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Hommages / 19.04.2021

Paul Oscher (1950-2021)

L’harmoniciste Paul Oscher est décédé le 18 avril des suites de la Covid-19, une triste nouvelle qui éclaire d’une lumière poignante les posts rassurants qu’il donnait pourtant sur son état ces derniers jours via sa page Facebook. En vérité multi-instrumentiste puisqu’il jouait aussi de la guitare, du piano et de l’accordéon, c’est surtout comme harmoniciste qu’il est entré dans l’histoire en étant le premier harmoniciste blanc à intégrer l’orchestre de Muddy Waters à partir de 1967 et jusqu’en 1972.

Né en 1950 à Brooklyn, New York, il commence à jouer de l’harmonica à 12 ans et se produit trois ans plus tard avec un certain Little Jimmy Mae. Muddy Waters le recrute en 1967 et il enregistre avec lui dès 1968. Le dernier disque auquel il participe avec Muddy, le fameux “Live At Mr Kelly’s” enregistré en juin 1971, est cité par de nombreux harmonicistes comme source d’inspiration. Peu de temps après, il quitte l’orchestre de Muddy. La meilleure trace de cette époque est peut-être le film du concert de Copenhague en 1968 où il magnifie sa présence scénique, déjà forte, par une somptueuse mèche sur le front.

Ses premières faces personnelles se font en 1975 sous le surnom de Brooklyn Slim sur la compilation “New York Really Has The Blues, Volume 1” publié sur le label Spivey, propriété de la chanteuse du même nom Victoria Spivey.

Par la suite, s’il enregistre régulièrement, Paul Oscher ne le fait qu’avec une relative parcimonie, accentuant son image de reclus du blues. Il ne manque pourtant pas d’amis comme en témoignent les disques “The Deep Blues Of Paul Oscher” (Blue Planet, 1995) avec Sax Gordon Beadle, Dave Maxwell et d’ex-compères de l’orchestre de Muddy Waters, et “Knockin’ On The Devil’s Door” (Viceroy, 1995, paru peu après le disque précédent mais en fait enregistré avant) où on retrouve Dave Maxwell mais aussi Michael “Mudcat” Ward, Willie “Big Eyes” Smith et surtout Steve Guyger pour des duos d’harmonica de toute beauté. Les deux se retrouveront en 1999 sur le disque conjoint “Living Legends Deep In The Blues” (Blues Leaf, 1999). Il ne faut pas manquer non plus “Alone With The Blues” (Electro-Fi, 2001, incluant une face de 1993) où, malgré le titre, il est accompagné d’autres musiciens sur plusieurs titres.

Il faut enfin guetter ses apparitions sur diverses compilations avec des inédits, comme sur “House Rockin’ And Blues Shoutin’” (Blue Witch, 2006) ou “Christmas Blues” (Electro-Fi, 2012). En 2010, il publie le single Chitlins con carne avec Rick Estrin et Kid Andersen qui vaut d’être recherché. Il apparaît aussi avec Big Bill Morganfield en 1999, Hubert Sumlin en 2003 (avec Eric Clapton, Keith Richards et Levon Helm) ou avec Lavelle White en 2019.

À l’harmonica, il était à l’évidence influencé par Little Walter, mais aussi par Sonny Boy Williamson, avec des nuances terriennes plus perceptibles dans la deuxième partie de sa carrière. C’était également un des rares harmonicistes à jouer de l’harmonica-basse. Lorsqu’il utilisait un porte-harmonica pour en jouer en même temps que la guitare, il y scotchait un micro bullet, et était capable de jouer dans cette configuration en développant des solos complexes, une capacité rare alors que la difficulté de l’exercice contraint plutôt à faire des solos simples.

Texte : Christophe Mourot (avec l’aide de Thomas Troussier)
Photo d’ouverture © André Hobus

Cognac Blues Passions 2005. © Brigitte Charvolin
Christophe MourotPaul Oscher