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Live reports / 26.03.2019

Nantes in Blues, décembre 2018-février 2019

Il se passe toujours quelque chose à Nantes et ses alentours, le défi étant de rendre compatible son agenda non musical avec tous les événements proposés.

Entre les fêtes de fin d’année, c’est le groupe Heebie Jeebies qui anime la soirée du 27 décembre 2018 au Dynamo. Eric Chambouleyron à la guitare et au chant, Julie Mellaert au violon et au chant, Vassili Caillosse, à la guitare et au banjo, Miguel Hamoum à la contrebasse, interprètent un répertoire country boogie, bluegrass et western swing, puisé aux meilleures sources, Louvin Brothers, Hank Penny, Jimmy Martin, Hank Williams, Bill Monroe, Willie Nelson, Elvis Presley, qu’ils mélangent avec goût à des morceaux issus du rhythm and blues et du blues, Wynonie Harris, Lead Belly, Georgia White, Paul Williams. N’oublions pas que c’était une pratique courante dans les années 1950 d’échanger les chansons entre deux mondes a priori distincts. Le label King s’en était même fait une spécialité avec des reprises croisées entre Bullmoose Jackson, Moon Mullican, Hank Penny, Wynonie Harris, ce qui permettait de tirer le maximum des droits d’auteur.

Eric Chambouleyron chante le tout efficacement, d’une voix bien posée, tout en marquant le rythme à la guitare et distillant quelques beaux solos. Vassili Caillosse apporte diversité et couleur à la guitare, au banjo et à la lap steel, tandis que Julie Mellaert se révèle délicieuse au violon, avec des interventions judicieuses et des solos pleins de swing, notamment sur la reprise de Uncle pen. Elle chante aussi en chœur avec Eric ou en solo. N’oublions pas Miguel Hamoum dont la contrebasse métronomique et l’attitude impassible sont dans le ton.

Le 19 janvier 2019, le Zygo Bar accueille la nouvelle formation Keepin’ Red, avec Igor Pichon à la basse, Yann Cuyeu à la guitare, Richard Housset à la batterie et David Allain au chant. Le calibre des trois musiciens l’annonce, ça devrait être funky ! Et c’est bien comme ça que ça se déroule avec des reprises notamment de Bobby Byrd, des riffs dans lesquels Yann Cuyeu excelle, des rythmes dansants à la basse et la batterie, avec quelques solos et duels bienvenus, et des promesses au chant qui pourrait être plus affirmé.

Le 23 janvier, retour au Dynamo pour les Pathfinders. On retrouve Igor Pichon à la basse, avec Max Genouel à la guitare et Hugo Deviers à la batterie, pour soutenir la chanteuse Lilou Hornecker. Le groupe est affûté et s’appuie sur le répertoire du nouveau disque à paraître officiellement en mai. Des reprises, Muddy Waters, Ike & Tina Turner, Percy Mayfield, mais de plus en plus d’originaux, le tout unifié dans ce que le quatuor appelle lui-même “rockin’ soul”, une expression qui dit bien ce qu’elle veut dire : puissance, entrain et beaucoup d’âme. On aime la cohésion d’ensemble, les automatismes, le son et le tranchant de la guitare, la batterie parfois tribale, la basse qui ronfle et la voix volontaire.

Changement de ton le 25 janvier avec Nuca Swing au Bal Pop. Laurence le Baccon au chant, Yves Brouillet à la trompette, Alexandre Nouhaud au saxophone, François Nicolleau à la guitare, Fabrice Chaussé à la contrebasse et Sven Michel à la batterie, pratiquent un joli swing tout droit venu de Jimmie Lunceford, Fats Waller, Louis Armstrong, Ella Fitzgerald, Duke Ellington, et consorts, sans forcément de limitation temporelle, et c’est très bien comme ça, les très nombreux danseurs présents témoignant de l’attrait toujours vif que cette musique a aujourd’hui.

La voix de Laurence allie placement, douceur, grain, et puissance sous contrôle, les trompettes d’Yves Brouillet sont claires, affirmées, avec de la réserve, le saxophone d’Alexandre Nouhaud est dans le ton mais devrait être plus présent dans la balance globale, la guitare de François Nicolleau est impeccable en rythme avec de bons solos, et la rythmique fournit la base swing adéquate. Tout ceci est apaisant et donne envie d’écouter les orchestres de swing de la grande époque, quand musique et chant étaient faits pour la danse.

