Doechii, L’Alhambra, Paris, 2024
07.11.2024
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Le weekend est le grand moment des Rendez-Vous de l’Erdre avec le plus grand nombre de concerts, à Nantes, dans les villes de l’Erdre, et même au-delà, la parade nautique, et toutes les autres animations. Pour son grand et vrai retour en centre-ville de Nantes, le festival enregistre une affluence impressionnante, le public étant particulièrement nombreux dès le vendredi soir. Il fait beau, il y a de la musique partout, on peut se restaurer, se désaltérer, se promener, admirer la vue, c’est la belle fête collective avant la rentrée des classes.
Le samedi commence à 11 h au parc du Plessis Tison avec le quartet Swing Of France. Thomas Le Briz à la guitare, Erwan Mellec à l’accordéon, Erwan Salmon au saxophone et Arnaud Gobin, pigiste à la contrebasse, proposent un joli réveil, oui c’est encore l’heure, à base de jazz, swing, teinté de musette et aussi de blues, abrités du soleil par de grands arbres, et avec en fond sonore des cris d’enfants qui courent ou pataugent dans le bassin. C’est virtuose, cool, contagieux, c’est bien.
Il faut ensuite retourner à l’Ile Versailles pour le lancement du tremplin blues à 15 h avec Touch Of Groove. Letty M au chant, vaillante malgré une jambe blessée, Sylvain Lansardière aux claviers, Paco Guegan à la guitare, Pascal Diouf à la basse et Olivier Marchevet à la batterie, font très bien le travail avec des reprises d’Aretha Franklin, des Isley Brothers, et autres, dans une proportion qui paraît plus importante que sur leur disque, mais ils n’oublient pas d’en interpréter de bons moments. Chant et instruments sont au niveau, le public est déjà nombreux, ça part bien.
VW Project leur succède, groupe multinational venu de Pologne avec Valentina Vatutina au chant, Andrzej Waśniewki aux claviers, George Dyer à la guitare, Marcin Spera à la basse et Bartłomiej Libera à la batterie. Blues et soul blues sont au programme, portés par la belle voix de Valentituna, dont l’attitude toute en retenue ne cache pas le charisme, et la qualité musicale de ses quatre compères. Junior Wells, Aretha Franklin et Jimmy Witherspoon passent par là et c’est de bon goût.
Ce sont An Diaz & Yokatta Brothers qui vont clore cette première après-midi de tremplin. An Diaz au chant, et Argentine d’origine, Manuslide à la guitare et l’harmonica, Stéphan Bihan à la contrebasse, Julien Mahieux à la batterie, emballent le public grâce au dynamisme d’An et à la joie de jouer du groupe. Blues rapide ou lent, moderne ou ancien, reprises bigarrées de Saint James Infirmary ou Barefootin’, An chante tout sans efforts et établit un très bon contact avec le public. Le groupe suit, c’est un succès. (CM)
Pendant ce temps-là et juste après sur la péniche France Bleu…
L’exercice du showcase n’est jamais chose évidente. En une vingtaine de minutes, devant une audience baignée par le soleil et bien vite conquise, Thomas Allain, alias Little Tom, mêlant tout à la fois l’assurance du jeune loup et l’expérience du vieux briscard, relève le défi haut la main ! Aussi à l’aise pour répondre aux questions de France Bleu que pour narrer ses souvenirs d’une insomnie new-yorkaise en guise d’introduction à Sleepless in New York, il propose ici, accompagné d’un groupe toujours pertinent dans ses accompagnements, six compositions dans lesquelles on retrouve les influences de Bob Dylan ou Tom Petty. Les perspectives dans un futur très proche de nouvelles options instrumentales et de l’enregistrement d’un album permettront assurément au talentueux Little Tom Band de passer encore un cap.
