généreuse liberté d’approche pour mieux triturer son répertoire désormais copieux. Si bien que même en une bonne heure quarante il n’y avait pas la place pour le fameux Your love will blow me away when my heart aches par lequel tout avait commencé en 2014. 

Du EP initial, il y aura The river, pour conclure sur une touche plus rock qui rappelle son tout premier concert parisien. Et avant cela une succession de chansons marquantes qu’on se plaît à redécouvrir, piochées dans ses trois premiers LP. Les hymnes grisants Hey Rose et Blue magic, évidemment, mais aussi O me o my, l’irrésistible Neve give up et une version haletante de The middle

Même en étant prévenu, on n’échappe pas non plus à sa prodigieuse faculté de suspendre le cours du temps avec un enchaînement de perles nommées Lay down et Mad about you. Zéro superflu, une tranquillité fluide et encore et toujours cette musicalité habitée qui par ses épines transperce le cœur. Mine de rien un (très) grand concert. 

Texte : Nicolas Teurnier
Photos © Wilfried-Antoine Desvaux

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