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Live reports / 26.12.2022

Nantes In Blues, deuxième semestre 2022

Encore un semestre bien rempli dans les nombreux lieux musicaux de Nantes et ses alentours. Nous avons déjà parlé de la majorité des groupes qui y ont joué, aussi n’insisterons-nous pas dans certains cas, sauf pour souligner la qualité constante de leur musique, des évolutions marquantes ou la singularité du lieu. Nous sommes à Nantes, les groupes ont beau porter des noms différents, ils partagent souvent leurs membres, il est donc aussi intéressant de mentionner les participations croisées.

Le 10 septembre, nous sommes au Parc de Sèvre à Vertou, tout près des écluses, pour écouter Stomp Stomp qui joue en plein air dans un événement local dédié aux danseurs. Un groupe de rock a officié juste avant et, quand Stomp Stomp apparaît, les danseurs spécialisés dans le swing prennent possession de la piste. Par rapport à la formation qui a fait la tournée des Batignolles aux Rendez-Vous de l’Erdre, on note la présence supplémentaire de Quentin Mauduit au trombone. Le chant élégant de David Avrit, le piano agile d’Irina Leach, les instruments à vent de Thomas Croguennoc, Frank Beel et donc Quentin Mauduit, la contrebasse professorale de Jeff Vincendeau, tout est de qualité et les danseurs en profitent.

Le 16 septembre, le Zygo Bar accueille les Deluxe Presidents. Le trésor caché, et décontracté, du blues électrique nantais est un plaisir dont il ne faut pas se priver. Puisant toujours aux sources d’un blues électrique aussi bien sudiste que chicagoan, ancien ou récent, le groupe démontre son érudition en même temps que son talent, avec Fred Le Baron à la guitare et au chant, Sami Touré à l’autre guitare, Thomas Troussier à l’harmonica, Yann Renoul à la basse et David Avrit à la batterie. En fin de concert, Julien Broissand apparaît à la guitare et au chant, et Thibaut Chopin à la basse et au chant.

Le 17 au même endroit, c’est la réapparition historique de Bad Mules avec Denis Agenet à la batterie et au chant, Julien Broissand à la guitare et au chant, Philippe Gautier à l’orgue et Félicien David au saxophone. Comme toujours avec Denis et Julien, le répertoire est cultivé avec des reprises de Johnnie Bassett, Little Walter, Louis Jordan, Wynonie Harris, et des compositions de qualité.

Le 24 septembre voit la deuxième édition de la Oudon Blues Party organisée par le chanteur harmoniciste Gaël Roul, leader des Mockingbirds, au bout de son jardin à Oudon, proche des bords de Loire. Il serait trop long de citer tous les musiciens et chanteurs des deux sexes présents ce soir-là mais une bonne partie de la scène nantaise est visible, malgré des absents notoires, et il est aussi plaisant de revoir ou découvrir des gens moins connus comme Daniel Maerten, Julien Leray ou Cécilia Chefgros. Les Mockingbirds ouvrent la scène avec quelques morceaux et c’est ensuite une longue et belle jam session animée par Kévin Doublé qui se déroule jusqu’à la nuit tombée, avant de partager un chili con carne agrémenté d’une sauce piment particulièrement vivifiante.

Retour au Zygo Bar le 28 pour un concert du “Legendary Blues Band” local à savoir Stagger Lee avec Arnaud Fradin à la guitare et au chant, Thomas Troussier à l’harmonica, Max Genouel à la guitare, Miguel Hamoum à la basse et Hugo Deviers à la batterie. Le groupe ne fait pas tellement varier son répertoire, ils ne se réunissent sans doute pas assez souvent pour cela, mais il y a suffisamment de talent autour des micros et des amplificateurs pour donner des interprétations systématiquement prenantes avec des moments exceptionnels comme sur la reprise de I’m the one de Gary Primich dont les solos et le final sont tout simplement énormes.

Début novembre, le 5, nous découvrons le bar-rhumerie Maïna de Sucé-sur-Erdre avec les Mockingbirds. Le toujours meilleur groupe de blues sudiste de l’ouest joue la musique qui va bien pour accompagner les verres de rhum préparés par une spécialiste derrière un bar bien achalandé. Le groupe, Gaël Roul (vo, hca), Pierre Dubigny et Nicolas Deshayes (g), Yann Renoul (b), Cyril Durand (dm), a ses héros, que l’on retrouve plusieurs fois dans son répertoire, comme Clifton Chenier, Lazy Lester, Slim Harpo, mais enrichit le set avec des reprises d’Earl King, James Harman, Omar Kent et d’autres encore.