Et si les String Breakers avaient tout simplement livré, à l’occasion de cette trente-quatrième édition des Rendez Vous de l’Erdre, l’une de leurs toutes meilleures prestations sur une scène de cette ampleur ? Il est 19h30, juste après le passage de la flotte de bateaux sur l’Erdre, quand les premières notes retentissent et une foule généreuse a pris place sur les pavés du quai Henri-Barbusse pour assister au concert d’une formation qui, du haut de sa quinzaine d’années d’existence, s’est progressivement imposée comme l’une des valeurs sûres de la scène nantaise. Pour l’occasion, Yves Brouillet à la trompette, Nicolas Le Potier au trombone et Alexandre Nouhaud au saxophone viennent renforcer le quintet habituel composé de Laurence Le Baccon au chant, Sami Touré à la guitare, Vincent Blivet à la basse, Patrick Billion aux claviers et de Jérémy Royer à la batterie.
Emmené par une leadeuse solaire, débordante d’énergie et de vitalité, le groupe propose un set délicieusement soulful où l’on retrouve notamment des titres de Tower Of Power, du Tedeschi Trucks Band ou d’Ann Peebles et apparaît libéré comme jamais. Le fait de bâtir une partie non négligeable de son répertoire autour de ses propres compositions n’y est sans doute pas pour rien. Sweet camelia ou It’s a weird time, notamment, prendront bientôt vie sur disque puisque les String Breakers entreront en studio durant l’automne pour y enregistrer le successeur de “Get On Your Feet”, paru il y a tout juste dix ans. Nul doute que ce second album fera l’objet d’une attention particulière de la part de Soul Bag. (ND)
Il est temps de se rassembler au pied de la grande scène pour l’événement de la journée. Depuis une quinzaine d’années, la scène blues des Rendez-Vous de l’Erdre a accueilli des pointures comme Jimmy Johnson, Corey Dennison, Sugar Ray Rayford, Curtis Salgado ou encore Raphael Wressning. Pour cette édition 2022, on touche au sublime puisque Rick Estrin & The Nightcats sont proposés au public ligérien*. Les premières mesures donnent le ton et permettent de rapidement prendre conscience que l’on assiste à un évènement marquant et mémorable dans la riche histoire du festival. Mêlant habilement classiques du temps de Little Charlie Baty comme Clothes line ou Don’t do it et titres plus récents dont un splendide Callin’ all fools, les Nightcats, au-delà de leurs incroyables compétences musicales, font montre d’un sens du show sans commune mesure dans le milieu.
Mises en place millimétrées, nuances et enchaînements redoutables et inattendus : tout coule le plus naturellement du monde ! Autour de Rick Estrin, chanteur atypique, harmoniciste d’exception et personnage cartoonesque à la démarche rappelant Sonny Boy Williamson II, le guitariste Kid Andersen survole les débats, n’hésitant jamais à casser les codes pour mieux y revenir, D’Mar bondit, roule des yeux et assure le tempo avec une énergie peu commune quand le christique Lorenzo Farrell, ancien bassiste reconverti en organiste, assure le liant avec un flegme qui n’a d’égal que le talent. Un moment d’anthologie ! (ND)
Le dimanche commence à 12h30 au blues brunch sur l’Ile Versailles avec Little Tom Band. Il y a du monde pour écouter Thomas Allain et ses boys, Ben Bridgen aux claviers, Arnaud Gobin à la contrebasse et Cyril Durand à la batterie. Tout a déjà été dit plus haut. Une musique de cette qualité, dans un cadre aussi agréable, c’est parfait pour lancer la journée.
C’est vite le temps de reprendre le cours du tremplin avec, dès 14 heures, avec Johanna Red et son gang, Kid Colling à la guitare, Ben Weiss à la basse et Joan Massing à la batterie. Johanna a du punch et le montre vite. On est séduit par son engagement, bien secondé par la guitare incisive de Kid Colling, excellent sur Rock me. Les reprises de Proud Mary et Respect sont peut-être convenues, mais l’ensemble reste solide et crédible.
Solide, le groupe Blues Maker l’est aussi et sa constitution avec les deux guitares de Fred Gilabert et Don Francky, l’harmonica de Jeff Goodwater, la basse de Mighty Fred, la batterie de Fab Trovato et le chant de Jo Mahier, en atteste. Blues rock très rock, en filiation moderne de Dr. Feelgood, gros son, reprises et compos, les six compères ne s’en laissent pas conter et envoient du lourd.
