Jazz Celebration 2024, Théâtre du Châtelet, Paris
09.10.2024
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2 et 3 septembre 2022.
C’est à chaque fois le même plaisir qui naît quand on arrive dans l’après-midi au site de Mécleuves Terre de Blues, guidé par la grande silhouette blanche de la tente principale. On regarde les organisateurs et les bénévoles en pleine action, on serre la main des connaissances déjà présentes, on écoute les balances des groupes, c’est une bonne et douce façon de se préparer à ce qui va forcément être un grand événement. Les portes s’ouvrent à 17h30 et l’enceinte du festival se remplit très vite. Il y a la queue aux caisses, aux bars et ça commence à sentir bon du côté des stands de nourriture, avec le fameux MTBurger et sa consœur la saucisse blanche.
C’est Vicious Steel qui ouvre les festivités sur la petite scène, avec Cyril Maguy à la guitare et au chant et Antoine Delavaux à la batterie. Le duo va conquérir sans peine le public qui se masse petit à petit devant eux. Présence scénique, qualité du répertoire, pertinence du chant, en anglais et en français, son des guitares, tambours de guerre, et toujours ces lignes mélodiques et ces riffs qui accrochent, les deux compères font tout pour qu’on soit aveuglément fan d’eux.
On passe à la grande scène avec les Shaggy Dogs. Comme d’habitude les hommes en rouge et noir ne se posent pas de question et démarrent à fond. Leur “Blues’n’Roll” au gros son, harmonica, guitare, claviers, les bonds de Pascal Redondo, les attitudes millésimées de ses compères, tout est là pour passer un bon moment sans voir le temps filer.
Les interscènes du jour sont assurées par The Sideburns, groupe nancéen de blues pub rock. Dotés d’un bon son, ils connaissent leurs classiques et proposent des compositions qui tiennent la route. C’est solide, carré, de bon goût. Il le faut pour retenir l’attention du public particulièrement nombreux, dont une bonne partie est occupée à se ravitailler.
Retour à la grande scène avec Nina Attal. Soul, funk, rock, Nina sait y faire, avec sa voix qui a tout pour retenir l’attention, et son jeu de guitare dont elle use comme une vraie leader. Son groupe est impeccable et leur joie de jouer ensemble fait plaisir à voir. Le public ne s’y trompe pas, qui lui apporte un gros soutien.
Une deuxième dose de Sideburns et c’est déjà le dernier concert de ce vendredi sur la grande scène avec Denis Agenet & Nolapsters en grand format. Denis, voix et batterie, est en effet accompagné de huit musiciens, Thomas Aubé à la guitare, Ben Bridgen aux claviers, Félicien David, Alexis Bertein et Benoit Gaudiche aux instruments à vent, Julie Dumoulin et Louise VO aux chœurs, avec en plus l’intervention de Nico Vallone à l’harmonica dès le premier morceau. Reefer man, Chicken rescue, Were you in my bed, Dirty May, autant de morceaux festifs qui mettent en valeur à la fois le collectif et les individualités. Dans Mailman on the Everest, Denis se sent, face à tout ce qui peut arriver dans la vie, comme un facteur sur le plus haut sommet du monde. En rappel, il prend d’abord une guitare acoustique puis se remet à la batterie pour le final avec Girl across town.
Le lendemain, la musique commence sous un ciel qui vient de se vider mais qui reste gris, traversé d’éblouissants rayons de soleil. Pas de quoi impressionner Geoffrey Lucky Pepper & the Santa Fellas. Comme pour Vicious Steel, il est difficile de raisonner normalement pour Geoffrey et ses acolytes, Rémi Pug à la batterie et Julien Lacombe à la basse. Leur rockin’ blues énervé en power trio fait mouche à chaque fois. La pluie n’a effectivement plus osé revenir pour ne pas les perturber. En marge de leur concert, Geoffrey annonce l’enregistrement d’un nouvel album en octobre avec JP Cardot aux claviers.
La grande scène est ouverte par Mr Tchang & Bluz Explosion. C’est enfoncer une porte ouverte que dire qu’il s’agit d’une des meilleures formations blues du moment. Sam sait tout faire, au chant et à la guitare et le fait bien. Ses accompagnateurs, Benoit Ribière aux claviers, Sylvain Tejerizo au saxophone, Antoine Escalier à la basse et Pascal Delmas à la batterie sont au taquet et, cerise sur le gâteau, Victor Puertas est aussi de la partie aux claviers et l’harmonica. Tout commence par I ain’t superstitious avec un bon solo de sax baryton, puis c’est If you wanna be my woman avec un énorme solo d’harmonica de Victor, suivi d’une belle partie d’orgue par Benoit. Suivent des shuffles, des titres lents, des boogies, des morceaux funky, avec des riffs qui décoiffent, des solos qui emportent, de la slide, des pédales d’effets, des saxes qui honkent, des orgues qui groovent, c’est un très grand moment.
The Sassy Swingers assurent joliment les interscènes avec leur jazz New Orleans. Leurs looks, leurs attitudes joyeuses, la voix charmeuse de Sandrine Arnaud, emportent facilement l’adhésion dans un contexte similaire à celui de la soirée précédente : les stands de nourriture ne désemplissent pas.
C’est ensuite le tour de LA vedette de l’affiche du festival : Rick Estrin avec ses fidèles Nightcats, Kid Andersen, Lorenzo Farrell et D’Mar Martin. Comme à Nantes et Sucé-sur-Erdre une semaine avant, Rick et ses boys mettent instantanément le feu à la scène de Mécleuves Terre de Blues. Leur show est réglé dans tous ses détails mais leur professionnalisme matois fait tout passer comme il faut. Looking for a woman chaloupé, instrumental Little Walter, blues lent commencé à l’harmonica chromatique et terminé au diatonique à 12 trous, mimiques de Rick, solos de l’espace par Kid, numéro attendu de D’Mar Martin, avec saut par-dessus la batterie, percussions sur tout ce qui se présente, y compris la guitare de Kid, avant le retour de Rick pour un Calling all fools d’anthologie, tout y passe. C’est une forme de routine pour eux, du pur bonheur pour le public.
Une dose de douceur avec les Sassy Swingers et c’est le tour de la troisième tornade de la soirée avec Koko-Jean & The Tonics. Victor Puertas aux claviers, Albert Greenlight à la guitare, Anton Jarl à la batterie, la bombe Koko-Jean a le gang parfait pour braquer cette fin de festival et embarquer le public vers des sommets toujours plus hauts. Un instrumental jump en ouverture, un Nervous fellow chanté par Victor, et Koko-Jean apparaît. Avec elle, le principe est simple : aucun répit, même quand elle sort de scène pour aller changer de tenue. Le répertoire du disque est largement visité, avec tout son attrait et toute son énergie. Koko-Jean chante, danse, tape des mains, des pieds, relance ses partenaires, apostrophe le public. Il est tard certes, mais le dit-public reste chaud et clame son bonheur. Sur Good times in New Orleans, Victor prend son harmonica et dédie la chanson à Arnaud Fradin.
On a du mal à y croire quand la musique s’arrête, les lumières s’éteignent et les équipes s’agitent pour commencer à ranger. La direction du festival confirme qu’une nouvelle édition aura lieu en 2023 et on commence aussitôt à se demander ce que Nico Vallone va concocter comme affiche !
Texte et photos : Christophe Mourot