Le 1er février est une soirée d’abondance, de celles qui ne nuisent pas, avec les Royal Premiers au Point Bar et Chessmud à la brasserie du SNUC (Stade Nantais Université Club, il y a de la musique partout à Nantes !). Les Royal Premiers emballent le public en deux minutes, comme d’habitude, et cette fois-ci dans un Point Bar fort sympathique et bien rempli. Ivy Thessalonia au chant, Yann Jaffiol à la guitare, Stéphane Vinet au saxophone, Jeff Gaboriau au trombone, Franck Daniel à la basse, Olivier Caille à la batterie, et le nouveau Royal Guillaume Zeller aux claviers, leur complicité et joie de jouer sont agréables à voir.

Le son est puissant, Guillaume Zeller est déjà bien dans le coup, les instrumentaux qui tuent sont là, Twine timeCurtains, les piliers aussi, Boogaloo #3Voodoo working36-22-36My baby likes to boogalooet d’autres encore, et les nouveaux titres du disque à venir sont alléchants (voir la chronique dans Soul Bag n° 234), avec la nouveauté qu’on attendait sans jamais avoir osé la demander : I’m sad about it, un beau blues lent repris à Lee Moses. Le groupe l’avait en lui, ça sort enfin !

À la brasserie du SNUC, c’est l’heure du deuxième set de Chessmud. Que de talent ! Marco Cinelli est un vrai leader charismatique, cultivé blues et soul, doué musicalement et vocalement. Avec un trio de cadors qui répond au quart de tour, Damien Cornélis au clavier, Igor Pichon à la basse et Hugo Deviers à la batterie, c’est le top. Comme d’habitude, Marco parle au public avec beaucoup d’humour, son accent italien rajoutant au charme de ses paroles.

Le répertoire mélange blues et soul, originaux, comme la ballade Dark eyes, et reprises de Johnny Guitar Watson, superbe I want to tata you, Al Green, Aretha Franklin, ou Prince. La reprise de Chain of fools est très funky, avec un duo basse guitare très soudé, des échanges très chauds entre l’orgue et la guitare, un solo de batterie et un final emballé façon gospel. Damien Cornélis est encore étincelant à l’orgue sur le solo de Kiss. Le rappel se fait avec un Give me back my wig bien balancé. Les frissons durent encore bien après la fin du concert.

Le 12 février, l’émission radio Prun’ de Blues fait son “live” dans les locaux du magasin de musique Hurricane Music à Vertou. Avec Francis Rateau et moi-même aux micros, Arnaud Fradin et Jacques Julienne au son, Patrick Pineau à la vidéo, c’est une organisation qui tourne et qui accueille Ronan Onemanband & Marko Balland puis les Bar Room Preachers. Auréolé de sa place en finale de l’International Blues Challenge à Memphis, Ronan élargit son périmètre en commençant à jouer avec Marko Balland à l’harmonica. L’assemblage de leurs deux personnalités puissantes est prometteur, les morceaux de Ronan, issus de son disque “Lonesome Wolf”, le titre éponyme et aussi Death letter blues ou Too tired, prenant ainsi une nouvelle dimension. Voix de rogomme, guitare souvent slide, batterie aux pieds, ça balance, et l’harmonica, avec pédales d’effet de temps à autre, est un très bon complément.

Les Bar Room Preachers s’affirment plus à chaque sortie. Daniel Maerten, voix, guitare, harmonica, Nicolas Deshayes, guitare, Laurent Charbonnier au piano, Arnaud Gobin, basse, et Jérôme Boisneau, batterie, le groupe est solide dans son blues électrique, depuis les années 1950 et 1960, Sonny Boy Williamson n° 2, Magic Sam, Freddie King, jusqu’à nos jours, Charlie Musselwhite, Joe Louis Walker, avec la nouveauté de quelques originaux alléchants. Talent musical, son, la base est solide, il ne reste plus qu’à débrider le chant et la présence sur scène pour confirmer le tout. Le final verra Arnaud Fradin croiser le manche avec Daniel et Nicolas. Il se passe toujours quelque chose à Nantes !

Texte et photos : Christophe Mourot

 

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