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Live reports / 03.09.2014

Rock en Seine

Implanté depuis maintenant onze ans, Rock en Seine a réussi à se faire sa place au sein de la cartographie des festivals rock majeurs au niveau européen. Si – à la surprise générale – le rock occupe la majeure part de la programmation, les artistes proches des centres d’intérêt de Soul Bag y ont bien souvent trouvé leur place, avec la participation au fil des années de India.Arie, Amp Fiddler, Kelis, Macy Gray, Robin McKelle ou des Roots. Avec entre autres à l’affiche Gary Clark Jr., Janelle Monáe et Selah Sue, l’édition 2014 ne manquait pas à cette excellente habitude.

De passage sur le site du festival le dimanche, c’est tout d’abord la dimension du lieu – 120 000 personnes sur trois jours – et la qualité de l’organisation qui impressionnent, tout comme un volume sonore assez éloigné du raisonnable.

Côté musique, impossible d’approcher de la toute petite scène sur laquelle se produit Jeanne Added, la chanteuse et violoncelliste bien connue des amateurs de jazz (entendue notamment avec Batiste Trotignon et Pierre de Bethmann). Dommage, car le peu qu’on en entend de l’extérieur est prometteur, dans un registre chanson rock.

On tente de se consoler avec Selah Sue, qui se produit sur la grande scène. Hélas, le manque de charisme de la jeune chanteuse, qui peine à occuper l’espace à sa disposition, et le coté rentre-dedans de son orchestre empêchent d’être emportés par une artiste qui, pourtant, ne manque pas de charme lorsqu’elle se débarrasse de ses musiciens le temps d’un titre seule à la guitare. Le fait qu’elle profite de l’occasion pour présenter les nouvelles chansons d’un album à venir ne facilite pas non plus les choses.

 


Selah Sue © Sylvere Hieulle

 

Aucun problème de ce côté pour Janelle Monáe, dont on peut regretter, vu l’ampleur de son show, qu’elle n’ait pas été programmée sur la grande scène (inconvénient largement compensé par la proximité que cela permet !). Pas de grand changement quant au spectacle, à peine réduit par le format festival et un cadrage horaire strict (tout juste une heure). Conduite sur scène sur un chariot et revêtue d’une camisole de force, miss Monáe s’en libère bien vite pour un numéro explosif reposant essentiellement sur des titres de son dernier album, parmi lesquels Q.U.E.E.N. et Electric lady, auxquels s’ajoute un hommage pas très original mais parfaitement exécuté à James Brown (I feel good) et évidemment le tube de l’album précédent, Tightrope.

 


Janelle Monáe © Victor Picon

 


Janelle Monáe © Victor Picon

 

Mais au-delà du répertoire, c’est la prestation scénique de Monáe – toujours accompagnée d’un excellent orchestre bien mis en valeur – que l’on retient : impossible de savoir où elle va chercher l’énergie qu’elle dépense tout au long de son set ! Si certains déplorent le côté un peu mécanique de son spectacle – compensé à mon sens par son entière implication –, impossible de lui résister lorsqu’elle décide de traverser la scène en moonwalk, de simuler une chute pour se faire réanimer façon slapstick par ses choristes ou de faire asseoir un public qui répond à chacune de ses sollicitations ! Au final, c’est carrément dans la foule qu’elle plonge pour quelques minutes de surf portée par des spectateurs aux anges. Le tout, combiné à quelques clins d’œil bien amenés à la grande tradition afro-américaine du spectacle – la cape à la James Brown, l’échange scatté avec le public à la Cab Calloway… – confirment la place majeure de Janelle Monáe sur la scène soul contemporaine, et on ne peut que se réjouir du choix de Rock en Seine de permettre au public rock de la découvrir.

Frédéric Adrian

 


Janelle Monáe © Victor Picon