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Live reports / 13.07.2019

Rahsaan Patterson, Bizz’Art, Paris

5 juin 2019.

C’est tout simplement l’un des meilleurs chanteurs de ces vingt dernières années. Et son retour sur des scènes européennes après une trop longue absence fait beaucoup de bien. Comme un vibrant rappel des effets euphorisants d’un véritable orfèvre vocal à une époque saturée de concerts qui s’appuient plus ou moins lourdement sur du prémâché servi par l’ordi. « Je préfère chanter pour vous que pour vos téléphones », précise d’emblée Rahsaan Patterson à la traditionnelle marée d’écrans brandis, avant de nous inciter à être dans l’instant présent. 

Tenue sobre et décontractée, courte barbe grisonnante, le chanteur quarantenaire dégage une sagesse rayonnante et applique de bonnes vieilles recettes. À commencer par le soutien d’un groupe de tueurs capable de le suivre dans l’exposé d’un répertoire qui bien souvent sur scène s’étire et s’envole. Un guitariste au touché fluide et précis (Paul Murray),un claviériste au diapason (Marc Morrison)et un tandem rythmique alerte, capable d’appuyer méchamment le groove sous l’impulsion d’un Joey Grant qui s’éclate à faire danser les graves de sa Fender. Sans oublier que Rahsaan ne se déplace jamais sans choristes, autre atout déterminant avec la présence de Ra-Re et de la fidèle Trina Broussard. De quoi être à la fête le long d’une setlist qui s’étend du tout nouveau Catch me when I fall au fameux Stop by, puissante chanson funk aussi imparable qu’en 1997 lorsqu’elle propulsait Patterson en haut de la vague neo soul.

Paul Murray, Ra-Re, Marc Morrison, Trina Broussard, Rahsaan Patterson, Jermaine Whyte, Joey Grant

De son nouvel album “Heroes & Gods”, Patterson interprète aussi Sent from heaven, ballade effectivement divine, et sa relecture appliquée du Don’t you know that de Luther Vandross, champion tout compte fait peu célébré. Le reste puise dans ces quatre premiers albums, le chanteur mentionnant comme à son habitude le millésime avant de s’élancer : Where you are, Spend the night, Can’t we wait a minute, Stop breaking my heart, Friend of mineI always find myself, Feels good… Autant de valeurs sûres qui donnent lieu à de beaux échanges entre Patterson et ses choristes (ah! ses « why did you do it » sur Friend of mine…) et/ou à de juteuses variations d’intensité d’un groupe investi corps et âme (le savoureux déroulé de Can’t we wait a minute qui prend son temps, monte haut et atterrit en douceur). 

Au centre, les yeux clos, une main tatouée posée en haut de la poitrine, le maître chanteur caresse des graves et décroche des aigus étoilés. Patterson déploie sa science du dosage et nous embarque au pays des modulations ciselées, là où les syllabes en voient de toutes les couleurs et charrient une foule d’émotions. Un tour de chant palpitant par un talent précieux… Puisse-t-il se faire moins rare ces prochaines années.

Texte : Nicolas Teurnier
Photos © Frédéric Ragot

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