Le 17, le Zygo Bar est l’écrin d’un enregistrement en public pour l’émission de radio nantaise Prun’ de Blues. Le groupe parisien Touch Of Groove est de passage. On a parlé d’eux ici lors de leur passage aux Rendez-Vous de l’Erdre en août précédent et au Montfort Blues Festival (le lendemain de cette soirée au Zygo Bar). Leur soul blues prend une couleur et une chaleur particulière dans la proximité offerte par l’espace réduit du Zygo Bar et la température monte gentiment.

Ils sont précédés par le duo Velvet Road formé par Ivy Fof au chant et Bruno Denis aux claviers. Nina Simone, Ruth Brown, Etta James, Ray Charles, Sam Cooke, Dinah Washington, sont revitalisés vocalement par Ivy et musicalement par Bruno qui fait des prouesses avec son clavier, qui lui sert d’orgue, de piano, de contrebasse, de basse électrique, séparément ou en même temps, le tout dans l’unique but de développer de l’ambiance et du feeling. Impressionnant !

Du 24 au 26 novembre, le festival Culture Bar-Bars s’empare des bars et des pubs de Nantes, sur un territoire de plus en plus étendu. Parmi les dizaines de concerts proposés, il faut comme à l’habitude faire un choix. Nous sommes chauds après l’excellent concert de GA-20 la veille au Ferrailleur (lire le live report ici) et nous commençons avec les Backdoormen en duo au Macallan. Thierry Gauthier (g, vo) et Fabrice “Riice Fab” Leblanc (hca), ont courageusement bravé la pluie qui vient de s’abattre sur Nantes pour proposer un set de blues acoustique avec des reprises de Howlin’ Wolf, Sonny Boy Williamson n° 2, Reverend Gary Davis, John Lee Hooker, R.L. Burnside, et des compositions, en projetant une énergie rageuse rentrée qui accroche et donne envie de les voir en quatuor électrique.

Nous partons ensuite au Buck Mulligan’s pour voir le Blues Organ Combo de Julien Broissand à la guitare et au chant, Bruno Denis à l’orgue et Gabor Turi à la batterie. Nous les avons déjà vus, toujours avec plaisir, mais c’est la première fois avec Gabor Turi derrière les fûts et les cymbales. Classe, érudition, swing, solos délectables, spectacle captivant des mains de Gabor, c’est avec regret que nous reprenons la marche pour profiter d’Arnaud Fradin & his Roots Combo qui passent au Zygo Bar. On se répète forcément mais c’est une évidence que de penser que ce groupe est GRAND et a tout pour réussir au-delà du cercle des amateurs de blues. Talent, entrain, appropriation des reprises, beauté de la musique, on est fier d’être fan et chanceux de pouvoir les voir régulièrement dans ces conditions.

Le vendredi soir, nous prenons un verre au Graslin de Folie en écoutant les Bushmill’s Papa’s, groupe d’amateurs confirmés qui interprètent un répertoire éclectique avec quelques morceaux relevant du blues. Ainsi préparés nous retournons au Buck Mulligan’s pour voir Mess Around, un quatuor qui ressemble beaucoup au duo Velvet Road avec une section rythmique, et pour cause, puisqu’on reconnaît Ivy Fof au chant, Bruno Denis aux claviers, augmentés d’Arnaud Gobin à la guitare et Gabor Turi à la batterie. Comme son nom le laisse supposer, le répertoire de Mess Around est garni de titres de Ray Charles, mais aussi Nina Simone, et bien d’autres encore. On se délecte du chant d’Ivy Fof, des solos d’orgue de Bruno Denis et guitare d’Arnaud Gobin, et, comme la veille, de la batterie de Gabor Turi. Un moment cool avec de belles tensions détentes.

Le samedi sera plus compliqué car la foule est de sortie et il faut lutter pour écouter quelques morceaux des Royal Premiers à la Duchesse, et y revoir Ivy Fof au chant, Franck Royal à la basse et leurs complices habituels, avec toutefois un nouveau saxophoniste, ou des Electric Dukes au Buck Mulligan’s, avec Jakez Rolland, Nicolas Deshayes, Arnaud Gobin et Cyril Durand.

