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Live reports / 04.04.2017

Rag’n’Bone Man

Situation rare pour l’amateur de concerts soul et blues, habitué à devoir “expliquer” les artistes qu’il va applaudir : avec le succès de Human – la chanson puis l’album –, le nom de Rag’n’Bone Man, un des artistes au sommaire du dernier numéro de Soul Bag, est connu du grand public. Pour son premier concert après la parution de son album, après une date discrète au Trabendo il y a quelques mois, c’est donc une foule dense et fervente, aux profils et âges très divers, qui attend la vedette de la soirée dans un Elysée Montmartre complet depuis plusieurs semaines.

Solidarité de label oblige, c’est une jeune chanteuse américaine, Betti, qui ouvre la soirée. Située par le bla bla promotionnel « entre Ella Fitzgerald et Amy Winehouse » – ce qui lui laisse de fait une certaine marge –, celle-ci semble viser, avec sa pop légère sous influence vaguement jazz, la clientèle de cette dernière. Sa courte prestation, une vingtaine de minutes, peine à convaincre : mal accompagnée par un trio bruyant (qui plus est desservi par une balance médiocre), visiblement peu habituée à la scène, sa voix acidulée sous influence Ronnie Spector – la référence plus ou moins discrète de nombre de chanteuses, dans la lignée d’Amy Winehouse – ne parvient pas à transcender un répertoire plutôt banal.

 


Betti

 

À peine les lumières éteintes, Rang’n’Bone Man fait son entrée sur scène sans cérémonie. Seul, armé d’une guitare et de sa voix, il ouvre sa prestation par une belle version de Saint James Infirmary qui témoigne de la réalité de son ancrage dans la soul et le blues, avant d’être rejoint par ses musiciens – il abandonne sa guitare dès la fin du deuxième titre – pour s’attaquer au répertoire de son nouveau disque qui constitue évidemment le cœur de son répertoire.

 


Rag'n'Bone Man

 

 

 

S’il confirme sans ambiguïté ses capacités vocales, le passage à la scène ne permet cependant pas à Rag’n’Bone Man de retrouver la puissance de “Human”. Étonnamment peu charismatique, il reste la plupart du temps derrière le pied de son micro et ne semble prendre possession de la scène dans son ensemble que vers la fin du show. Mais c’est au plan des arrangements, éléments majeurs de la réussite de l'album, que la situation est la plus problématique : les quatre musiciens et la choriste anonymes qui entourent le chanteur s’avèrent incapables d’en restituer la complexité, malgré l’utilisation de bandes enregistrées, notamment pour les chœurs. Le résultat est une uniformisation de l’accompagnement, qui enlève beaucoup de leur singularité aux chansons. Si des titres comme The fire ou Your way or the rope gardent leur puissance, d’autres sombrent dans une certaine banalité.

 

 

 

Sans surprise, c’est la version dépouillée de Skin – clavier et voix – qui constitue le point fort du concert. Point d’orgue attendu de la soirée, Human est accueilli par des cris de joie et la levée d’une foule d’appareils électroniques en tous genres – des tablettes pour filmer, vraiment ? –, mais l’interprétation en pilotage automatique de Rag’n’Bone Man – je le plains sincèrement s’il est déjà las de la chanter ! – en limite l’impact. C’est à nouveau seul, cette fois a cappella, qu’il clôt le concert avec Die easy et son entêtant refrain gospel, avant que deux titres en rappel viennent mettre un terme à une prestation un peu courte – à peine une heure et quart tout compris – qui n’a pas vraiment retrouvé la magie du disque.

Frédéric Adrian
Photos © Fouadoulicious