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Hommages / 25.10.2018

Melvin “Wah Wah Watson” Ragin (1950-2018)

De Papa was a rolling stone à la “Urban Hang Suite” de Maxwell, la guitare de Melvin Ragin – qui tient son surnom de son usage régulier de la pédale d’effet du même nom – a laissé sa trace dans l’histoire de la soul à partir des années 1970. 

Né à Richmond, en Virginie, il s’installe ensuite à Détroit où il s’impose rapidement comme un musicien de studio de référence. C’est pour Motown et le producteur Norman Whitfield qu’il participe à sa première séance majeure, pour le Stop the war now d’Edwin Starr. Intégré à l’orchestre maison du label de Berry Gordy, il enchaîne les séances pour l’ensemble de ses artistes, souvent sous la houlette de Whitfield. Il rejoint également le groupe dirigé par Hamilton Bohannon, au sein duquel il gagne le surnom de Wah Wah Watson. 

Lorsque l’ensemble de l’entreprise déménage pour Los Angeles, en 1972, le guitariste suit rapidement le mouvement. Initialement venu pour contribuer à un disque de Rare Earth, il s’y installe définitivement et y prend ses habitudes en studio. Il continue à enregistrer pour Motown – par exemple sur l’album “Let’s Get It On” de Marvin Gaye – mais propose également ses services à d’autres employeurs, et sa guitare caractéristique devient presque un cliché du son soul des années 1970, surtout lorsqu’elle se combine aux productions psyché-baroques de Norman Whitfield pour les Temptations – Papa was a rolling stone, entre autres – mais aussi The Undisputed Truth, Willie Hutch, Rose Royce… Au cours de la décennie, il est omniprésent et sa patte se fait entendre derrière Barry White, John Lee Hooker, Freddie King, Bobby Womack, Quincy Jones, Etta James, DJ Rogers, Bill Withers, Michael Jackson, Albert King et même Patrick Juvet – pour un disque produit par Jean-Michel Jarre ! La vogue disco, difficile pour nombre de ses collègues, ne le perturbe pas, son style de jeu s’intégrant parfaitement, sur des disques des Whispers, de Gloria Gaynor ou de Silk, entre autres, à cette nouvelle esthétique. Aussi à l’aise dans la soul que dans le jazz – des musiciens aussi différents que Pharoah Sanders, Donald Byrd et Dizzy Gillespie s’offrent ses services –, il se permet aussi quelques incursions dans la pop et le rock, le temps de quelques séances pour Blondie et les Beach Boys… 

 

 

S’il publie un album solo au casting de luxe en 1977, “Elementary”, c’est avec Herbie Hancock qu’il noue un partenariat artistique particulier tout au long de la décennie. Les deux musiciens se sont croisés lors des séances de “Let's Get It On” de Marvin Gaye, et Hancock invite le guitariste à participer à plusieurs de ses projets majeurs sur les deux décennies suivantes, comme les albums “Man-Child”, “V.S.O.P.” et “Feets Don't Fail Me Now”. 

Les années 1980 le voient réduire un peu son activité de musicien de studio, peut-être parce que son style est trop associé à la décennie précédente, mais il reste très actif sur scène, accompagnant notamment Marvin Gaye lors de sa dernière tournée américaine. Les années 1990 et 2000 voient un retour d’intérêt pour son approche. Un certaine nouvelle génération soul se tourne vers lui, et il apporte sa contribution, voire sa caution à quelques-uns des projets marquants de ces deux décennies, comme la “Urban Hang Suite” de Maxwell ou le premier album de Meshell Ndegeocello, tout en multipliant les apparitions de prestige. Il est ainsi présent sur deux titres de l’album caritatif “Stolen Moments: Red Hot + Cool” et tourne à nouveau avec Herbie Hancock au milieu des années 2000, au sein d’une nouvelle version “all stars” des Headhunters. Plus discret depuis cette période, il s’était ces dernières années contenté d’apparitions chez Marcus Miller – avec qui il reprend Papa was a rolling stone –, Lee Ritenour, George Benson et Chris Dave. Sans doute plus reconnu par ses pairs que par le grand public – il est resté à l’écart du “buzz” autour des Funk Brothers –, il n’en a pas moins marqué de son empreinte l’histoire de la soul.

Frédéric Adrian