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Live reports / 30.12.2022

Robert Finley, La Boule Noire, Paris

22 novembre 2022.

Après avoir fait faux bon à ses admirateurs parisiens avant l’été, Robert Finley leur donnait rendez-vous à la Boule Noire, dans le cadre de sa seconde tournée française de l’année et la salle – beaucoup plus petite que le Trabendo initialement prévu – est pleine à craquer pour l’accueillir. 

En première partie, la soul francophone très pop des Vogs, sous influence yéyé et mod, paraît un peu légère, même si tout est bien joué, par rapport à ce qui suit. Alors que son dernier album le présentait dans un contexte instrumental relativement copieux, avec des cuivres et des claviers, c’est avec un simple trio qu’il appelle l’International Platinum Band (Shane Boeker à la guitare, Aaron Goodrich à la batterie et Jonathan Shoemaker à la basse) que Finley se présente, renforcé par la présence au chant (et au tambourin !) de sa fille Christy Johnson. Après un court instrumental introductif, c’est appuyé sur l’épaule de celle-ci que le chanteur rejoint la scène. Si ses problèmes de vue – il est quasiment aveugle – lui interdisent de se déplacer seul, ils n’impactent pas sa présence sur scène, et il n’hésite pas à se lancer dans quelques pas de danse et dans des gestes plus ou moins suggestifs. 

C’est avec Sharecropper’s son, le morceau titre de son dernier album, qu’il ouvre le show. Dépourvue de ses arrangements cuivrés d’origine, la chanson, qui repose évidemment sur la vie de Finley, ne perd pas sa puissance dans ce format plus restreint qui permet au chant de se déployer plus largement et donne à l’ensemble une tonalité racinienne plutôt accrocheuse, parfois à la limite du “garage blues” qui avait fait la réputation il y a quelques années de Fat Possum. Medecine woman, issu du disque précédent, continue dans la même lancée, avant que la ballade Souled out on you vienne un peu ralentir le tempo. Entamé en falsetto par Finley, le morceau, sur lequel il bénéficie de l’appui vocal de sa fille, monte progressivement en puissance avec un jeu habile de tension-détente, l’interprétation habitée du chanteur faisant oublier les cuivres qui habillaient l’original. Précédé d’une anecdote autobiographique, Three jumpers passe très bien, avant que Finley revienne à son premier album avec la chanson-titre, Age don’t mean a thing, suivi par un autre extrait du même disque, I just want to tell you, qui a plus qu’un lien de proximité avec le (I wanna) Testify des Parliaments. 

C’est ensuite à Christy Johnson d’occuper le premier plan, tandis que son père s’assoit sagement en fond de scène, pour une belle version de I’d rather go blind, joliment enchaînée avec le plus inattendu Tennessee whiskey façon Chris Stapleton. Comme sur le disque, I can feel your pain, précédé par une déclaration d’amour au public (« I may not see your faces but I can feel the love »), est intégralement interprété en falsetto, mais ce qui passait en studio ne rend pas aussi bien sur scène, d’autant que Finley reproduit l’exercice un peu plus tard sur Holy wine. Après un court sermon sur le fait de vivre chaque jour comme si c’était le dernier, Finley se lance dans Get it while you can. Cela ne fait qu’une cinquantaine de minutes qu’il est là, mais il s’en va déjà, toujours appuyé sur l’épaule de sa fille. 

L’orchestre continue à faire tourner le morceau, et Finley, rappelé avec enthousiasme par un public sous le charme, revient vite. Cette fois-ci, c’est l’orchestre qui quitte le plateau. Assis seul en scène, armé d’une guitare que lui a installée sa fille, Finley lance un « this is the blues! » enthousiaste avant d’entamer un long morceau racinien qu’il ne semble pas avoir enregistré et au cours duquel il explique avec beaucoup d’humour et de sous-entendus pas toujours très fins mais très amusants « pourquoi il a le blues ». S’il ne rivalisera probablement pas avec Joe Bonamassa en ce qui concerne le jeu de guitare, il démontre ici un sens du storytelling “à l’ancienne” particulièrement réjouissant, qui évoque le style d’un Lightnin’ Hopkins. Il serait d’ailleurs intéressant de l’entendre enregistrer dans ce registre qui lui va très bien.

L’orchestre le rejoint pour le très dynamique Louisiana rock, également absent de ses disques mais qu’il joue régulièrement en concert depuis plusieurs années. Si Finley quitte à nouveau la scène après ce morceau, le public n’est pas tout à fait d’accord et continue à le rappeler bruyamment, au point de le convaincre de revenir à nouveau alors que la lumière de la salle est déjà rallumée ! Il est un peu tôt dans la saison pour les chansons de Noël, mais son Merry Christmas, I love you constitue un beau point final pour un concert tout à fait réussi, qui donne envie de réentendre régulièrement Finley sur les scènes françaises.

Texte : Frédéric Adrian
Photos © Frédéric Ragot

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