The Mockingbirds

Sont-ce les effets de la Coupe du Monde de football ou des premiers frimas qui arrivent avec décembre, toujours est-il que c’est un public malheureusement clairsemé qui a rejoint le Buck Mulligan’s le jeudi 1er décembre au soir pour y écouter une formation qui a su se construire une belle réputation dans le foisonnant paysage du blues hexagonal. Avec son rockin’ blues énergique et viscéral, Lucky Pepper ne va cesser, tout au long de la soirée, de justifier cette réputation. Autour de Geoffrey Lucky Pepper, chanteur-guitariste-harmoniciste incisif et inspiré, on retrouve une équipe soudée, complice et décontractée avec les impeccables Julien Lacombe à la basse et Rémi Puglisi à la batterie sans oublier JP Cardot au piano. L’intégration récente de ce dernier donne d’ailleurs au son du groupe une belle épaisseur, lui ouvrant de nouvelles perspectives. Si quelques reprises bien ciblées (Bony Moronie de Larry Williams, Shot down de Nick Curran) viennent l’agrémenter, la majeure partie du répertoire est composée d’originaux très convaincants issus de l’album ”Rock’n’Roll Attack !” de 2019 mais également de titres appelés à figurer dans le prochain opus du quartet prévu courant 2023 comme le touchant Look out the window ou le délicieusement swampy Southern belle. De quoi donner envie de suivre une formation qui aura prouvé tout au long des deux sets proposés qu’elle le mérite amplement ! (Nicolas Deshayes)

En cette fin d’année, Max Genouel propose une Texas Blues Revue avec lui-même à l’harmonica et au chant, Thibault Ripault à la guitare, Julien Bouyssou à l’orgue et Hugo Deviers à la batterie. Sans surprise, le moment a été à la hauteur des attentes tant les quatre musiciens ont donné une leçon de talent, de classe et de décontraction. Celles et ceux qui n’ont pu assister au concert donné le jeudi au Buck Mulligan’s ont pu se rattraper le vendredi au Balkabar et le dimanche au Zygo Bar. Le répertoire proposé pioche chez Freddie King (Lonesome whistle blues), Johnny Guitar Watson (Gangster of love), Lonnie Mack (formidable relecture du The man in me de Bob Dylan), Jimmie Vaughan (Boom papa boom, Can’t say no) et The Fabulous Thunderbirds (Why get up, Runnin’ shoes, One’s too many).

Hugo Deviers et Julien Bouyssou tissent un impeccable canevas sur lequel les solistes trouvent un formidable terrain d’expression. Impressionnant de facilité, de créativité et riche d’un vocabulaire qui semble illimité, Thibault s’affirme toujours plus comme un guitariste hors norme. Quant à Max, proprement bluffant à l’harmonica, il démontre les énormes progrès accomplis au niveau vocal, en témoigne ses interprétations soulful de The man in me évoqué plus haut ou de Teardrops on your letter emprunté à Hank Ballard. Aussi bien le vendredi que le dimanche, de forts recommandables acteurs de la scène nantaise (Fabrice Bessouat, Jakez Rolland, Ronan Le Huludut, David Avrit, Yann Renoul…) sont invités à jammer, Miguel Hamoum assurant même à la basse une grande partie du deuxième set au Zygo Bar. Si l’on devine que les contraintes calendaires des uns et des autres obligeront cette Texas Blues Revue à rester éphémère, on espère que la chance se représentera d’assister à nouveau à la réunion de tels talents ! (Nicolas Deshayes)

Pendant ce temps à Saint Nazaire, Colfax anime la soirée du 16 décembre au Trou du Fût. Ces vétérans du blues connaissent leur affaire et mêlent un répertoire évolutif de reprises, Robert Johnson, Albert Collins, Bull Moose Jackson, Arthur Crudup, T-Bone Walker, et d’autres encore, et d’originaux écrits par le guitariste chanteur Laurent Bougerolle.

Ce fut un semestre bien rempli avec des formations pour la plupart déjà vues, mais un plaisir toujours renouvelé, grâce à leur talent musical. On mesure la chance d’avoir une scène locale si vivante.

Texas Blues Revue © Cyril Durand

Textes et photos : Christophe Mourot, avec Nicolas Deshayes, et Cyril Durand

Christophe MourotNantes in Blues