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Chroniques / 01.11.2019

Michael Kiwanuka, Kiwanuka

Une entame de feu. Non loin de la première chevauchée en solo de Curtis Mayfield, You ain’t the problem déploie une armada grandiose et mordante. Les congas dévalent la mesure, le piano carillonne, les cordes tourbillonnent, la guitare griffe méchamment. Rolling appuie encore sur le tempo et la disto avant de fondre dans I’ve been dazed qui calme le jeu mais maintient l’intensité. Ainsi Michael Kiwanuka marque clairement le début d’un nouveau chapitre, le troisième, à bonne distance du nid douillet de “Home Again” (2012). 

Le trentenaire londonien ne renie pas pour autant son âme de songwriter sensible, bien au contraire. Comme il l’avait si bien fait il y a trois ans en renouant avec ses premiers amours électriques, il affirme à nouveau son identité, plus fier que jamais. Mais ce tableau n’a rien d’une œuvre nombriliste. Bâti avec le même tandem de producteurs-multi instrumentistes, les très inspirés Danger Mouse et Inflo, “Kiwanuka” prolonge l’entente merveilleuse qui avait illuminé “Love & Hate”. 

Des similitudes tempèrent certes ici la portée de quelques titres, mais il aurait été dommage de ne pas creuser davantage ce fructueux sillon. Car cette manière d’échafauder de grandes fresques nourries par un subtil brassage de pigments (soul, rock, folk, funk, pop…) produit un relief sonore palpitant, capable de crépiter comme d’enlacer, agissant tel un révélateur de nuances auprès de chansons intrinsèquement puissantes. Piano joint, Living in denial, Hero, Solid ground : en prise avec l’époque et le ressenti de l’auteur sans en être captives, ces perles disséminées le long d’un album pensé comme un tout détiennent un bout d’intemporalité qui fait la différence. Oui, l’intense sérénité qui émane de la voix magnétique d’un Kiwanuka en pleine confiance est une denrée précieuse.

Nicolas Teurnier

Note : ★★★★½
Label : Polydor
Sortie : 1er novembre 2019

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