Sophie Malbec est la dernière candidate du tremplin 2022 et ses premières notes, bluesy à souhait, font instantanément du bien. Accompagnée par Pierre Capony à l’harmonica, Pierre Gibbe à la basse et Julien Audigier à la batterie, elle montre vite qu’elle joue et chante bien le blues mais n’hésite pas à en étendre les frontières en prenant une guitare acoustique pour une reprise de Bruce Springsteen. (CM)
Le jury se réunit ensuite pour délibérer et annoncer les résultats :
Les prix spéciaux :
Pendant ce temps-là, à Sucé-sur-Erdre…
Trop rares dans nos contrées, pas question, donc, de laisser passer l’opportunité de voir une seconde fois les quatre Californiens Rick Estrin & the Nightcats dans le week-end ! On pourrait penser, à tort, que le spectacle au cordeau proposé par Rick Estrin et ses hommes laisse peu de place à l’improvisation et aux changements. Rallongeant d’une bonne vingtaine de minutes le set de la veille, les Nightcats réussissent à se renouveler, gratifiant le public de quelques titres différents dont un swinguant Diamonds at your feet. Une nouvelle fois, l’excellent instrumental House of grease donne l’occasion à D’Mar de taper sur tout ce qui se trouve à sa portée. Micro, cordes de guitare, barrières de sécurité, enceintes : rien n’échappe aux baguettes de ce batteur hors-norme forgé par dix-sept années aux côtés de Little Richard ! L’impayable Don’t do it en final, avec un numéro hilarant du duo Estrin-Andersen, donne immédiatement envie de se propulser du côté de Mécleuves où le groupe se produit six jours plus tard. Du grand art !
À peine le temps de se remettre de cette tornade qu’il faut filer à Nantes pour assister au dernier concert de cette édition sur la scène blues, à savoir Ivy Ford accompagnée des forts recommandables Denis Agenet à la batterie, Abdell B.Bop à la contrebasse et Jean-Patrick Cosset à l’orgue. Sont-ce les effets de la fatigue bien légitime liée à la fin de tournée ? Toujours est-il que, devant un public venu très nombreux pour un dimanche soir, la prestation proposée par la jeune chanteuse-guitariste de Chicago met du temps à décoller…
Ivy a pourtant de réels arguments à faire valoir : un jeu de guitare des plus convaincants et surtout une voix remarquable, à l’aise dans bien des registres. Mais, il faut l’admettre, le choix de titres trop rabâchés comme Dust my broom, Shake your moneymaker et surtout Let the good times roll en ouverture et Sweet home Chicago en clôture déçoit. Regrettable d’autant que l’on découvre çà et là dans son répertoire de très bons titres signés de sa plume tels One life to live, Harvesting my roots ou Time to shine. De belles promesses pour une artiste qu’il conviendra de revoir dans d’autres circonstances et débarrassée de choix faciles. (ND)
Voici donc une très belle édition, qui a comporté de nombreux autres concerts de jazz mais aussi de blues, en particulier à Sucé-sur-Erdre avec Muddy Gurdy, Guilty Delight, La Bedoune, Ivy Ford, Little Mouse & the Hungry Cats, et à Carquefou avec Thomas Doucet & the G-Lights et Alexis Evans, et des événements nautiques multiples, dans des lieux qu’on retrouvait et d’autres qu’on découvrait avec le même plaisir. Nul doute que l’édition 2023 apportera encore son lot de surprises.
Texte : Christophe Mourot (CM) et Nicolas Deshayes (ND)
Photos : J-M Rock’n’Blues et Christophe Mourot
Photo d’ouverture © J-M Rock’n’Blues
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*La venue de Rick Estrin & the Nightcats a été possible grâce à une collaboration avec Nico Vallone, directeur artistique du festival Mécleuves Terre de Blues, qui a lieu une semaine après les Rendez-Vous de l’Erdre.